Parachat Metsora, Chabbath Hagadol

L’amour réciproque

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Celui qui sera épris de D.ieu, et qui gardera en permanence à l’esprit que c’est Lui qui dirige nos pas et lit dans nos pensées, jouira de sa Providence à chaque instant. C’est l’une des leçons de Pessa’h.

Chabbath hagadol

est le jour anniversaire de l’achat de l’agneau Pascal par toute la communauté d’Israël.

L’accomplissement de cet ordre divin fut le premier pas dans le processus de libération du joug égyptien.

Chaque année, génération après génération, c’est dans le même ordre que nous commémorons les événements extraordinaires qui se sont produits à cette époque.

Mais dans notre tradition, une commémoration n’est pas un rite folklorique, c’est l’occasion de faire revivre les enseignements fondamentaux que la délivrance hors du commun du pays d’Egypte vient nous livrer.

La semaine dernière, nous avons vu dans le phénomène de la lèpre (tsaraat), l’expression de la Providence divine (hachga’ha pratit).

Nous allons découvrir à présent que le processus de la sortie d’Egypte est fondamentalement lié à ce concept de Providence personnelle. Et tous les Juifs de l’époque ont pu la percevoir de façon éclatante.

Nous allons également constater que la foi en D.ieu est indissociable de la foi absolue dans le récit des événements de la sortie d’Egypte.

Dans « Or’hot ‘haïm leharoch», l’ouvrage de base du Roch (Rabbénou Acher), on trouve ces idées très clairement exprimées :

« Il faut avoir une confiance (bita’hon) totale en D.ieu et avoir une foi profonde et sincère en la Providence divine personnelle.

C’est seulement ainsi que l’on parviendra à fixer en son cœur la foi en l’Unité absolue de D.ieu (Y’houd Hachalem).

Pour cela, il faut profondément ressentir que D.ieu laisse aller Son regard sur tout l’univers et qu’il « voit » toutes les actions humaines. Il sonde les cœurs et les reins. (D’après la tradition, les reins interviennent dans les décision prises par l’homme).

L’Eternel est D.ieu

Et le Roch poursuit :

Cette vérité est profondément ancrée dans le déroulement de la sortie d’Egypte.

«‘Je suis l’Eternel ton D.ieu qui t’ai fait sortir d’Egypte’ (parole du décalogue : Exode 20 ; 2).

Il est clair que celui qui ne croit pas véritablement à la deuxième partie de cette injonction (« qui t’ai fait sortir d’Egypte ») ne peut pas véritablement croire à la première (« Je suis l’Eternel ton D.ieu »).

Il ne peut atteindre la foi en l’unité absolue de D.ieu (Y’houd Hachalem).

Cette foi entière est l’élément qui différencie le peuple juif de toutes les nations et l’élève à des niveaux inégalés.

Cette foi est le fondement de toute la Thora. » (Chapitre 26)

La sortie d’Egypte fut un événement pendant lequel se dévoila la Providence divine personnelle dans toute sa splendeur.

Le Roch voit dans la foi en ces événements extraordinaires, la foi en D.ieu, et donc le fondement de la Thora.

Essayons de retrouver dans les textes cet aspect tout particulier de la délivrance (géoula) d’Egypte.

«Car Je connais (yadati) ses souffrances» (Exode 3 ; 7).

Cette connaissance (yédia) est, d’après nos maîtres, l’expression même de cette providence personnelle (hachga’ha pratit).

Nous retrouvons ce même terme, yédia, au moment où D.ieu exprime Son « sentiment » pour Avraham.

« Je l’ai connu (yédativ) véritablement» (Genèse 18 ; 19).

Deux interprétations, celles de Rachi et de Na’hmanide, se complètent pour expliquer le sens véritable de cette notion de connaissance.

«Ki yédativ », c’est une expression d’amour.

Nous retrouvons à maintes occasions, le terme yédia dans le sens d’amour. Et en particulier à propos de Moïse :

« Je t’ai distingué (vaédaa ’ha) par ton nom » (Exode 33 ; 17).

On le voit, la notion de connaissance est liée à celle de l’amour.

Celui qui aime l’autre s’intéresse profondément à lui, cherche à le connaître, à percer ses caractéristiques les plus intimes (Rachi ibid.)

La connaissance de D.ieu, et son intérêt profond pour son peuple prouve Son amour, et c’est l’essence de la Providence divine personnelle (hachga’ha pratit) dont jouit Israël.

Na’hmanide ajoute :

« Le sens véritable de cette connaissance (yédia) est la Providence qui régit notre monde, et qui permet la survie de tous les êtres.

Cela est vrai pour la majorité de l’humanité par le biais de la providence générale.

Pour ce qui est des justes, D.ieu intervient activement et individuellement, et cela s’exprime par une protection permanente.

La connaissance et le souvenir divins ne s’interrompent jamais, ne serait-ce qu’un instant.

« Il ne détourne pas Ses yeux des justes » (Job 36 ; 7)

«Voici les yeux du Seigneur sont ouverts sur ceux qui le craignent » (Psaumes 33 ; 18). » (Na’hmanide ibid.)

« Car il connaît Mon nom »

Rabbi ‘Haïm Friedlander zatsal, dans son ouvrage « Sifté ‘Haïm » (Moadim

volume 2 page 317) cite à ce sujet Maïmonide, dans un passage du « Guide des égarés », (chapitre 3, p. 51) :

« Il m’a été dévoilé une vérité extraordinaire, qui ôte tous les doutes et dévoile les secrets de la Providence divine.

Voici cette vérité : nous avons déjà développé dans le chapitre sur la hachga’haque la Providence s’applique à celui qui la reconnaît.

Dans le même ordre d’idée, celui qui atteint le niveau le plus élevé de cette reconnaissance, et qui garde à l’esprit la divinité de façon ininterrompue, celui-là aura le privilège de jouir de la hachga’ha de façon permanente.

En revanche, celui qui, malgré un haut degré de connaissance, ne parvient pas à garder D.ieu constamment à l’esprit, bénéficiera seulement de la providence personnelle dans les moments où il fera l’effort d’être relié à Lui.

Le reste du temps, cette providence divine particulière ne sera pas effective pour lui. (…)

«Car, dit le Seigneur, il est épris de Moi (bi ‘hachaq) et Je le sauverai du danger, Je l’épargnerai, car il connaît Mon nom» (Psaumes 91 ; 14).

La connaissance du Nom de D.ieu, dont il est question dans ce verset, est en réalité le niveau de perception de la Providence atteint par l’homme.

On voit également dans ce verset que seul l’amour, exprimé par bi ‘hachaq, fait mériter cette protection extraordinaire.

Il existe une différence entre celui qui aime (ohev) et celui qui est épris (‘hocheq) : celui qui aime n’a pas constamment à l’esprit l’objet de son amour.

En revanche, l’esprit de celui qui est épris ne dispose d’aucune place pour autre chose.

Etre épris de D.ieu, c’est avoir constamment à l’esprit Son existence et Sa providence.

De cette manière, et grâce à elle seule, on méritera une protection illimitée de D.ieu. »

Etre épris de D.ieu, c’est sentir à chaque instant qu’Il dirige nos pas et lit nos pensées.

C’est ainsi que l’on peut avoir conscience de Son unité, comme le souligne le Roch.

Les enfants d’Israël implorent D.ieu

La sortie d’Egypte fut l’occasion pour l’humanité en général, et pour le peuple juif en particulier, de découvrir cette Providence divine personnelle.

Après deux cent dix années de servitude et de souffrances, période pendant laquelle la main divine était cachée, « D.ieu sut(vayéda Elokim) » (Exode 2 ; 25).

« D.ieu s’intéressa à eux et ne fut point indifférent » (Rachi ibid.)

Au plus profond de leurs souffrances, les enfants d’Israël implorent D.ieu.

« Leur plainte monta vers D.ieu du sein de l’esclavage» (Exode 2 ; 23).

Moïse est alors envoyé, pour développer dans leurs cœurs la foi en D.ieu et les préparer au processus de la délivrance. Les miracles montrent avec éclat la Providence très particulière à laquelle assistèrent les Juifs.

En quoi était-elle si particulière ? C’est que chacune des plaies infligées aux égyptiens était dosée et calculée en fonction de leurs pêchés (mida kenegued mida).

Leur châtiment dépendait directement des atrocités qu’ils avaient infligé aux Juifs.

Ainsi, cela s’est reproduit pendant la traversée de la mer rouge. D’après nos maîtres, les Juifs remarquèrent que le châtiment que subissait chaque égyptien correspondait exactement à sa conduite.

Le Roch conclut par des mots saisissants :

« Ne pas croire profondément dans le récit des miracles de la sortie d’Egypte, qui est l’expression de la Providence divine individuelle, altère gravement la foi (émouna) dans l’existence même de D.ieu car ces deux éléments sont indissociables et sont le fondement de toute la Thora. »

Que tout le peuple juif puisse retrouver sa foi ancestrale en Son D.ieu et Ses miracles, et que nous puissions jouir bientôt de Sa délivrance.