Chabbath Parachat Ki-Tavo

24 septembre 2005 – 20 eloul 5765

JérusalemMontréalParis
Allumage des bougies 17 h 59 18 h 3219 h 29
Sortie de Chabbath19 h 10 19 h 3320 h 32

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora» et nous espérons bientôt éditer un nouveau volume reprenant les «Dvar Thora» de l'année 5765.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Pour cette 9ème rentrée scolaire, nous venons d’accueillir la nouvelle promotion qui comprend 140 étudiants en internat. De ce fait, nous avons augmenté le personnel, qui compte dorénavant 15 membres.

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Cet été, nous avons eu l'honneur de recevoir la visite de nombreux amis de la Yéchiva ; qu'ils soient ici remerciés de leur attachement à notre institution. C’est avec un grand plaisir que nous vous accueillerons si vous êtes de passage à Jérusalem.

Ce Dvar Thora est consacré à la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm, ‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix. Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


24 septembre 2005 – 20 eloul 5765

Céder et s’aider

Par Rav Eliahou Elkaïm

Faire la charité et la bienfaisance, c’est parfois savoir pardonner et renoncer à ses revendications. Le Maharal de Prague nous explique qu’il faut créer une obligation de donner, pour accroître la paix entre les hommes…

«Il disait: ‘Multiplier la chair, c’est multiplier les vers; multiplier les richesses, c’est multiplier les soucis; multiplier les femmes, c’est multiplier la sorcellerie; multiplier les servantes, c’est multiplier la débauche; multiplier les esclaves, c’est multiplier les vols. Multiplier la Thora, c’est multiplier la vie; multiplier l’audience, c’est multiplier la sagesse; multiplier les conseils, c’est multiplier l’intelligence; multiplier la charité, c’est multiplier la paix. Acquérir un bon renom, c’est acquérir pour soi-même; acquérir la connaissance de la Thora, c’est acquérir la vie du Monde futur.’»

(Chapitre 2, Michna 4)

Cette semaine, nous poursuivons notre analyse de la maxime de Hillel, en réfléchissant sur un nouvel aphorisme, à la lumière de l’enseignement de nos maîtres.

Multiplier la charité (tsedaka), c’est multiplier la paix (Chalom).

Rabbénou Yona explique: «Celui qui fait la charité se fait aimer par ceux qui vont jouir de sa générosité. Ainsi, il multiplie la paix entre les hommes.

En outre, faire la charité, c’est aussi donner l’exemple, et utiliser son influence pour que d’autres imitent sa démarche.

Et en cela, celui qui fait la charité entraîne deux mécanismes:

  • Il obtient une partie du mérite de la mitsva faite par ceux qui l’ont imité, comme s’il avait lui-même accompli cette bonne action.
  • Il se fait aimer, apprécier, et provoque la reconnaissance de ceux qui, grâce à lui, ont pu faire une action noble et méritante.

En ce sens, l’adage ‘multiplier la charité, c’est multiplier la paix’ est l’antithèse de cet autre, vu précédemment: ‘multiplier les esclaves, c’est multiplier les vols’.

En effet, les actes répréhensibles commis par les esclaves d’un homme sont mis à son compte, et les victimes de ces vols lui en tiendront rigueur, à lui personnellement.

A l’inverse, celui qui fait la charité provoque la sympathie à son égard.

Le pauvre se morfond

Rabbi Yossef Ibn Chouchane apporte une précision importante:

«La charité dont parle Hillel, c’est évidemment la charité que l’on fait aux pauvres. Mais cela inclut également toute manifestation de bonté (‘hessed): envers les pauvres et les riches, les vivants comme les morts.

La charité et la bonté (guemilout ‘hassadim) impliquent aussi que l’homme surmonte son caractère (maavir al midotav), ne tienne pas rancune, passe outre sa susceptibilité et trouve la force de toujours pardonner. C’est aussi une forme de bonté et de charité.»

Le Gaon de Vilna cite un verset en référence à notre Michna:

«Mais plutôt qu’on s’attache à ma protection, qu’on fasse la paix avec Moi »

(Isaïe 27-5)

Ce même verset est interprété par le Midrach (Bamidbar Rabba) dans un sens très particulier, qui apporte un nouvel éclairage à la paix dont parle Hillel dans notre maxime:

«Rabbi Yéhouda ben Simone dit: ‘Le pauvre est assis et se morfond: «Pourquoi suis-je différent d’un autre homme, lui qui dort dans un lit, et moi qui dors par terre; lui qui dort dans sa maison et moi qui dors dehors?»

‘Toi, dit D.ieu, tu es venu lui donner l’aumône, et lui redonner goût à la vie. Sache que Je considère que tu as fais la paix entre lui et Moi.’» (Bamidbar Rabba 34-16)

Le Sefat Emeth reprend exactement la même idée: le pauvre remet en question les décisions du Ciel, et grâce à celui qui fait la charité, la paix augmente dans les sphères célestes.

Rabbénou Ovadia, pour sa part, cite un autre verset, toujours dans Isaïe, en référence à notre Michna:

«Et l’œuvre de la justice (maassé hatsedaka) sera la paix » (Isaïe 32-17)

Le Talmud l’interprète de la façon suivante: «Le terme utilisé par le prophète est maassé hatsedaka. Mais il aurait suffit de dire hatsedaka tout simplement et le mot maassé est a priori superflu.

Rabbi Eliezer le lit différemment. Au lieu de maassé (acte), il lit meassé, qui signifie user de toute son influence sur les autres, et les obliger , dans la mesure du possible, à faire la charité (tsedaka).

Et le Talmud de conclure: ‘Rava a adressé le message suivant aux habitants de Mahauza: ‘Je vous supplie d’obliger chacun d’entre vous à faire la charité. Grâce à cette action, vous obtiendrez la bienveillance des autorités, qui vous accorderont la paix.’ (Talmud Baba Batra 9a)

Au-delà des limites de la loi

A partir de ce texte du Talmud, le Maharal de Prague construit une nouvelle conception de la notion de paix (Chalom) dont parle Hillel, et qui transcende celle de Rabbénou Yona.

Le fondement de toute dispute (ma’hloketh) est le refus de chacune des parties de renoncer volontairement à ses revendications.

Y renoncer est appelé agir ‘lifnim méchourat hadin’, littéralement ‘au-delà des limites de la loi’, ce qui signifie concrètement ne pas exiger de l’autre qu’il se conforme à la rigueur de la loi.

Nous venons de voir que l’attitude qui entraîne les disputes et de ne pas savoir renoncer à ses revendications.

L’opposé absolu à cette attitude est la générosité naturelle (nedivout lev) qui permet à un homme de donner de ses biens ou de soi-même à l’autre.

Lorsque la société est polluée par la dispute (ma’hloket), un état d’esprit s’installe dans tous les domaines de la vie, et empêche le rapprochement entre les parties.

La charité est, bien entendu, l’antithèse de la ma’hloket, mais elle n’entraîne pas forcément que l’homme a profondément changé sa vision des choses.

En effet, il peut être prêt à donner et à faire la charité, mais seulement quand il l’a décidé par lui-même, et il le fait uniquement pour ceux envers lesquels il éprouve de la sympathie.

Cela signifie qu’il peut, parallèlement à son attitude charitable, rester rigide et intraitable envers certaines personnes avec qui il est en litige par exemple.

C’est la raison pour laquelle le Talmud interprète le verset du prophète dans le sens de contrainte.

Il faut donc que les hommes créent pour eux une structure sociale qui les oblige et les contraigne à faire la charité. Et ce doit être dans le cadre de la réalisation d’une mitsva, on ne parle pas ici des impositions et taxes fiscales qui sont d’un autre ordre.

Donner et faire la charité sous la contrainte permet de briser l’état d’esprit de la dispute, qui empêche l’homme de donner à celui qui ne lui plaît pas.

Le Maharal explique que dans cette perspective se place la pensée de Hillel quand il dit: ‘ multiplier la charité, c’est multiplier la paix ’.

Multiplier la charité signifie l’augmenter par tous les moyens possibles, et surtout en l’imposant à chacun.

Les résultats, presque psychiques, s’observeront dans toutes les relations entre les hommes et ouvrira les cœurs de ceux qui sont en conflit, leur permettant de renoncer à une partie de leurs revendications, chacun faisant une partie du chemin vers l’autre.

C’est ce qui permet la paix véritable.

Céder et gagner

Le Maharal ajoute un élément important, qui va nous permettre de comprendre les mots du Talmud.

Il explique que lorsque cette vertu qui consiste à concéder (middat havitour), ainsi que l’attitude ‘lifnim mechourat hadin’, brillent dans notre monde, tous les niveaux de la création en jouissent.

C’est ce qui explique que les autorités non-juives, qui peuvent parfois intervenir et s’ingérer dans les affaires de la communauté, seront influencées et agiront positivement envers elle.

Là se trouve le sens véritable des mots du Rava, qui exhorte le peuple juif à imposer à tous ses membres de faire la charité et la bienfaisance. Il promet en contrepartie que cette attitude provoquera la bienveillance des autorités, même si elles ne sont absolument pas concernées par cette mitsva.

(Référence du Maharal de Prague: ‘Dere’h ‘Haïm ibid., ‘Hidouché Aggadot Baba Batra 9a, Nétiv hatsedaka chap.4)

Cette interprétation du Maharal rejoint la pensée de Maïmonide, que nous avions étudiée au début de ce chapitre: le seul moyen de rétablir l’équilibre du caractère (midoth) est d’aller, pendant une certaine période, au point extrême inverse de nos défauts.

Cet enseignement est capital et essentiel, particulièrement à notre époque, où le vent de la dispute emporte tout sur son passage et fait des ravages dans toutes les structures de la société.

Chabbath Chalom