Chabbath Parachat Balak

9 juillet 2005 – 2 Tamouz 5765

JérusalemMontréalParis
Allumage des bougies 19 h 10 20 h 22 21 h 31
Sortie de Chabbath20 h 27 21 h 3522 h 51

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora».

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet.

Comme nous vous l’avons déjà annoncé, la YéchivaDaat ‘Haïm est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l’entrée de Bayit Vegan, 1, Rehov Hapisga, à Jérusalem (bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud)

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ce Dvar Thora est consacré à la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm, ‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat Balak

9 juillet 2005 – 2 Tamouz 5765

Une assurance anti-angoisse

Par le Rav Eliahou Elkaïm

En pensant régler des problèmes, on entre, sans s’en apercevoir, dans la spirale infernale de l’angoisse et des soucis. Nos maîtres nous enseignent quelques idées pour ne pas perdre de vue l’essentiel…

«Il disait: ‘Multiplier la chair, c’est multiplier les vers; multiplier les richesses, c’est multiplier les soucis; multiplier les femmes, c’est multiplier la sorcellerie; multiplier les servantes, c’est multiplier la débauche; multiplier les esclaves, c’est multiplier les vols. Multiplier la Thora, c’est multiplier la vie; multiplier l’audience, c’est multiplier la sagesse; multiplier les conseils, c’est multiplier l’intelligence; multiplier la charité, c’est multiplier la paix. Acquérir un bon renom, c’est acquérir pour soi-même; acquérir la connaissance de la Thora, c’est acquérir la vie du Monde futur.’»

(Chapitre 2, Michna 4)

Pour commencer notre commentaire sur cette maxime, nous remarquerons d’emblée que Hillel a mis en parallèle l’aboutissement de la course vers les jouissances et les acquisitions matérielles, et celui de la recherche d’une élévation spirituelle.

En quelques mots, il nous montre à quoi mène la recherche compulsive des plaisirs, et comment le même acharnement, dirigé vers des sphères plus élevées amène la sérénité et le bonheur.

Dans ce Dvar Thora, nous réfléchirons sur les premiers enseignements de Hillel.

‘Augmenter la chair, c’est augmenter les vers’(marbé bassar marbé rima) : la plupart des commentateurs (notamment Rabbénou Yits’haq, Rabbénou Ovadia) expliquent qu’il s’agit de celui qui est particulièrement attiré par les plaisirs de la table, et qui, pour cela, va manger par simple et unique plaisir, ce qui évidemment va lui faire prendre du poids, «augmenter sa chair»...

Rachi, quand à lui, explique qu’il s’agit de l’excès de la consommation de viande (bassar).

Lorsque manger de la viande est un acte contrôlé et mesuré, il apporte une joie saine (sim’ha) à l’homme. C’est la raison pour laquelle consommer de la viande pendant les fêtes juives et le chabbath est un commandement, (Talmud Pessa’him 109a).

En revanche, son excès est à éviter.

Souffrance de l’âme?

Si l’on a éclairci la première partie de la phrase, il reste à en comprendre la fin: de quels vers Hillel parle-t-il?

Rabbénou Ovadia précise: «Il s’agit des vers qui vont ronger les cadavres dans leurs tombes. ‘Les vers qui rongent le mort sont une plus grande souffrance pour lui que des aiguilles qui auraient piqué sa chair de son vivant’ (Talmud Bera’hot 12b).»

Mais en quoi cette idée est inquiétante, puisque l’homme sait parfaitement que son corps n’est pas éternel, et qu’il finira, quoiqu’il en soit, par se décomposer après sa mort.

En outre, il est bien évident qu’un cadavre ne ressent plus de sensation de douleur. Le Tossafot Yom Tov ajoute qu’il ne peut s’agir d’une souffrance liée à la honte ressentie par la famille devant la décomposition du corps de son proche, car personne ne voit ce qui se passe sous terre, dans la tombe.

Dans ces conditions, quelle est la signification des mots du Talmud?

En réalité, répond le Tossafot Yom Tov, l’âme, après s’être séparée du corps, ‘voit et ressent’ ce qui advient au corps qui était le sien, et cette dégradation lui procure une grande souffrance, même si elle n’est pas physique.

Le Tossafot Yom Tov cite à ce sujet le Kol-bo (l’un des maîtres de l’époque des Richonim), qui explique que l’obligation d’enterrer un mort a pour motif d’atténuer la souffrance de son âme.

En effet, l’âme ne peut supporter de voir le corps sans vie, s’il n’est pas enterré. C’est de cette souffrance de l’âme dont parle le Talmud, qui utilise, pour nous la faire ressentir, une métaphore avec des aiguilles.

D’autres commentaires (Rabbénou Yits’kaq, Tiféret Israël) expliquent le passage concernant les vers dans un sens différent.

Selon eux, il s’agit des résultats immédiats de l’excès de nourriture, qui entraîne toutes sortes de maladies et d’infections, causés par les efforts demandés au système digestif, qui l’usent et l’abîment.

Souci inutile

‘Multiplier les richesses, c’est multiplier les soucis’. La deuxième partie de notre maxime touche un deuxième élément dangereux pour l’homme s’il n’est pas contrôlé: l’argent et les richesses.

Le terme utilisé en hébreu, déagua, que nous traduisons par soucis, ne signifie pas une souffrance ou une contrariété mais une hantise permanente de l’avenir, due à la peur de perdre son argent, à cause de la dévaluation, de baisse du marché, et de concurrence déloyale (Tiféret Israël), ou encore à cause de voleurs et autres escrocs (Rachi).

L’auteur du Midrach Chmouel ajoute à cette angoisse, le souci permanent de celui qui s’est enrichit de voir son argent fructifier, souci qui ne lui laisse aucun répit.

En effet, le fait de savoir qu’il pourrait manquer de faire une affaire, ou de rater un investissement le hante à chaque instant.

Rabbénou Yits’haq ajoute un dernier élément:

«Nos maîtres nous ont dévoilé l’un des secrets de la nature humaine: ‘Celui qui a cent veut obtenir deux cents, celui qui a deux cents veut obtenir quatre cents… L’homme ne quitte jamais ce monde en ayant atteint ne serait-ce que la moitié ce qu’il aurait souhaiter posséder» (Midrach Kohélet Rabba 3-10).

Et si l’augmentation des désirs est proportionnelle avec l’augmentation des possessions, on comprend facilement que plus on possède et plus l’effort pour atteindre ses rêves doit être grand.

En effet, pour atteindre son objectif, celui qui possède deux cents doit fournir un double effort par rapport à celui qui possède cent, C’est le sens de ‘multiplier les richesses, c’est multiplier les soucis’.

Et cela représente donc deux fois plus de soucis!

Rabbi ‘Haïm de Volozhine nous fait part de sa vision personnelle de cette maxime:

En réalité, l’homme ne décide en rien dans le domaine de sa réussite matérielle. Tout est décidé par D.ieu, et celui qui se lance dans la course à l’argent n’en gagnera pas plus que ce qui lui a été accordé là-haut.

Cet homme se sera seulement ajouté une tension permanente et un souci inutile dans la mesure où ces efforts n’auront pas été la raison réelle de son enrichissement (Roua’h ‘Haïm ibid.).

Les moyens de sa mission

Le Midrach Chmouel conclut en disant que cette maxime ne concerne que ceux qui se sont lancés dans la course à l’argent et croient que les acquisitions matérielles seront la source de leur bonheur, mais ne concerne en aucun cas ceux qui sont riches presque involontairement, bénis par l’abondance, mais qui ne sont pas aveuglés par l’appât du gain.

Ces derniers comprennent que le Créateur leur a donné tant de richesses afin de les utiliser pour faire le Bien, réalisant ainsi leur mission.

Il est intéressant de citer le Steipler (Rabbi Yaakov Israël Kanievski zatsal), dans son ouvrage «‘Hayé Olam»(p.13) :

«Sache que la différence entre la souffrance de celui qui perd un dixième de son bien et celui qui en perd la totalité n’est pas proportionnelle.

Cette différence est plus petite que la différence entre leurs pertes respectives.

Dans les deux cas de figure, la souffrance sera profonde, et accaparera presque toutes les forces de celui qui a été frappé par cette perte.

De la même façon, une légère atteinte à son honneur lui causera presque la même peine qu’un affront en public.

La souffrance et le plaisir du pauvre sont de la même intensité que la souffrance et le plaisir du riche.

Ainsi, le malheureux qui a enfin pu s’acheter une chèvre dont il pourra jouir du lait, ressent la même sensation de joie que le riche qui a réalisé une très bonne affaire, qui lui aura fait gagner des millions.

Et la souffrance du riche qui n’a pas réussi à atteindre son but est aussi forte que celle du pauvre qui n’a pas de pain.

La plupart des plaisirs des riches, après qu’ils s’y soient habitués, ne leur apportent pas plus de satisfaction que celles que ressent un pauvre quand il jouit d’un bon repas, fait de pain et de légumes.»

On le voit, la spirale vers l’argent et les plaisirs de ce monde est vaine, sans fin et bien souvent frustrante.

C’est l’un des secrets de nos Sages qui nous permettent de trouver le chemin vers la sérénité et le bonheur.

Chabbath Chalom