Au nom du saint et vénéré Rabbi Haïm Cohen zt’l

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Chabbath Parachat Veeth’hanan

30, 31 juillet juin 2004 – 12, 13 av 5764

Jérusalem : Paris

Allumage des bougies : 19 h 02 Allumage des bougies : 21 h 13

Sortie de Chabbath : 20 h 16 Sortie de Chabbath : 22 h 29

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le dvar Thora de cette semaine.

Cette semaine, nous poursuivons notre cycle de réflexion sur les Pirké Avoth,

« Maximes des pères ».

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat Veeth’hanan

30, 31 juillet juin 2004 – 12, 13 av 5764

Savoir mettre les priorités

Par Rav Eliahou Elkaïm

En quelques mots, clairs et percutants, Hillel nous révèle des axiomes de vie, qui vont nous permettre de découvrir où investir nos efforts…

Hillel disait aussi : ‘Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ? Et si je suis pour moi, qui suis-je ? Et si ce n’est maintenant, que sera-ce ? »’

(Chapitre I, Michna 13)

Dans son style très concis, cet aphorisme de Hillel est sans doute l’un des plus célèbres.

Trois approches de nos maîtres vont nous permettre de comprendre plus profondément cette maxime.

La première est celle de Rabbénou Ovadia, approfondie par le Rachbats. Elle met en lumière la version selon laquelle Hillel enjoint l’homme à ne compter que sur lui-même et sur ses propres mérites s’il veut jouir d’une part dans le monde futur.

Il doit acquérir cette part par ses propres efforts et nul autre que lui-même ne pourra en être l’origine. Même si dans le monde ici-bas, on peut parfois recevoir des avantages par le travail des autres, dans l’au-delà, appelé le monde de la vérité, seuls nos propres mérites nous seront attribués.

La seconde partie doit se comprendre, selon cette interprétation, comme suit : celui qui s’investit dans l’étude de la Thora et l’accomplissement des commandements divins doit toujours garder à l’esprit que, quoiqu’il fasse, il sera toujours en-deça de ce que D.ieu peut attendre véritablement de lui. Loin d’être pessimiste, cette vision des choses est au contraire un moteur qui permet à l’homme de faire toujours plus, et surtout toujours mieux.

Il conclut par une troisième et dernière vérité : chaque instant de la vie doit être utilisé pour faire la volonté de D.ieu, car si l’enjeu est le monde futur, il n’y a que dans notre monde ici-bas que l’on a la possibilité d’acquérir des mérites.

Rabbénou Yona, Rabbénou Yts’hak, ainsi que le Ram’hal dans le Sentier de rectitude (fin du chapitre 2) nous offrent une autre interprétation, chacun dans son style particulier.

Echapper à l’engrenage

Par nature, l’être humain a besoin de raviver en lui ses sentiments à l’égard de D.ieu et de la Thora, et cela de façon régulière.

C’est seulement ainsi qu’il pourra lutter contre les attaques ininterrompues du mauvais penchant (yetser hara).

Tous les messages extérieurs qui lui seront adressés dans le but d’éveiller son âme ne pourront avoir d’effet qu’à court terme.

Mais à long terme, seul celui qui se sera habitué à trouver en lui des pistes de réflexion et qui sera coutumier d’une méditation sincère, pourra espérer résister, surmonter les épreuves, en évoluant dans son travail personnel.

Le Ram’hal voit dans cette maxime la clef de toute évolution morale : sans méditation et réflexion personnelle, systématique et régulière, on ne peut gravir les échelons du service divin.

Car l’un des stratagèmes les plus courants, et les plus efficaces du mauvais penchant, consiste à rendre omniprésentes les obligations professionnelles et familiales, au point où l’homme ne bénéficie d’aucun moment propice à la réflexion, aucun moment où il puisse réfléchir sur son avenir et ses devoirs véritables.

Seule la médiation lui permettra d’échapper à cet engrenage, et c’est le seul moyen dont l’homme dispose pour accomplir sa mission réelle sur terre.

C’est la raison pour laquelle l’étude de l’éthique (Moussar) est si primordiale.

Le Ram’hal explique que nous ne pouvons espérer vaincre nos mauvaises tendances sans l’aide de D.ieu, selon le principe fondamental qui existe depuis la création du monde, exprimé dans les Psaumes (37 ; 32) :

« Le méchant (allusion au mauvais penchant, yetser hara) fait le guet pour perdre le juste, il cherche à lui donner la mort, l’Eternel ne l’abandonne pas entre ses mains ».

Et le Ram’hal de poursuivre en expliquant que D.ieu ne peut accorder Son aide uniquement si l’homme fait pas le premier pas. Et ce premier pas c’est cette prise de conscience et ces efforts personnels.

Lorsque l’homme a montré sa volonté, a fait le premier pas, notamment par cette dynamique de réflexion personnelle, par cet effort pour voir clair, D.ieu accordera alors Son aide, indispensable pour lutter efficacement contre le mauvais penchant.

En quelques mots incisifs, Hillel résume cette vision globale de la vie, cette philosophie :

« Si je ne suis pas pour moi… » : « Si je ne suis pas disponible pour moi-même afin d’éveiller ma conscience à des temps réguliers… »

« Qui le sera ? » : «D.ieu Lui-même ne viendra pas à mon secours pour surmonter mon yetser hara ! »

L’harmonie et rien d’autre

Rabbénou Yona poursuit en interprétant la suite de la maxime dans le sens suivant :

Lorsque l’homme parvient à mettre en marche cette introspection, il doit être conscient que ses moyens pour lutter contre le mauvais penchant sont limités, quand on connaît la puissance de ce dernier.

Mais cette constatation ne doit en rien le freiner ou le décourager, mais au contraire le motiver à agir, le décider à trouver les véritables moyens pour atteindre l’harmonie.

Sans cette action, il ne pourra espérer le salut.

La fin de cette maxime vient mettre en garde l’homme contre l’idée fausse qu’il faut d’abord investir dans le concret et les ambitions matérielles, avant de se consacrer à un travail sur soi.

Pourquoi cette vision est dangereuse ? Parce que les jours pendant lesquels l’homme a négligé ses devoirs envers D.ieu sont des jours perdus, qui ne reviendront plus.

Dans son commentaire sur cette Michna, le Sforno suit l’interprétation de Rabbénou Ovadia, à quelques nuances près.

Il suit la même idée, en ajoutant l’une de ses applications : il souligne la différence fondamentale entre les valeurs matérielles, qui peuvent être acquises grâce à des intermédiaires (chalia’h), et les valeur spirituelles, qui exigent un travail personnel.

« Quand je suis pour moi » (qui signifie : « quand j’étudie la Thora et accomplis les commandements ») doit être accompagné d’une volonté et d’une action pour aider les autres à eux aussi s’élever.

Si l’on n’agit pas pour que le Nom divin soit sanctifié sur toute la terre, on n’a pas accomplit véritablement sa mission.

Rester soi-même

En outre, les mots de Hillel contiennent un aspect supplémentaire, plus caché.

Chaque être humain est particulier, et possède une singularité qu’il doit découvrir et utiliser pour gravir les échelons spirituel.

Ce ‘je’ (ani) n’existe qu’en lui, et c’est avec ce ‘je’ qu’il doit agir pour accomplir son travail spécifique.

Hormis en ce qui concerne la loi (hala’ha) et sa pratique, qui ne doit pas être considérée personnellement, il faut toujours chercher sa propre voix, ce en quoi nous pouvons spécifiquement apporter aux autres et au monde, observer les qualités que D.ieu nous a donné et qui nous sont propres pour les utiliser dans les commandements.

Le but est de rester soi-même, à tout prix, chacun avec son particularisme. C’est là le sens de : « Si je ne suis pas pour moi ».

Nous conclurons par les mots de Rabbi ‘Haïm de Volozhine (Roua’h ‘Haïm, ibid.).

Il voit dans les deux parties de cette maxime une allusion aux deux domaines d’action de l’homme : le matériel et le spirituel.

Dans l’étude de la Thora et dans les domaines spirituels en général, l’effort et l’investissement de l’homme sont prédominants, et déterminent l’aide divine : selon son effort, D.ieu lui permettra de comprendre les textes et leurs secrets, lui ouvrant ou non l’esprit, et l’aidera à se rapprocher de Lui.

Dans le domaine matériel, c’est l’inverse. Le mauvais penchant (yetser hara) nous fait penser que nous devons nous investir totalement dans nos affaires, que nos responsabilités nous y engagent et que nous n’avons pas d’autres choix. Le résultat, que nous déplorons, mais acceptons, est qu’il ne nous reste plus aucun moment ni aucune sérénité pour l’étude et l’introspection.

Mais ce n’est qu’une illusion crée par le yetser hara. Car pour tout ce qui concerne le matériel, les résultats ne sont pas liés directement, ni même proportionnellement aux efforts que nous produisons.

N’avons-nous pas tous, à un moment ou à un autre, senti que la réussite ou l’échec d’une entreprise ne dépendait pas seulement de nos compétences, mais de circonstances extérieures, ou encore du bon vouloir d’un tiers ?

Le fait que nous soyons riches ou pauvres est décidé avant notre naissance (Talmud Nidda 16b) de façon générale, Et à chaque jugement de Roch Hachana, il est décidé quels seront nos revenus au courant de l’année.

Hillel commence donc par définir le domaine spirituel, celui de la Thora : ‘Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ?’, en expliquant que si ce n’est mon effort et ma volonté, je ne pourrai obtenir aucun résultat.

Et il poursuit par le matériel : ‘Et si je suis pour moi, qui suis-je ?’, en montrant que l’effort n’est pas primordial, mais seulement nécessaire pour enclencher le processus de la bénédiction divine.

Par quelques mots percutants et concis, Hillel a définit précisément la vision de la vie transmise par nos Sages de génération en génération, vision qui nous a permis de rester un peuple éternel, bravant les dangers de l’exil et les pérégrinations de l’histoire.

Chabbath Chalom