Chabbath Parachat Kedochim

7 mai 2005 – 28 nissan 5765

JérusalemMontréalParis
Allumage des bougies 18 h 4719 h 48 20 h 53
Sortie de Chabbath20 h 0320 h 59 22 h 10

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora».

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet.

Comme nous vous l’avons déjà annoncé, la YéchivaDaat ‘Haïm est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l’entrée de Bayit Vegan, 1, Rehov Hapisga, à Jérusalem (bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud)

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ce Dvar Thora est consacré à la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm, ‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan

***

Jusqu’au dernier souffle

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Notre ennemi le plus acharné nous guette à chacun de nos pas, dans le but de nous asséner le coup final. Nous vivons avec lui depuis toujours et pour toujours: c’est notre penchant vers le mal…

Il disait: «Fais Sa volonté comme ta volonté, afin qu’Il fasse ta volonté comme Sa volonté; efface ta volonté devant Sa volonté, afin qu’Il efface la volonté des autres devant la tienne. Hillel disait: «Ne te sépare pas de la communauté, ne sois pas sûr de toi jusqu’au jour de ta mort, ne juge pas ton prochain avant de t’être trouvé à sa place, ne dis pas une chose qu’il est impossible d’entendre (en supposant) qu’elle finira par être entendue, ne dis pas: ‘j’étudierai quand j’en aurai le temps’, peut-être n'en auras-tu jamais le temps.»

(Chapitre 2, Michna 3)

« Ne sois pas sûr de toi jusqu’au jour de ta mort »: par cette petite phrase, Hillel nous révèle la nature même du mauvais penchant (yetser hara) qui habite l’homme tout au long de sa vie.

Il est intéressant de citer comme introduction à notre développement les mots de Rabbénou Bahya dans «Les devoirs du cœurs» (‘hovoth halevavoth).

«Mon frère, tu remarqueras un phénomène étonnant. Tout ennemi vaincu à deux reprises, parviendra à la conclusion que tu es plus puissant que lui, et il abandonnera la partie, convaincu de son infériorité.

En revanche, le yetser hara ne se laisse abattre par aucune défaite, même si elle se reproduit cent fois.

S’il a l’avantage sur toi, il te détruira. Et même si tu parviens à le vaincre une fois, il restera à l’affût tout au long de ta vie pour te faire fléchir.

C’est ce que nos maîtres ont exprimé en disant: ‘ Ne sois pas sûr de toi jusqu’au jour de ta mort ’.»

(‘Hovoth halevavoth, chaar Yi’houd hamaassé chap.5)

Le Talmud (Bera’hot 29a) cite la maxime de Hillel, en y faisant un ajout: «Et pour preuve, Yohanan le grand prêtre assuma sa fonction pendant quatre-vingt ans, et finit par devenir un Sadducéen.»

L’auteur de «Toldoth Yéhochoua» fait remarquer à ce sujet que Hillel avait été lui-même le témoin de cet épisode bouleversant de l’histoire juive (cf. Dvar Thora 5764 p. 182-183, et Dvar Thora 5764 p.215), ayant été dans sa jeunesse le contemporain de Yohanan Cohen Gadol.

En effet, le Grand prêtre qui officiait au Temple était l’homme dont le niveau moral était le plus élevé que l’on puisse atteindre: le summum de la sainteté.

Une fois par an, le jour de Kippour, il devait entrer dans le Saint des Saints (Kodech hakodachim).

Dans ce moment d’intense proximité avec D.ieu, il devait concentrer son esprit sur sa mission sainte. S’il avait ne serait-ce qu’une seule pensée étrangère, il mourrait sur le champ.

n En qui placer sa confiance?

C’est malheureusement ce qui s’est passé par la suite, sous le règne des Romains: pendant une longue période, la fonction de grand prêtre (Cohen Gadol) était achetée. Mais aucun de ceux qui ont ainsi obtenu cette nomination n’a survécu au service de Yom Kippour (cf. Talmud Yoma).

Une question se pose toutefois: comment comprendre qu’un homme intègre et fidèle à la parole divine durant toute sa vie, comme ce fut le cas de Yohanan, puisse chuter aussi brutalement ?

Est-il donc impossible de placer sa confiance en qui que ce soit, fut-ce la personne la plus sainte et la plus droite?

Un texte du Talmud dans Souka va répondre à cette cruciale interrogation.

«Rabbi Yits’kaq dit: ‘Le mauvais penchant de l’homme renouvelle ses attaques quotidiennement. (…) Rabbi Chimon ben Lakiche ajoute: ‘Le mauvais penchant de l’homme augmente l’intensité de ses attaques tous les jours de sa vie et cherche à l’anéantir comme l’exprime le verset:

« Le méchant fait le guet pour perdre le juste, il cherche à lui donner la mort » (Psaume 37-32)

Sans l’aide divine, l’homme ne peut en aucun cas le vaincre, comme le précise la suite du verset:

«L’Eternel ne l’abandonne pas entre ses mains» (ibid.)

(Souka 52b–Kiddouchine 30b)

D.ieu veut que l’homme, dans son combat face au Yetser hara, ait besoin à chaque instant de Son aide.

Or, cette aide ne peut être accordée qu’à celui qui a conscience de cette nécessité et qui la demande.

L’homme qui, sûr de lui et de ses acquis éthiques, croit que cette aide est superflue, encourre de grands dangers, causés par cette fausse impression.

Le terme employé par le Tana est:

Al taamin beatsméha’: Ne place pas toute ta confiance en ta force morale.

Car c’est justement en agissant ainsi que tu risques de tomber dans le piège qui consiste à croire que tu n’as plus besoin de l’aide divine pour surmonter tes mauvais instincts.

Or cette aide est indispensable au plus grand des hommes comme au plus petit.

n Maladies de l’âme

Une remarque s’impose cependant, car un deuxième texte du Talmud semble contredire cette affirmation.

«Rabbi ‘Hiya ben Abba dit au nom de Rabbi Yohanan: ‘L’homme qui a dépassé l’âge de trente-six ans sans fauter, peut être assuré qu’il ne fautera plus.

Trente-six ans représentent la majorité de la vie d’un homme, l’espérance moyenne de vie étant fixée à soixante-dix ans.» (Yoma 38b)

Rabbi Eliahou Lopian se penche sur cette contradiction apparente entre ces deux affirmations et cite à ce sujet un texte de Maïmonide.

Dans Hil’hot Déot, Maïmonide affirme que celui qui suivra ses recommandations médicales et diététiques ne connaîtra aucune maladie.

Ce dernier précise cependant que cette affirmation ne sera pas maintenue si une épidémie s’abat sur le monde (maguéfa) (Hil’hot Déot 4-20)

En effet, même celui dont le système immunitaire est parfaitement sain, sera contaminé si l’air ambiant est infesté de microbes.

Rabbi Eliahou Lopian précise qu’il en est de même pour les maladies de l’âme.

En temps normal, celui qui n’a pas fauté jusqu’à un certain âge est préservé des tentations. Mais lorsqu’une épidémie morale vient balayer le monde, personne n’est immunisé automatiquement.

La vague de kefira (négation des bases de la foi), amené par les Sadducéens à l’époque de Yohanan, était si forte qu’elle a atteint, telle une épidémie, le plus grands des hommes, celui qui semblait le mieux immunisé.

Seule une aide divine très particulière pouvait préserver ceux qui avaient imploré D.ieu de la leur accorder. (Lev Eliahou vol.1, p. 232)

n Le vieillard et l’apparition

Rabbi Eliahou Lopian cite également un texte du Talmud de Jérusalem qui raconte

l’histoire d’un homme très pieux (‘hassid) déjà très âgé, qui aimait à citer notre Michna, mais avec une variante.

Plutôt que de dire: ‘jusqu’à ta mort’, il disait: ‘jusqu’à ta vieillesse’.

Car il était persuadé que son grand âge le protégeait totalement des attaques du Yetser hara. Et il était vrai qu’il ne sentait plus aucune attache avec les vanités de ce monde.

Vint alors se présenter à lui une très belle femme. Contre toute attente, son yetser se réveilla, et notre pieux vieillard lui adressa des paroles très peu dignes de lui.

Prenant conscience soudain de ce qui était en train delui arriver, il ressentit un grand choc, une grande souffrance.

D.ieu lui dévoila la vérité: cette femme n’était qu’un esprit envoyé du Ciel pour lui faire comprendre son erreur, et prendre conscience de l’impact des mots de la Michna: ‘jusqu’à ta mort’ était à prendre à la lettre, pour lui comme pour tous les hommes. (Yerouchalmi Chabbath 1-3)

Et Rabbi Eliahou Lopian d’en déduire que lorsque le Talmud dans Souka décrit le yetser comme étant à chaque instant à l’affût de l’homme pour lui donner la mort, il s’agit même des derniers instants d’un homme, lorsqu’il est déjà sur son lit de mort.

Tant qu’un souffle de vie existe encore, un homme n’est pas à l’abri de son yetser.

Rabbi Eliahou Lopian rapporte à ce sujet une anecdote surprenante.

Dans une ville, un notable était connu pour son attachement à l’argent, malgré de grandes qualités morales par ailleurs.

Cet appât du gain était tel qu’il était prêt à perdre toute sa dignité pour quelques sous.

Cet homme tomba malade et était en train d’agoniser. Ses amis, réunis autour de lui pour le soutenir dans ses derniers instants le virent marmonner et se rapprochèrent pour l’entendre:

«Je sens que ma fin est proche. Sous peu, je ne serai plus parmi vous et pourtant, si quelqu’un venait maintenant me remettre de l’argent, je tendrais la main pour le prendre et le cacher sous mon oreiller!»

Effectivement, un quart d’heure plus tard, il quittait ce monde.

(Lev Eliahou vol.3 p.17)

N’est-ce pas l’illustration concrète de la phrase de notre Michna: jusqu’à son dernier souffle, l’homme peut être stimulé par son mauvais penchant…

Chabbath Chalom