Au nom du saint et vénéré Rabbi Haïm Cohen zt’l

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Parachat Chemini

16, 17 avril 2004 – 25, 26 nissan 5764

A Jérusalem A Paris

Allumage des bougies : 18 h 34 Allumage des bougies : 20 h 24

Sortie de Chabbath : 19 h 47 Sortie de Chabbath : 21 h 35

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le dvar Thora de cette semaine.

Cette semaine, nous poursuivons notre cycle de réflexion sur les Pirké Avoth, « Maximes des pères ».

Ce Dvar Thora est consacré à la mémoire de :

Moché LANCRI ben David : 27 nissan (18 avril)

Avraham ben Myriam FAROUZ : 29 nissan (20 avril)

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Parachat Chemini

16, 17 avril 2004 – 25, 26 nissan 5764

Justice et vérité :

Une quête d’absolu

(deuxième partie)

Par Rav Eliahou Elkaïm

Outre ses compétences et son intégrité face à la recherche vérité, la Thora exige d’un juge un contrôle de soi et une maîtrise de ses sentiments qui dépasse notre conception de la justice. Les maximes des pères à ce sujet nous donnent également l’occasion de découvrir une page inédite de l’histoire juive...

« Juda ben Tabaï et Siméon ben Chéta’h reçurent d’eux la tradition. Juda ben Tabaï disait : ‘N’agis pas comme ceux qui organisent la plaidoirie des autres devant les juges’ ; quand les parties adverses se tiendront devant toi, qu’elles soient à tes yeux comme coupables, et quand elles se seront retirées, qu’elles soient à tes yeux comme innocentes, puisqu’elles auront accepté le verdict. »

(Chapitre 1, Michna 8)

Siméon ben Chéta’h disait : ‘Examine longuement les témoins et fais attention à tes paroles, de crainte que par elles, il n’apprennent à mentir. »

(Chapitre 1, Michna 9)

On le voit, les maximes de Yéhouda ben Tabbaï et Siméon ben Chéta’h s’adressent exclusivement aux juges, et ce n’est pas un hasard.

L’époque de ce ‘couple’ de sages (Yéhouda ben Tabbaï et Siméon ben Chéta’h) a été marquée par deux périodes.

La première fut l’une des plus sombres de l’histoire du peuple juif.

Yo’hanan Horkenos, cinquième des rois de la dynastie des Hasmonéens, était un juste et avait exercé les fonctions de Grand Prêtre (Cohen Gadol) pendant quatre-vingts ans.

Mais au crépuscule de cette vie de sainteté, il se laissa influencer par ses fils, qui s’étaient écartés de la tradition pour se lier à la secte des Sadducéens (tzedoukim).

Nos maîtres ont discerné dans cet épisode attristant l’illustration de ce qui est écrit dans les Maximes des pères (Avoth 2 ; 4 Talmud Bera’hot 29a) :

« Jusqu’au jour de ta mort, ne sois pas assuré de ne pas fauter »

Le Talmud (Kiddouchin 66a) relate qu’un personnage douteux du nom de Eleazar ben Poïra parvint à susciter la colère de Yo’hanan à l’égard des Maîtres d’Israël, au point qu’il les fit exécuter, hormis ceux qui parvinrent à lui échapper.

Parmi eux, le prince (nassi) Yéhochoua ben Péra’hia s’enfuit en Egypte et Siméon ben Chéta’h fut épargné grâce à sa sœur, qui était l’épouse d’Alexandre Yanaï, le troisième fils de Yo’hanan, qui le cacha.

La situation des Pharisiens (perouchim) et de leur entourage devint très difficile et la secte des Saducéens augmenta son emprise sur le pouvoir.

Et l’on ne retrouve presque aucune trace de l’influence des Maîtres de Thora pendant cette époque.

Il fallut attendre la fin du court règne de Yéhouda Aristobolos et l’avènement au pouvoir d’Alexandre Yanaï pour qu’un changement s’annonce.

Une femme de Bien

Le Talmud (Bera’hot 29a) nous raconte que depuis le début de son règne, Alexandre Yanaï était un racha (mauvais), mais sa chance était d’être marié à Cheltsion, une femme extraordinaire et femme de grand mérite (tsadéket).

Par son influence, la politique d’Alexandre Yanaï à l’égard des grands maîtres en Thora changea, ce qui permit à Siméon ben Chéta’h, qui était son beau-frère, de sortir de sa clandestinité.

Malheureusement, depuis le fourvoiement de Yo’hanan, la Cour Suprême (Sanhédrin) était tombé aux mains des Saducéens, qui ignoraient tout de la tradition : le peuple juif avait un système juridique qui n’était plus fidèle aux lois de la Thora.

Alexandre, toujours grâce à l’influence de sa femme, fit nommer Siméon ben Chéta’h comme membre du Sanhédrin.

Siégeant au début avec un groupe de Saducéens, totalement ignorants des lois de la Thora, ce dernier parvint, grâce à sa sagesse et sa diplomatie, à reformer, sans heurts, un Sanhédrin tel qu’il se doit, écartant les Saducéens et les remplaçant par de véritables savants qu’il avait lui-même formé (Méguilat Taanit 10).

La sagesse extraordinaire de Siméon ben Chéta’h lui permit également de rétablir progressivement les structures de la Thora en Israël, et cela malgré les liens d’Alexandre avec les Saducéens, mas toujours grâce à l’appui inconditionnel de la reine Cheltzion.

Après la mort d’Alexandre Yanaï, c’est sa femme, Cheltsion qui régna, car ses fils étaient mineurs.

Le peuple juif connut alors un nouvel âge d’or, qui dura jusqu’à sa mort, et pendant lequel Siméon ben Chéta’h tint le rôle politique et spirituel principal.

Les maximes sur lesquelles nous nous penchons cette semaine, furent les principes fondamentaux de Siméon ben Chéta’h et de la jurisprudence thoraïque, puisqu’elles expriment la substance même de leur enseignement.

Ce ne sont pas seulement des conseils techniques adressés aux juges, mais la révélation de l’essence même de la vision de la Thora sur la justice.

La dynamique de la vérité

La Thora exige du juge une impartialité totale. Pour y parvenir, il lui est imposé de considérer les deux parties comme coupables, même si sa conviction le pousse à penser que l’une des deux est innocente.

L’auteur du Tossafot Yom tov pose à ce sujet une question intéressante : pourquoi ne pas considérer au contraire les deux parties comme innocentes ?

Sa réponse est que le principe de dan

lekaf

ze’hout(juger positivement), principe de vie enseigné par nos Sages pour tous les Juifs, ne doit pas être mis en pratique lors d’un procès.

Car ce principe empêcherait le juge d’utiliser toute sa perspicacité pour découvrir la réalité des faits.

Et ce n’est pas la mise en scène de l’objectivité qui est ici demandée, mais un réel travail sur soi qui est exigé d’un juge qui va devoir arbitrer selon les règles de la Thora.

Même si l’une des parties est un juste (tsadik) et l’autre un méchant (racha), le juge doit se pénétrer de la conviction qu’il a devant lui deux

réchayim.

C’est seulement de cette façon qu’il pourra cerner la vérité (Mé’hilta Exode 23 ; 6).

Après qu’il ait rendu son verdict, et quand celui-ci est accepté par les deux parties, on exige de lui qu’il change littéralement sa vision des événements, et qu’il remette en action la vertu de dan lekaf ze’houth.

Il lui faut alors considérer la partie perdante, même s’il semble qu’elle a agit de façon malhonnête, comme ayant été simplement ignorante de la loi, ou pour une autre circonstance atténuante.

Seule la Thora peut exiger une telle dynamique.

Double exigence

La maxime de Siméon ben Chéta’h exprime un deuxième aspect des qualités demandées au juge.

Une droiture et une perspicacité hors du commun sont indispensables.

On exige de lui qu’il utilise tous les stratagèmes pour découvrir la vérité de la bouche des témoins.

Mais on réclame également qu’il bannisse de son interrogatoire tout élément qui pourrait inspirer à ces derniers de nouvelles idées, qu’ils étayeraient, le cas échéant, par des mensonges.

Le Gaon de Vilna cite en référence à cette maxime le verset :

« Eloigne-toi d’une parole mensongère » (Exode 2

3)

Par l’utilisation du terme ‘éloigne-toi’, nos maîtres ont interprété ce verset non seulement comme venant interdire le mensonge, mais aussi comme venant interdire l’entraîner chez d’autres personnes.

En rétablissant le véritable jugement de la Thora (Michpath hathora), Siméon ben Chéta’h a réussi à redonner à la Thora sa place véritable dans le fonctionnement de la société.

Et ce fut le début d’un renouveau au sein du peuple juif…

Chabbath Chalom