Au nom du saint et vénéré Rabbi Haïm Cohen zt’l

1, Rehov Hapisga, Bayit Vegan, Jérusalem Tel : 00 972 2 643 07 20 Fax : 00 972 2 643 07 19

12, rue Notre Dame des Victoires 75002 Paris Tel : 01 42 27 21 11 Fax : 01 42 27 54 91

Email : daat.haim@piximel.com Site : www.daathaim.org

Chabbath Parachat Ekev

6, 7 août 2004 – 19, 20 av 5764

Jérusalem : Paris

Allumage des bougies : 18 h 56 Allumage des bougies : 21 h 03

Sortie de Chabbath : 20 h 09 Sortie de Chabbath : 22 h 15

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le dvar Thora de cette semaine.

Cette semaine, nous poursuivons notre cycle de réflexion sur les Pirké Avoth,

« Maximes des pères ».

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat Ekev

6, 7 août 2004 – 19, 20 av 5764

Un visage rayonnant

Par Rav Eliahou Elkaïm

Grâce à cette maxime, nous allons découvrir l’aspect véritable de la personnalité de Chamaï. L’occasion de prendre conscience d’un devoir qui nous incombe : aussi simple qu’il puisse paraître, il permet à l’homme d’être à l’image de son Créateur…

« Chamaï disait : ‘Fais de l’étude de la Thora ton occupation fixe ; parles peu, mais agis beaucoup ; et reçois chacun avec un visage aimable’. »

(Chapitre I, Michna 13)

Dans cette maxime, Chamaï est parvenu à concentrer trois règles fondamentales, qui peuvent littéralement transformer celui qui les applique.

Le premier volet, ‘Fais de l’étude de la Thora ton occupation fixe’, est interprété de la façon suivante par Rabbénou Ovadia, qui suit Rachi et Maïmonide :

Le mot ‘fixe’ (keva) signifie ici ‘principal’. On doit donc comprendre que l’occupation principale de tout Juif doit être l’étude, le jour et la nuit.

Ce n’est qu’après avoir investi l’essentiel de nos efforts dans cette étude que l’on peut consacrer ce qui nous reste d’énergie pour assurer l’aspect matériel de l’existence.

En aucun cas, il ne faut intervertir ces deux pôles, laissant à l’étude les moments laissés libres par le travail profane.

Rabbénou Yona et le Gaon de Vilna voient une autre dimension dans cette maxime :

Au-delà du nombre d’heures consacrées à l’étude et leur régularité, Chamaï conseille également à l’homme, même pendant son activité professionnelle, de garder la Thora constamment à l’esprit.

L’attachement sentimental et émotionnel à la Thora doit être cultivé au point qu’il accompagne un homme tout au long de sa vie, à n’importe quel moment.

On l’imagine sans mal, ce niveau ne peut être atteint que par celui qui étudie la Thora dans un esprit très pur, et demande un travail personnel poussé (cf. Sifré ‘Haïm vol. 3 p.220).

Disqualifié !

La deuxième partie de la maxime de Chamaï se rapporte à l’étude de la Thora et aux mitsvoth, et aux initiatives de l’homme dans ce domaine.

Et ce second volet concerne plus particulièrement les engagements vis-à-vis des autres.

Selon Chamaï, il faut éviter autant que possible d’exprimer de vive voix ses bonnes intentions et ses engagements.

En effet, cela peut éveiller des forces négatives (mekatreguim), qui agiront pour empêcher l’accomplissement de cette initiative positive.

Chamaï offre donc un conseil d’ordre pratique à tous ceux qui souhaitent accomplir la volonté divine.

Dans son commentaire, Rabbi Yossef Ibn Chouchan voit dans les mots de Chamaï une direction pour rester attaché à la vérité.

Quand l’homme s’attache à la vérité dans sa parole, il évite tout risque de faillir à ce principe fondamental.

Pour parvenir à ne jamais prononcer des paroles inexactes, le meilleur moyen est de s’engager à moins que ce dont on est capable de faire.

Dans le cas inverse, on risque de ne pas respecter ses engagements, et de finir par se disqualifier et se décrédibiliser aux yeux des autres.

En outre, on en viendra naturellement à perdre la sensation absolue de la vérité.

La dernière partie de cette maxime va nous dévoiler l’équilibre extraordinaire que la Thora apporte à celui comprend véritablement quelle est la volonté de D.ieu.

En effet ce troisième volet vient contrebalancer l’aspect peut-être un peu rigoureux des deux premières parties.

Tentons d’approfondir les mots de cette maxime pour mieux la comprendre.

Le visage de D.ieu

Chamaï utilise pour désigner ‘l’autre’ le terme (kol haadam : littéralement, tous les êtres humains).

Nous devons donc recevoir avec un visage aimable les autres, tous les autres, même ceux qui sont désagréables ou méprisants à notre égard.

Pour terminer l’étude lexicale de cette partie de la maxime, l’expression ‘visage aimable’ est exprimée par ‘sever panim yafoth’.

Panim signifie ‘visage’ et l’expression dans son ensemble exprime la notion de ‘tourner son visage’ : on comprend donc que nous devons nous tourner vers tous ceux qui viennent à notre rencontre et qui entrent dans notre maison.

Et ce visage que nous tournons vers l’autre dit avoir une expression (sever) agréable (yafoth : belle).

L’auteur de « Torath Avigdor » ajoute un éclairage aux paroles de Chamaï (vol.1 p.92).

On le sait, il y a une mitsva qui est énoncée trois fois dans la Thora :

« Tu marcheras dans les voies de l’Eternel »

(Deutéronome 8-6 ; 10-12 ; 11-12)

Ce verset est interprété par nos maîtres comme faisant référence aux attributs de la miséricorde divine et engage l’homme à s’imprégner de ces mêmes vertus (cf. Maïmonide Yad Ha‘hazaka, Hil’hoth déoth 1-5-6 et Tomer Débora chap.1).

L’un des attributs divins le plus bénéfique pour l’homme est le rayonnement du visage de D.ieu (haazath panim).

C’est ce que les Cohanim expriment en bénissant l’assemblée par ces mots :

« Que l’Eternel fasse rayonner sa face vers toi »

(Nombres 6 ; 25)

La dernière bénédiction de la prière que nous faisons trois fois par jours (amida) exprime cette idée de façon plus forte encore :

« C’est par le rayonnement de Ta face que Tu nous a accordé la Thora, la vie,

l’amour (…) »

Donner son coeur

Dans « Tomer Debora » (attribut 7 chap.2), le Ramak précise :

« Le visage de l’homme doit être rayonnant à chaque instant, et c’est ainsi que l’homme doit recevoir chacun (sever panim yafoth), de même qu’il est écrit au sujet de D.ieu :

« Par le rayonnement de la face du Roi de la vie »

(Proverbes 16 ; 15)

On le voit, la maxime de Chamaï est en réalité l’accomplissement d’une mitsva de la Thora. Mais quel est le point de rencontre entre ce rayonnement de la face de D.ieu, qui fait référence à des notions transcendantes, sources de toutes les bénédictions, et l’amabilité de l’homme.

Un texte percutant dans Avoth de Rabbi Nathan nous fait comprendre l’effet extraordinaire provoqué par un visage véritablement aimable.

« Si on offre le plus beau cadeau du monde avec un visage fermé, ce cadeau ne vaut rien. Alors que celui qui reçoit l’autre avec un visage aimable (sever panim yafoth), même s’il n’a rien d’autre à offrir, est considéré comme ayant offet le plus beau cadeau du monde » (fin du chapitre 13).

Le Rav Dessler (Mi’htav meEliahou volume 4 p.246) va plus loin encore : D’après le Zohar, on le sait, l’approche de Chamaï quand à l’application de la loi (hala’ha) tirait son origine dans les racines de son âme.

On l’a vu dans des Dvar Thora précédents (Avoth 27, 28, 29, 30), les racines de l’âme de Chamaï avaient pour origine la rigueur (midath hadin).

Quand Chamaï nous encourage à recevoir chacun avec affabilité, ce n’est donc pas seulement la bonté (‘hessed') qui nous y engage, c’est aussi la rigueur qui l’exige (din).

Il revient donc de droit (din) à chaque créature, que nous lui montrons un visage sympathique et rayonnant : cela fait partie des devoirs qui incombent à chaque homme envers tous les autres !

Et même celui qui est accaparé par l’étude de la Thora et la droiture dans ses engagements et ses mitsvoth, a le devoir absolu de « donner son cœur » à toute l’humanité, en manifestant avec sincérité ce rayonnement, en offrant ce visage aimable, à l’instar du Créateur.

Le même Chamaï qui considérait qu’il fallait agir avec rigidité avec ceux qui méprisaient la Thora, ne manquait jamais à ce devoir fondamental, et recevait chacun avec un visage rayonnant.

Chabbath Chalom