habbath Parachat Vayéchev

3, 4 décembre 2004 – 20, 21 kislev 5765

Jérusalem: Paris

Allumage des bougies : 16 h 00 Allumage des bougies : 16 h 36

Sortie de Chabbath: 17 h 14 Sortie de Chabbath : 17 h 49

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le

dvar Thora

de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora».

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet.

Comme nous vous l’avons déjà annoncé, la Yéchiva

Daat ‘Haïm

est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l’entrée de Bayit Vegan, 1, Rehov Hapisga, à Jérusalem (bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud)

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et le Chalom.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Essentiels et égaux

Par le Rav Eliahou Elkaïm

L’homme pourrait être tenté de hiérarchiser les commandements, distinguant entre ceux qui sont essentiels et les autres. Rabbi vient rétablir l’égalité.

רבי אומר : איזוהי דרך ישרה שיבר לו האדם ? כל שהיא תפארת לעושה ותפארת לו מן האדם. והוי זהיר במצוה קלה כבחמורה, שאין אתה יודע מתן שכרן של מצוות.

«Rabbi disait: Quel est le droit chemin que l’homme doit choisir? Tout chemin dont peut s’honorer celui qui le prend, et pour lequel il est honoré par les autres hommes. Sois attentif à un commandement facile comme à un commandement difficile, car tu ne connais pas la rétribution des commandements.»

(Chapitre 2, Michna 1)

Dans les divrei

Thora précédents, nous avons étudié l’interprétation de Maïmonide sur les premiers mots de la maxime de Rabbi.

Selon cette interprétation, Rabbi nous indique une règle de vie qui touche le comportement et les traits de caractères (midoth).

Toujours d’après ce commentaire, le termetiféreth leossa’h

signifie une gloire pour celui qui est parvenu à contrôler ses différents traits de caractère et à discerner la voie du milieu (dere’h haemtsaït).

D’autres commentateurs (comme notamment le Midrach Chemouel) expliquent différemment ce terme, qui pour eux concerne le Créateur Lui-même, qui est glorifié par la conduite et les actes des hommes.

Léossa’h

signifiant ici ‘Celui qui l’a créé’. Rabbi viendrait donc exhorter l’homme à s’investir dans les deux domaines de façon égale: dans le domaine de ses devoirs envers D.ieu (ben Adam la makom) et dans ceux envers son prochain (ben Adam le’havéro).

C’est seulement de cette façon qu’il sera assuré de marcher dans le droit chemin (dere’h yéchara), alors que si l’un des deux aspects prend une place trop grande au détriment de l’autre, le but véritable ne peut être atteint.

Trente-neuf coups

Le Rav Chah

zatsal, leader spirituel de notre génération, faisait une remarque très intéressante à ce propos.

Dans le texte de notre Michna, Rabbi enchaîne directement sur un sujet a priori sans rapport avec le début de notre Michna.

Il appelle à ne pas faire de préférence dans l’accomplissement des commandements. C’est-à-dire ne pas privilégier certaines

mitsvoth qui nous semblent plus importantes (‘

hamouroth) au détriment d’autres, qui paraissent à nos yeux plus secondaires (kaloth, littéralement légères).

Quel est le rapport entre cette idée et le début de la Michna sur le juste milieu?

Que l’on suive le commentaire de Maïmonide selon lequel il faut arriver au chemin du milieu, ou celui du Midrach Chemouel, qui considère qu’il faut parvenir à l’équilibre entre le service de D.ieu et celui des hommes, on pourrait penser que la recherche de cet équilibre passe avant le respect de certains commandements et justifie certains compromis.

C’est la raison pour laquelle Rabbi vient préciser qu’en ce qui concerne les commandements de la Thora, aucun calcul, aucune considération, ni aucune intention, même la meilleure, ne peut permettre une dérogation.

La recherche de la voie du milieu ne peut se faire que parallèlement à l’accomplissement scrupuleux des

mitsvoth.

C’est ainsi qu’il faut comprendre les mots de Rabbi dans cette deuxième partie de la Michna:

‘Sois attentif à un commandement facile comme à un commandement difficile, car tu ne connais pas la rétribution des commandements.’

D’après Maïmonide, il est question dans ces mots des commandements positifs (mitsvoth assé).

En effet, en ce qui concerne les commandements négatifs (lo taasé), la Thora nous précise à maintes occasions les différentes formes de punitions qui sont destinées à ceux qui les transgressent: les différentes peines de mort, le retranchement, les trente-neuf coups.

Par là, la Thora nous donne une indication sur la gravité de chaque transgression.

Mais ce n’est pas le cas des commandements positifs, où il n’est pas question, à quelques rares exceptions près, de rémunération particulière à chaque mitsva.

Mais alors, si on ne connaît pas la valeur en soi des

mitsvoth, pourquoi Rabbi nous révient-il de ne pas faire de différence entre elles. Pourquoi l’homme serait-il amené à hiérarchiser les mitsvoth

et quels seront ses critères pour le faire ?

De fausses impressions

Plusieurs grands commentateurs ont tenté de comprendre comment les hommes pourraient juger par eux-mêmes de l’importance plus ou moins grande d’un commandement.

Ils ont imaginé quels repères les hommes pourraient trouver pour décider qu’un commandement est essentiel et un autre moins.

Evidemment, et c’est bien le propos de Rabbi, cela mène à une hiérarchisation dangereuse qu’il faut éviter à tout prix.

Maïmonide donne l’exemple de certains commandements, comme celui de se réjouir pendant les fêtes de Pessah, Chavouoth et Soukoth (sim’hath haréguel), qui pourraient être considérés comme secondaires comparés à ceux, plus fondamentaux, comme la brit mila, des tsitsith

ou le sacrifice pascal.

La Thora elle-même insiste sur l’importance capitale de telles mitsvoth.

On le voit, certains pourraient, à travers leur étude et leur recherche spirituelle, parvenir à la conclusion que certaines

mitsvoth

sont intrinsèquement plus importantes que d’autres.

C’est à eux que Rabbi s’adresse dans sa Michna. Et il fait remarquer que la Thora n’a pas jugé bon de nous dévoiler les différentes rémunérations pour justement éviter que les hommes ne privilégient l’accomplissement de certains commandements au détriment d’autres.

Pour sa part, Rabbénou Yona, définit autrement ce qui pourrait être considéré comme une mitsvoth

facile. Pour cela, il cite un texte du Talmud (‘Hulin 142a), d’où il ressort qu’un mitsva

facile est celle qui ne demande ni un grand effort, ni une dépense importante.

Le Maharal (Dere’h ‘Ham ibid.) objecte que l’effort et le coût d’une mitsva

est extérieur à l’acte lui-même.

Cela peut donc influer sur la récompense, comme nous l’enseignent nos maîtres. Ce concept est appelé ‘

lefoum tzaara agra

’ (Avoth 5): la récompense est proportionnelle à la difficulté rencontrée pour accomplir une mitsva.

Mais cette difficulté n’influe que sur la récompense et ne détermine pas la valeur intrinsèque de chaque mitsva, pas plus qu’elle ne peut la définir, en fixant son caractère de simple ou de difficile.

Arbres fruitiers

Le Keli Yakar (Deutéronome 7-12) fait une autre distinction qui concerne la mise en garde de Rabbi. Il distingue les lois de la Thora qui peuvent être expliquées par la logique (michpatim) et celles dont les raisons dépassent la compréhension humaine (‘

houkim).

En effet, on pourrait être amené à penser que ce qui est logique est plus important et que les mitsvoth

incompréhensibles le sont moins.

Rabbi nous prévient également de ne pas tomber dans cette erreur.

Le Maharal enfin nous parle des lois inhérentes à chaque mitsvoth, comme par exemple tous les détails techniques qui sont exigés pour accomplir la mitsva du loulav.

Certains pourraient considérées que ces lois sont les mitsvoth

de moindre importance, l’essentiel étant d’accomplir la mitsva

principale sous sa forme la plus simple, sans trop chercher le raffinement dans sa réalisation.

On connaît le danger de ce genre de raisonnement, qui a amené à un dévoiement du judaïsme. Et Rabbi s’élève également contre cette vision des choses.

En dernier lieu, nous citerons Rabbénou Yona qui mentionne un Midrach.

«Un roi demanda à ses serviteurs de planter des arbres fruitiers. Mais il sait que s’il précise la rémunération particulière pour la plantation de chaque espèce d’arbre, tous les serviteurs voudront planter les arbres les plus ‘rentables’.

Ainsi, si la rémunération de chacune des

mitsvoth

avait été dévoilée aux hommes, ils auraient choisis de concentrer leurs efforts sur les commandements les mieux ‘payés’.

De ce fait, le monde n’atteindrait jamais la plénitude (chlémouth) qui provient de l’accomplissement de toute la Thora.» (Devarim Rabba 6-2)

On l’aura compris, nous ne pouvons jouer aux apprentis sorciers et tenter de donner une valeur subjective aux

mitsvoth.

Ce serait la porte ouverte à des égarements, sincères ou non, qui dénatureraient totalement les fondements de notre foi.

Chabbath Chalom