Chabbath Parachat Ki Tissa

25, 26 février 2005 - 16, 17 adar 1 5765

Jérusalem: Paris

Allumage des bougies : 16 h 59 Allumage des bougies : 18 h 08

Sortie de Chabbath: 18 h 11 Sortie de Chabbath : 19 h 16

Très chers amis,

J'ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» ( Pirké Avoth ).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l'objet d'un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora».

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet.

Comme nous vous l'avons déjà annoncé, la Yéchiva Daat 'Haïm est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l'entrée de Bayit Vegan, 1, Rehov Hapisga, à Jérusalem (bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud)

Nous comptons sur l'aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan

Merci à tous ceux qui nous ont activement aidé lors de notre Gala annuel, le 9 février dernier. Il contribuent ainsi à la transmission de la Thora, nous leur dédions le Dvar Thora de cette semaine.


Chabbath Parachat Ki Tissa

Au nom du ciel

Par Rav Eliahou Elkaïm

La seconde partie de notre Michna concerne tous ceux qui se consacrent à la communauté. Une responsabilité qui exige des intentions particulièrement pures, pour parvenir à ne rechercher que l'intérêt du public.

רבן גמליאל בנו של רבי יהודה הנשיא אומר : יפה תלמוד תורה עם דרך ארץ,שיגיעת שניהם משכחת עוון.

«Rabban Gamliel, fils de Rabbi Yéhouda le Prince, disait: 'L'étude de la Thora est belle lorsqu'elle est jointe à une occupation professionnelle, car leur double investissement évite la faute. Toute étude qui n'est pas associée au travail finira par s'anéantir et amènera le pêché. Que tous ceux qui s'occupent de la communauté le fassent pour le Nom de D.ieu, car c'est le mérite de leurs pères qui les aide ainsi que leur vertu qui subsiste à jamais; et Moi, Je vous en tiendrai compte en vous récompensant grandement comme si vous l'aviez fait vous-mêmes.»

(Chapitre 2, Michna 2)

Nous avons vu les semaines précédentes que Maïmonide et Rabbénou Yona comprenaient le terme dere'h erets dans le sens d'un travail, et que cela concernait la majorité du peuple juif, excluant une minorité qui devait se destiner exclusivement à l'étude de la Thora.

Une deuxième école (formée notamment par Rabbi Yossef Ibn Chouchane et le Meïri) considère que ce terme désigne plutôt le raffinement du caractère ( midot tovo t).

On retrouve d'ailleurs ce terme de dere'h erets dans le même sens plus loin dans la Michna (3-17).

L'expression employée par Rabban Gamliel est: 'L'étude de la Thora est belle ( yaffé ) avec du dere'h erets '.

Cela signifie que la Thora acquise par l'homme, lorsqu'elle est accompagnée d'un comportement droit et raffiné, sera appréciée par ceux qui l'entourent, et suscitera une sanctification du Nom divin ( Kidouch Hachem ).

Le terme belle (yaffé) exprime ici cette appréciation unanime.

Dans le cas contraire, elle risque de provoquer une réaction de rejet de la part du monde extérieur.

Rav El'hanan Wasserman zatsal, l'élève de prédilection du 'Hafets 'Haïm, cite une troisième interprétation de ce mot, tirée du Midrach (Bamidbar Rabba 13-16).

«L'étude de la Thora doit être obligatoirement accompagnée de bonnes actions, comme l'exprime le sage ( tana ): 'L'étude de la Thora est belle lorsqu'elle est jointe au dere'h erets '.

Der'h erets désignerait donc les actes conformes aux exigences de la Thora. La notion de beauté ( yaffé ) exprime donc la valeur de celui dont les actes sont en concordance avec la connaissance acquise.

Toujours d'après Rav El'hanan, c'est cette même interprétation que prend en compte Rabbénou Tam, cité dans tossafot Yéchanim Yoma (85b).

Ce dernier considère que dans l'expression ' Thora im dere'h erets ' employée par Rabban Gamliel, signifie que dere'h erets est la notion la plus importante, la Thora venant simplement la compléter, chose difficilement admissible si cette expression désigne l'activité professionnelle.

En revanche, s'il s'agit de la mise en pratique des commandements, on retrouve l'idée de Chimon ben Rabban Gamliel (Avoth 1-17) qui disait: «L'étude n'est pas l'essentiel, c'est l'action. Si l'étude de la Thora n'implique pas la mise en pratique de ses enseignements, elle perd sa raison d'être » (Kovets Chiourim II; 47-5).

Objectif unique

Le deuxième volet de cette Michna s'adresse à ceux qui se consacrent à la communauté et le tana leur demande d'agir 'lechem chamayim '.

L'expression lechem chamayim (littéralement: 'au nom du Ciel') signifie, on le sait, accomplir une action uniquement par amour envers D.ieu.

Cela rejoint l'exigence d'Antigonos dans sa maxime, concernant tous les commandements (1-3):

«Ne soyez pas comme des serviteurs qui servent leur maître afin de recevoir un salaire. Soyez comme des serviteurs qui servent leur maître sans attendre aucune rémunération.»

C'est un niveau que l'on nomme ' lichma' : le service divin désintéressé, avec comme objectif unique la vénération du Créateur.

On s'en souvient (Dvar Thora année 5764, p.93) Antigonos s'adresse seulement à ceux qui veulent s'élever à un niveau supérieur dans leur relation avec D.ieu.*

Rabban Gamliel, pour sa part, s'adresse à tous ceux qui sont en charge de la communauté, et exige d'eux qu'ils atteignent le niveau le plus élevé, celui de 'lichma'.

Y aurait-il une contradiction entre Rabban Gamliel et ce que le Talmud nous enseigne?

Rabbi Israël Salanter va nous aider à y voir plus clair, par son interprétation originale du concept de 'lechem chamayim ' (Ohr israël chap. 29).

Une nuance capitale

Rabbi Israël remarque d'abord que Rabban Gamliel ne parle pas d'intention mais d'action. Rabban Gamliel ne dit pas qu'il faut avoir des intentions ' lechem chamayim , mais des actions ' lechem chamayim '.

Pour illustrer cette nuance qui n'est pas fortuite, Rabbi Israël prend l'exemple d'une mitsva.

Imaginons un homme qui lors de la première fête de Souccot, se présente à la synagogue avec un étrog et un loulav magnifiques mais qui ne lui appartiennent pas.

En réalité, cet homme n'accomplit aucune mitsva , car l'une des conditions hala'hiques de cette mitsva est que le loulav et l' étrog lui appartiennent.

En revanche, les intentions que l'on a, au moment de l'accomplissement d'une mitsva, ne viennent pas invalider cette mitsva , mais seulement rehausser son niveau.

Cela est vrai pour tous les commandements qui sont clairement définies dans la Thora.

Mais en ce qui concerne la mitsva de travailler au service de la communauté, les intentions sont conséquentes.

Travailler pour la communauté ne devient une mitsva que si celui qui agit, le fait pour le bien de la communauté, et dans ce seul et unique but.

Si consciemment ou non, il recherche d'autres objectifs (personnels ou non, justifiables ou non), cette action n'est peut-être pas une faute ( avéra ) mais elle n'est plus une mitsva .

Pour Rabbi Israël, c'est dans ce sens que Rabban Gamliel utilise le terme de lechem chamayim : c'est une expression qui désigne ici le fait de travailler pour le public dans le seul et unique but de rechercher son bien, sans poursuivre aucun autre intérêt.

Même celui qui n'a pas atteint le niveau 'lichma' dans ses intentions ( kavanoth ) méritera le titre de 'ossek betzorké tzibour lechem chamayim ' (celui qui s'occupe des affaires du public au nom du ciel')

On retrouve encore cette même idée dans l'une des bénédictions prononcée tous les chabbath dans le rite achkénaze, après la lecture de la Thora.

Cette bénédiction s'adresse à ceux qui se consacrent au travail communautaire, et elle utilise le terme beémouna (avec intérgité):

« Kol micheossekim betzorkei tsibour beémouna »: celui qui se consacre au travail de la communauté avec intégrité ( émouna ).

On le voit, le terme employé est différent et confirme l'interprétation de Rabbi Israël.

Celui qui décide de se consacrer au public doit garder en permanence à l'esprit que la communauté n'est pas un outil qui permet l'existence de ses structures. A l'inverse, ces institutions sont un outil qui permet de servir la collectivité.

Cela exige une remise en question personnelle régulière.

Et c'est seulement ainsi que l'on peut mériter l'attribut de noblesse de 'celui qui se consacre au public au nom du ciel'.

Chabbath Chalom

* Antigonos ne réprouve pas un service divin accompli dans le but d'une rémunération par D.ieu. La règle générale étant: «L'homme doit s'efforcer d'étudier la Thora même si ce n'est pas 'lichma'. Car grâce à cette étude, qui au départ n'a pas le niveau 'lichma' et est mûe par toutes sortes de motivations (che lo lichma), il parviendra par la suite à une étude 'lichma' (Talmud Pessa'him 50b), cf. Dvar Thora 5764 p. 277).