Au nom du saint et vénéré Rabbi Haïm Cohen zt’l

5 Rehov Eipstein, Bayit Vegan, Jérusalem Tel : 00 972 2 643 07 20 Fax : 00 972 2 643 07 19

12, rue Notre Dame des Victoires 75002 Paris Tel : 01 42 27 21 11 Fax : 01 42 27 54 91

Email : daat.haim@piximel.com Site : www.daathaim.org

Chabbath Parachat Kora’h

18, 19 juin 2004 – 29, 30 sivan 5764

Jérusalem : Paris

Allumage des bougies : 19 h 12 Allumage des bougies : 21 h 34

Sortie de Chabbath : 20 h 29 Sortie de Chabbath : 23 h 00

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le dvar Thora de cette semaine.

Cette semaine, nous poursuivons notre cycle de réflexion sur les Pirké Avoth, « Maximes des pères ».

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat Kora’h

18, 19 juin 2004 – 29, 30 sivan 5764

Contradictoire… mais vrai !

(3ème partie)

Par Rav Eliahou Elkaïm

Poursuivant notre réflexion sur ce concept fondamental de la loi orale, nous allons découvrir comment un même acte peut être considéré comme une mitsva ou au contraire comme une faute grave…

« Hillel et Chamaï reçurent d’eux la tradition. Hillel disait : ‘Soyez les disciples d’Aaron, qui aimait la paix et la recherchait sans cesse, qui aimait les hommes et les amenait à l’étude de la Loi.’ »

(Chapitre 1, Michna 12)

Pour aller plus loin dans la compréhension de l’antagonisme entre Hillel et Chamaï, il nous faut d’abord citer le texte du Talmud, sur lequel s’est penché Rabbi Israël Salanter (Or Israël chapitre 28).

« La Beraïta (paroles des Tanaïms) enseigne : ‘Une année suite à une terrible sécheresse, un jeûne fut décrété pour le peuple juif. A cette occasion, Rabbi Eliezer officia lui-même et il ajouta à la prière habituelle (amida composée de dix-huit bénédictions) six bénédictions supplémentaires, supplications pour que D.ieu leur accorde des pluies (cf. Taanit 15a).

Mais le Ciel restait sans réponse. Rabbi Akiba se dirigea alors vers la Teiba (place de l’officiant) et s’adressa à D.ieu :

‘Notre père, notre roi, nous n’avons pas d’autre maître que Toi. Notre père, notre roi, en l’honneur de Ton nom, aies pitié de nous. »

La pluie commença alors à tomber. Les Sages furent très étonnés dans la mesure où Rabbi Akiba était l’élève de Rabbi Eliezer et donc, a priori d’un niveau spirituel inférieur à celui de son maître.

Une voix céleste (Bath Kol) vint expliquer ce qui venait d’arriver, évitant des confusions et des conclusions inexactes :

« Ce n’est pas parce que l’élève est plus grand que son maître que sa courte prière a été exaucée, alors que la longue supplique du maître ne l’a pas été. La raison est que Rabbi Akiba domine ses mauvaises tendances (maavir al midotav) lorsqu’on lui cause du tort ou qu’on lui manifeste un manque de respect, alors que Rabbi Eliezer n’agit pas de la sorte’ « (Talmud Taanit 25 b)

Maîtrise du caractère

Rabbi Israël Salanter pose la question qui vient immédiatement à la lecture de ce texte:

La vertu de maavir al midotav est l’une des vertus les plus difficile à atteindre.

Pour preuve, le Talmud (Roch hachana 17) promet à celui qui y parvient une amnistie de toutes ses fautes : « Quiconque efface (dans le sens de ‘domine’) ses mauvaises tendances, verra ses pêchés effacés »

Mais alors, si Rabbi Akiba a atteint ce niveau, contrairement à Rabbi Eliezer, il est effectivement plus grand que son maître.

Comment concilier cette donnée avec les premiers mots de la voix céleste qui déclare: « L’élève n’est pas plus grand que le maître ».

Pour comprendre cette apparente contradiction, Rabbi Israël revient à notre problématique concernant Chamaï et Hillel.

La semaine dernière, nous avons cités les textes du talmud (traité de Chabbath) qui décrivent Hillel et Chamaï.

Rabbi Israël s’étonne devant la teneur de ces textes qui laisse penser que Hillel possédait un niveau spirituel bien plus élevé que Chamaï.

En effet, le Talmud cite des événements où l’on peut voir que Hillel était modeste et tolérent, alors que Chamaï agissait avec rigidité et impatience, traits de caractère réprouvés à plusieurs reprises dans le Talmud.

Dire que Chamaï était né avec ce tempérament ne résout en rien le problème, car il est clair que la sagesse de nos maîtres se mesure par leur capacité à maîtriser leur nature et à former leur caractère.

Un homme de la stature de Chamaï était sans aucun doute en mesure de forger son caractère selon la volonté et les directives de la Thora.

Rabbi Israël Salanter en déduit donc que les conduites différentes des deux maîtres envers ceux qui apparaissaient comme manquant de respect envers la Thora, tiraient leur origine d’une différence d’approche, réfléchie et étudiée, et entrait dans le cadre des nombreuses oppositions (ma’hlokoth) entre Hillel et Chamaï.

Modeste comme Hillel

La question se pose donc ainsi : un maître en Thora, qui représente la parole de D.ieu sur terre, doit-il exiger le respect de ceux qui l’abordent pour protéger pour protéger le considération envers D.ieu, ou doit-il au contraire pousser la modestie à l’extrême, même si cela risque de diminuer la déférence envers les Sages et donc envers D.ieu Lui-même ?

Hillel et Chamaï ont mis en œuvre toutes leurs connaissances, toute leur profondeur dans l’étude de la Thora pour découvrir le chemin à suivre d’après la volonté de D.ieu, et ils sont parvenus à une conclusion opposée.

Ce qui est certain, affirme Rabbi Israël Salanter, c’est que les deux grands maîtres recevront la même rémunération divine dans le monde futur pour avoir agit chacun selon sa propre conclusion, et cela est vrai pour des sujets exclusivement légaux (hala’hiques) ou de conduite générale, envers le Créateur et les hommes.

Car les deux grands hommes ont agi dans le seul et unique objectif d’accomplir la volonté divine.

Cela était vrai de leur vivant, et même pour leurs disciples, jusqu’au jour où la voix céleste a tranché dans le sens de Hillel : à partir de ce moment, les hommes sont contraints d’agir comme l’indique ce dernier.

Même si un homme, mû par les meilleurs intentions du monde, suit la conduite de Chamaï, dans quelques domaines que ce soit, il enfreint la volonté divine, que ce soit pour l’exécution de la loi (hala’ha) comme pour les relations avec les hommes.

C’est ce que le Talmud exprime en stipulant : « Que l’homme soit toujours modeste comme Hillel et qu’il ne soit pas rigide comme Chamaï » (Talmud Chabbath 31a).

A l’appui de sa conception, Rabbi Israël Salanter cite un texte du Talmud (Yébamoth 13b) qui concerne l’une des discussions entre Chamaï et Hillel qui entraîne le plus de conséquences.

Cette discussion concerne la mitsva du Lévirat.

Une mitsva ou une faute

Cette mitsva consiste, pour un homme ayant perdu un frère qui ne laisse pas d’enfant, d’épouser sa veuve.

Si le défunt avait une femme qui était n’avait pas le droit d’épouser son frère pour des raison légales (arayoth), la mitsva du Lévirat ne s’applique pas.

Dans le cas où le défunt avait deux femmes, dont l’une n’a pas le droit d’épouser le frère, et une autre qui en a le droit, Hillel et Chamaï ont des opinions différentes sur la marche à suivre.

D’après Chamaï, c’est une mitsva d’épouser la femme qui ne lui ait pas interdite.

D’après Hillel, la mitsva du Lévirat ne s’applique ni pour l’une ni pour l’autre, et épouser cette femme devient catégoriquement une faute du domaine des unions interdites (arayoth).

D’après Chmouel, dans le Talmud (Yébamoth 13), les disciples de Chamaï ont appliqué concrètement l’opinion de leur maître, et c’est seulement de longues années plus tard, après la déclaration de la voix céleste (bath kol), que la loi a été fixée comme Hillel.

Et jusqu’à cette déclaration, il est bien évident, dit Rabbi Israël que l’action des adeptes de Chamaï n’est pas considérée comme une faute, bien au contraire.

L’école de Chamaï a accompli une grande mitsva, pour laquelle ces hommes recevront une récompense complète dans l’au-delà.

Mais une fois que la voix céleste a tranché, si un homme agit en suivant la direction de Chamaï, il sera considéré comme ayant commis une faute grave, passible de retranchement (kareth).

On le voit, l’approche de Chamaï, même si elle n’a pas été retenue pour fixer la loi (hala’ha), représente un aspect de la volonté divine.

On voit donc s’incarner concrètement le principe fondamental dévoilé par la voix céleste que dans la Thora, il peut y avoir deux avis contradictoires… mais vrais !

Dans le Dvar Thora de la semaine prochaine, nous conclurons ce sujet en analysant la signification de ce concept, et ses applications.

Chabbath Chalom