Parachat Michpatim, Chabbath Chekalim

20, 21 février 2004 – 28, 29 chevath 5764

A Jérusalem A Paris

Allumage des bougies : 16 h 48 Allumage des bougies : 18 h 00

Sortie de Chabbath : 18 h 01 Sortie de Chabbath : 19 h 05

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le dvar Thora de cette semaine où nous poursuivons notre cycle de réflexion sur les Pirké Avoth, « Maximes des pères ».

Tous nos vœux de bonheur sont adressés aux familles ABECASSIS, BERREBY et CHOUKROUN à l'occasion du mariage de

SARAH & BRUNO.

Cette semaine, le Dvar Thora est consacré à la mémoire de :

Eliahou OHAYON ben Alya zal : 1er adar (23 février)

Rabbi Chalom COHEN ben Hanna zatsal : 1er adar (23 février)

Myriam bat Dina FAROUZ zal : 4 adar (26 février)

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Parachat Michpatim, Chabbath Chekalim

20, 21 février 2004 – 28, 29 chevath 5764

Le bonheur retrouvé

Suite de la maxime sur l’hospitalité, nous allons découvrir la vision de la Thora sur le couple. Vision qui peut paraître rétrograde, mais qui nous donne les clefs d’un bonheur retrouvé…

« José ben Yohanan de Jérusalem disait : « Que ta maison soit largement ouverte à tous et que les pauvres soient des habitués de ta maison. Ne multiplie pas les bavardages avec la femme ». Ceci est dit de sa femme, à plus forte raison de la femme de son prochain. C’est de là que les Sages ont dit : « Celui qui parle beaucoup avec la femme se fait tort à lui-même, néglige l’étude de la Thora et finalement, il héritera du Géhinom».

(Chapitre 1, Michna 5)

La deuxième partie du message de José ben Yohanan touche à un sujet très délicat, celui de la relation hommes-femmes.

Pour ceux qui considèrent que l’ère moderne a libéré la femme en lui conférant une place égale à celle de l’homme, place qui lui était confisquée dans les civilisations anciennes, cette maxime peut être mal comprise.

Pourtant, le taux extrêmement élevé des divorces, taux inimaginable par le passé, et, la destruction de la cellule familiale prouvent, s’il le faut, la faillite de la société moderne dans ces domaines.

En revanche, comme nous l’avons déjà expliqué dans les premières

Michnayoth

des « Maximes des Pères », le contenu de ces maximes fait partie intégrante de la loi orale, transmise à Moïse par D.ieu au Mont Sinaï.

Il va sans dire que personne ne peut mieux connaître les secrets de la psychologie masculine et féminine que Celui qui créé l’homme et la femme.

Les consignes qu’Il nous livre ici font donc partie d’un message de vie d’une vérité absolue.

C’est en approfondissant les différentes interprétations de nos maîtres que nous allons découvrir le sens de cette maxime, et plus encore…

Il va sans dire également que tout ce qui est dit sur les femmes s’accompagne de l’obligation, exigée par la Thora, d’une conduite faite de respect et d’amour de l’homme envers son épouse.

Bavardages

Nous remarquerons d’abord que cette maxime est découpée en trois volets :

1- Ne bavarde pas trop avec la femme (al tarbé siha im

haïcha)

2- Ceci est dit de sa femme, à plus forte raison de la femme de son prochain.

3- C’est de là que les Sages ont dit : « Celui qui parle beaucoup avec la femme se fait tort à lui-même, néglige l’étude de la Thora et finalement, il héritera du Géhinom »

Deux approches différentes peuvent être discernées dans les commentaires de nos maîtres sur cette Michna.

Mais nous préciserons d’abord le sens exact du terme siha (bavardage) et nous citerons les mots du Meïri, qui sont très clairs :

« Le concept de siha correspond à des paroles qui n’ont pas d’intérêt véritable.

Ainsi, le bavardage futile est appelé ‘siha bétéla

’.

(…) C’est donc intentionnellement que le Tana a choisi ce terme pour laisser clairement entendre qu’il ne s’agit pas ici des conversations utiles (sur des problèmes familiaux, concernant le couple ou tout autre sujet relevant d’un intérêt propre), qui ne sont en aucun cas répréhensibles.

Car les pensées des interlocuteurs sont focalisées sur le sujet traité.

C’est seulement le bavardage sans intérêt qui est ici déconseillé. »

La première approche de nos maîtres interprète le termehaïcha(la femme) de la première phrase, comme se référant aux femmes en général. Dans la suite de la maxime, le Tana (auteur de la Michna) ajoute que cela est dit même au sujet de sa propre femme, à plus forte raison donc pour la femme d’un autre. (Abarbanel, Roua’h-‘Haïm).

La version dans la Beraïta de Avoth de Rabbi Nathan précise que la seconde partie de notre maxime ne parle pas de l’épouse de façon générale, mais seulement lorsqu’elle est impure (nida), donc interdite.

Ce ci dans le but d’éviter des discussions trop intimes, qui pourraient amener le couple à transgresser les lois sur les rapports conjugaux.

Mais Rabbénou Yona et Maïmonide voient dans notre texte un conseil qui concerne l’épouse, même dans les périodes permises. Pourquoi ?

Relation de couple

C’est que la Thora, pour le bien des êtres humains, nous a donné des règles pour trouver l’équilibre en ce qui concerne les relations intimes du couple.

Et cette même Thora, qui connaît les secrets de la psychologie humaine, nous prévient que les bavardages entre hommes et femmes amène toujours une certaine légèreté, ou à des discussions sur des sujets intimes.

Il faut savoir que la Thora encourage ces discussions à certains moments de la vie du couple.

Le Hazon Ich conseille par exemple de multiplier les échanges et les discussions pendant la première année du mariage, pour que les conjoints apprennent à se connaître et à s’apprécier véritablement.

En revanche, la Thora les critique ces discussions si elles amènent un excès dans les relations, ce qui nuit à l’équilibre conjugal.

C’est d’ailleurs ce qu’ajoute le Tana dans sa conclusion : « Celui qui parle trop avec la femme se fait tort à lui-même ».

Car l’assouvissement des désirs, lorsqu’il est excessif, abaisse le niveau moral, en éloignant des choses de l’esprit.

Celui qui ne met aucune limite dans ses désirs, en viendra à négliger complètement son véritable rôle sur terre et à s’enfoncer dans la faute.

On l’aura compris, ce processus devient beaucoup plus dangereux lorsqu’il s’agit de la femme de son prochain.

D’après Rabbi ‘Haïm de Volozhine et le Midrach Chmouel, le rapport entre les deux parties de la maxime de José ben Yohanan doit être compris ainsi :

Après avoir précisé notre devoir d’ouvrir les portes de nos maisons aux démunis, et cela au point qu’ils se sentent comme chez eux, on prévient les hôtes d’une conséquence possible de cette générosité.

Faire en sorte que ses invités se sentent à l’aise implique d’échanger des paroles avec eux et de leur monter que nous sommes prêts à leur consacrer de notre temps.

Et c’est alors qu’entre en jeu notre maxime : même pour des motifs tout à fait justifiés (en l’occurrence l’accueil des invités), il faudra éviter ces discussions entre hommes et femmes, qui on l’a vu, peuvent être dangereuses.

Et l’on remarquera une fois encore la perspicacité de nos maîtres, qui nous préviennent de dangers que l’on a malheureusement tant de fois observés, et qui ont amené tant de drames dans de nombreuses familles…

Rabbénou Ovadia ajoute un autre élément, issu des Avoth de Rabbi Nathan (chapitre 7) :

« Si l’homme revient de la maison d’étude, ou de son travail, avec la sensation qu’on lui a manqué de respect, ou s’il s’est disputé avec quelqu’un, il fera mieux d’éviter d’en parler à sa femme.

Il risquerait de se disqualifier aux yeux de son épouse. En outre, elle risquera de mal le conseiller, en le poussant par exemple à continuer la dispute, comme ce fut le cas dans l’épisode de Korah »

(Rabbénou Ovadia ibid.)

Dans son ouvrage sur les lois concernant la médisance (lachon hara), le ‘Hafets ‘Haim précise :

« Nombreux sont ceux qui croient, et se trompent, qu’il est permis de raconter à leur épouse tout ce qui leur est arrivé dans la journée, y compris tous les petits accrochages qu’ils ont rencontrés.

Mis à part l’interdiction de médire qu’ils enfreignent, ils multiplient la discorde (mahloket), car il est naturel que cette femme gardera de la rancune envers les personnes avec qui il s’est disputé, et envers leurs familles.

Il sera donc perdant, car non seulement, sa femme risque de le pousser à la dispute, mais en plus, il a de forte chance de se déconsidérer à ses yeux.

Celui qui veut sauver son âme fera tout ce qui est en son pouvoir pour éviter de raconter à sa femme ce genre de désagréments. »

(Mekor ‘Haïm, Hilhoth Issouré

lachon hara

8 ; 10)

Le Gaon de Vilna, pour sa part, interprète différemment notre Michna.

Pour lui, le terme ‘haïcha

’, se rapporte d’emblée à sa propre femme, et il est particulièrement question ici de celui qui suit les conseils de sa femme.

C’est le sens du deuxième volet : « il s’agit de sa propre femme ».

Et le Gaon de citer le Midrach qui relate que Korah est allé prendre conseil auprès de sa femme et ce sont ses conseils qui l’ont perdu.

Mais comment comprendre cette mise à l’écart du conseil féminin quand on sait que c’est Sarah notre mère qui a compris la problématique d’Ichmaël, en l’écartant d’Avraham ?

C’est Rivka qui a vu juste au sujet d’Essav en l’éloignant de Jacob.

Ce sont les femmes qui ont permis au Juifs de rester eux-même durant l’esclavage d’Egypte, les préservant de la perte des valeurs.

Ce sont les femmes qui, à maintes reprises dans notre histoire ont, par leurs actes d’héroïsme, sauvé le peuple juif ; ce sont les femmes qui ont entre leurs mains, l’avenir de notre peuple, elles qui sont responsables de l’éducation des enfants ?

Les femmes ont donc un rôle majeur dans l’orientation spirituelle du judaïsme. Pourquoi alors notre Michna semble-t-elle négliger leur avis et leurs conseils ?

Cette question fondamentale sera développée dans le Dvar Thora de la semaine prochaine…

Chabbath Chalom