Chabbath Parachat Bamidbar

3, 4 juin 2005 – 25, 26 Iyar 5765

JérusalemMontréalParis
Allumage des bougies 19 h 0520 h 1921 h 28
Sortie de Chabbath20 h 237 21 h 3522 h 52

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora».

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet.

omme nous vous l’avons déjà annoncé, la YéchivaDaat ‘Haïm est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l’entrée de Bayit Vegan, 1, Rehov Hapisga, à Jérusalem (bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud)

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ce Dvar Thora est consacré à la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm, ‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat Bamidbar

3, 4 juin 2005 – 25, 26 Iyar 5765

L’inculte et l’ignorant

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Hillel discerne dans sa maxime l’inculte et l’ignorant, deux états qui interdisent à l’homme de parvenir à une harmonie totale. Etre ou ne pas être ignorant, telle n’est plus la question…

Il avait coutume de dire: ‘L’homme inculte ne craint pas le pêché, l’ignorant ne peut être tout à fait pieux. Le timide n’apprend pas, le coléreux n’enseigne pas, quiconque fait beaucoup de commerce ne devient pas savant. Et là où il n’y a pas d’homme, efforce-toi d’en être un.’»

(Chapitre 2, Michna 4)

Pour introduire notre réflexion sur cette nouvelle maxime de Hillel, nous ferons la remarque suivante.

Si Hillel prend la peine de faire ces précisions, c’est que, contre toute attente, elles ne sont pas des évidences.

En effet, nombreux sont les cas où l’on pourrait penser qu’un homme frustre et inculte (bour) est empreint de crainte de D.ieu, et qu’un ignorant (am haaretz) est pieux (‘hassid).

C’est donc une mise en garde importante dont nous fait part Hillel, qui va contre certaines perceptions communément admises, mais pour le moins fausses.

Pour bien comprendre la pensée de Hillel, penchons-nous d’abord sur l’étymologie et la signification des différents termes employés.

Le terme ‘bour’ d’abord.

D’après Rabbénou Yona et Rabbénou Ovadia, la racine de ce mot vient de l’araméen ‘tavour’.

On trouve cette expression dans le commentaire de Onkelos sur le verset de la Genèse où les Egyptiens viennent supplier Joseph de leur donner de la semence pour survivre et pour que la terre ne reste pas en friche, désolée:

«Et la terre se sera pas désolée » (vahaarets lo tavour) [Genèse 47-19] (Onkelos ibid.)

On el voit le mot tavour qualifie une chose restée en friche, désolée. Maïmonide explique donc que dans notre Michna, le mot bour représente un homme qui ne possède ni sagesse ni caractère raffiné (midoth tovoth).

Le Meïri d’ajouter:

«Un bour est un homme qui n’a pas de prédispositions naturelles, et qui n’a développé par lui-même aucune vertu, pour parvenir à grandir moralement.

Comme un champ en désolation, qui ne possède pas les qualités agricoles pour permettre à une quelconque récolte de s’y développer, le bour ne peut, à cause de sa nature et de son manque de connaissance, percevoir le bien et le mal.»

Compte tenu de cette explication étymologique, comment imaginer un seul instant qu’un homme pareil puisse ressentir la crainte de la faute? Et dans ces conditions, pourquoi Hillel appuie sur ce point, apparemment évident?

Respect des convenances

L’auteur du Tiféreth Israël nous éclaire:

«Un homme qui n’a pas semé dans son cœur, ni Thora, ni notions d’éthique et de morale, ni même une certaine droiture, peut malgré tout ressentir parfois une crainte, qui restera superficielle, de D.ieu qui lui évitera certaines dérives.

Il peut donc apparaître comme une personne craignant D.ieu. Mais il ne faut pas s’y tromper: ce genre de personnalité agit plutôt par superstition, ou par respect des convenances.

Car celui qui n’a pas développé un certain raffinement moral, ni une connaissance minimale en Thora, ne pourra jamais prétendre ressentir réellement la peur de la faute.

Il ne pourra jamais prendre conscience de la gravité de la faute ‘en soi’, ni même les préjudices que cette faute entraîne sur son âme: il ne sera pas protégé contre les plus graves égarements.

On entend souvent des gens dire: «Dans mon cœur, je suis croyant. Et même si je n’étudie pas, je respecte la Thora.»

Sans vouloir déprécier les efforts de ces gens, qui parfois même pratiquent un certain nombre de mitsvoth par traditionalisme, Hillel nous met toutefois en garde:

«S’il n’y a pas un investissement minimal en Thora et dans l’amélioration du caractère, il ne peut en aucun cas exister une réelle peur de fauter, ni même un équilibre dans son attachement à D.ieu.

Perception de la vérité

Hillel développe ensuite le concept de ‘am haaretz’, littéralement: l’homme de la terre.

D’après Rabbénou Ovadia, un am haaretz est celui qui cherche à instaurer un équilibre moral sur terre, mais qui ignore les voies pour y parvenir, par manque de connaissance en Thora (Avoth 5-10).

Cette interprétation correspond à ce que Maïmonide exprime dans son commentaire (ibid.):

«Le am haaretz n’a pas de connaissances mais possède certaines vertus (midoth).»

Rabbénou Yona est plus explicite:

«Le am haaretz dont parle Hillel possède des vertus (midoth) et une certaine perception de la vérité; il s’éloigne de la faute, et peut même devenir un juste (tsadiq), qui met en pratique les commandements de la Thora que d’autres lui enseigneront.

Il ne peut cependant aspirer à atteindre le niveau de ‘hassid (pieux).

Car le ‘hassid a intériorisé les valeurs de la Thora au point de percevoir que le but véritable est de transcender les exigences de la loi (hala’ha) pour se rapprocher de son Créateur, au-delà des limites de cette loi (lifnim méchourat hadin).

Le am haaretz (ignorant) ne peut atteindre ce niveau: trop occupé par les contingences de ce monde pour s’investir réellement dans le service divin.

Il peut donc, contrairement au bour, craindre la faute, mais pas atteindre le niveau de ‘hassid, à moins bien sûr qu’il ne décide de se plonger dans l’étude de la Thora.

Toute son intelligence

En réalité, le concept de am haaretz est utilisé dans le Talmud dans toute la largeur du terme, et s’applique à des domaines très variés (cf. Rabbénou Acher, fin du troisième chapitre du traité de Pessa’him).

D’après certaines opinions (Bera’hoth 47b), même celui qui possède des connaissances solides en Thora, mais qui n’a pas appris à approfondir les textes et à en découvrir la substance, est considéré comme un am haaretz.

Rabbi Yaakov Kamenetsky, dans son commentaire sur Avoth (‘Emeth leyaakov’, ibid.) choisit cette interprétation du terme am haaretz pour comprendre notre Michna.

Car comment un homme pourrait-il prétendre devenir un juste (tsadiq), s’il ne possède pas de solides connaissances en Thora?

Mais une fois qu’il est parvenu à ce niveau, il ne peut atteindre celui du pieux (‘hassid), qui cherche à accomplir la volonté de D.ieu et ne se contente pas de respecter Ses ordres.

Pour illustrer ce concept, Rabbi Yaakov Kamenetsky prend un exemple de la vie courante.

Un père appelle son fils et lui demande un verre d’eau fraîche. Le fils s’étonne de cette demande, car il connaît les habitudes de son père, qui aime étancher sa soif avec des boissons gazeuses.

S’il aime véritablement son père et qu’il cherche profondément à deviner ce qui a motivé cette demande, il comprendra que son père a voulu lui éviter une course dans un magasin, sachant qu’il n’y a plus de boissons de ce genre à la maison.

Ce fils, s’il cherche le bien de son père, ira bien évidemment chercher ces boissons à l’extérieur.

En revanche, si le fils se contente de lui apporter de l’eau, il prouve l’intensité faible de sa relation.

Et celui qui aime profondément son père réfléchira encore et encore au moyen de le contenter: peut-être la course pour aller acheter des boissons va prendre un certain temps, pendant lequel son père restera assoiffé. Mieux vaut-il alors lui donner de l’eau immédiatement, puis aller chercher des boissons ensuite…

Celui qui cherche à faire plaisir à son père, doit faire preuve d’intelligence et de finesse, tant dans le raisonnement que dans les sentiments, pour parvenir à discerner ce qui se cache derrière sa demande.

Cette image illustre clairement la relation que nous devons développer avec le Créateur.

Pour espérer atteindre le niveau du ‘hassid, il faut avant tout développer en soi des sentiments très particuliers vis-à-vis de D.ieu et de Sa Thora, et y adjoindre une grande sagesse, acquise par l’étude approfondie des textes.

Il ne peut exister un homme pieux et superficiel. Ce sont deux concepts trop opposés et contradictoires.

Même s’il peut parfois sembler qu’un homme se conduit en ‘hassid alors qu’il n’a pas approfondi ses connaissances et sa foi, cette apparence s’avérera vite trompeuse.

Car seul celui qui s’investit pour découvrir la véritable volonté de D.ieu pourra espérer devenir un ‘hassid.

Chabbath Chalom