Chabbath Parachat Kora’h

2 juillet 2005 – 25 Sivan 5765

JérusalemMontréalParis
Allumage des bougies 19 h 1321 h 40 21 h 38
Sortie de Chabbath20 h 2123 h 05 22 h 55

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora».

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet.

Comme nous vous l’avons déjà annoncé, la YéchivaDaat ‘Haïm est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l’entrée de Bayit Vegan, 1, Rehov Hapisga, à Jérusalem (bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud)

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ce Dvar Thora est dédié au mariage de

Sarah SEMHOUN & Dominque Yossef ELBAZ

Puisse le mérite de cette union amener la guéoula du peuple juif et la guérison (refoua chelema) de tous les malades et notamment du fils de Rav Eliahou Elkaïm, ‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat Kora’h

2 juillet 2005 – 25 Sivan 5765

Les causes du Mal

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Bien souvent, on se trompe sur les véritables causes de nos souffrances. Hillel, en quelques mots percutants, nous livre des enseignements qui permettent de voir clair.

C’est aussi lui qui, ayant vu un crâne qui flottait à la surface de l’eau, lui dit: «Parce que tu as noyé, tu as été noyé, et ceux qui t’ont noyés finiront noyés.»

(Chapitre 2, Michna 4)

Cette maxime de Hillel est rapportée dans le Talmud (Souka 53a), et nous citerons ici le commentaire de Rachi (ibid.).

Ce crâne qui flottait sur l’eau portait les signes de ce qui c’était passé.

Cet homme avait été décapité et ses assassins avait ensuite jeté sa tête à l’eau. Mais cet homme n’était pas un inconnu.

Hillel reconnut la tête d’un assassin notoire, qui avait été assassiné par des bandits du même calibre que lui.

Il s’adressa alors à ce crâne: «C’est parce que tu as toi-même noyé d’autres personnes que le même sort t’as été réservé, mais viendra le jour où même ceux qui t’ont noyé subiront à leur tour le même traitement.»

Rabbénou Its'haq (ibid.) développela pensée de Hillel.

Ce qui est arrivé à cet homme correspond à ce que nos maîtres nous ont enseigné:

«De la même manière qu’un homme se conduit avec les autres, on se conduira avec lui.» (Talmud Sota 8b)

C’est ce même principe qui est enseigné par nos maîtres dans le Talmud:

«Même si le Sanhédrin a été dissous, et qu’il n’existe plus d’instance qui puisse prononcer et appliquer la peine de mort en Israël, la peine de mort fixée par la Thora pour certaines fautes n’est pas pour autant annulée, et cela sous les mêmes quatre formes, qui s’appliqueront sans l’intermédiaire du Beth Din (tribunal rabbinique), mais par décret divin :

Celui qui mérite la lapidation (sekila) tombera finalement d’un toit ou sera dévoré par une bête féroce;

Celui qui mérite d’être brûlé (serefa) sera victime d’un incendie où il brûlera vif, ou alors il sera mordu par un serpent;

Celui qui mérite la mort par décapitation (hereg) sera exécuté par des autorités étrangères (non juives, ndlr.);

Celui qui mérite la mort par strangulation (‘héneq) se noiera dans un fleuve ou mourra de diphtérie.» (Sota ibid.)

Punir le bourreau?

Il est indéniable que Hillel a reconnu l’homme dont le crâne flottait, et qu’il s’agissait d’un mécréant (racha) et d’un assassin.

Car sinon, comment imaginer que Hillel prononce une telle sentence? S’il s’était agit d’un juste tué pour la sanctification du Nom (al kiddouch Hachem), Hillel n’aurait certainement pas pris le risque de l’accuser injustement…

La sentence de Hillel qui affirme que ceux qui l’ont noyé seront noyés à leur tour, exprime la vérité suivante:

«Même si tu a mérité ton sort, ayant toi-même été un assassin, ceux qui t’ont assassiné ne seront pas épargnés, car ils n’avaient pas le droit d’agir ainsi.

Ils sont donc considérés de la même façon que s’ils avaient tué un innocent.

Car on peut exécuter un assassin uniquement si un tribunal statuant d’après les lois de la Thora a prononcé un tel verdict.

Rabbénou Israël ajoute que Hillel nous enseigne ici deux principes fondamentaux:

  • Verdict divin

Personne n’a le droit de nuire à un mécréant (racha), car même si cet homme mérite une sanction pour ses actes, il est exclusivement donné au Beth Din de le punir. Ce n’est évidemment plus en vigueur depuis la dissolution du Sanhédrin (ndlr.).

On trouve dans cette maxime la réponse à une question épineuse:

Si un homme est assassiné, c’est qu’il a été décidé là-haut qu’il devait quitter ce monde. Sans cette décision divine, aucun assassin ne pourrait parvenir à réaliser ses noirs desseins.

Idem pour la victime d’un vol: S’il n’avait pas été décidé par D.ieu que cette personne devait perdre ses biens de cette façon, aucun voleur n’aurait pu réussir son forfait.

Pourquoi donc punir l’assassin ou le voleur?

La réponse est la suivante: bien évidemment, si un homme meurt ou subit un vol, c’est la volonté de D.ieu. Mais celui qui tue ou qui vole, est un racha, qui ne cherche en aucun cas à accomplir la volonté de D.ieu. Et s’il n’avait pas existé, D.ieu n’aurait pas eu besoin de lui pour donner la mort ou priver un homme de ses biens. L’assassin et le voleur contreviennent aux lois de la Thora, et c’est pour cela qu’ils seront punis.

C’est cette vérité que les deux frères, Pappus et Lulianus ont profondément comprise et appliquée.

Ces deux frères, les fameux ‘harougué Lod’, se sont portés coupables du meurtre d’une princesse, alors qu’ils étaient innocents, se sacrifiant pour sauver toute la communauté juive de l’époque, qui avait été accusée par les autorités.

Au gouverneur romain qui leur demandait pourquoi D.ieu ne leur faisait pas un miracle pour les sauver, les deux frères répondirent: «S’il a été décidé que nous devons quitter ce monde, D.ieu ne manque pas d’émissaires pour que Sa volonté s’accomplisse.

Mais s’Il nous a livré entre tes mains, c’est pour que toi, tu sois ensuite puni pour avoir été notre bourreau.» (Talmud Taanit 18b)

  • Action boomerang

Toutes les mauvaises actions de l’homme se retournent contre lui, sous la même forme, comme l’expriment les deux versets:

«Celui qui creuse une fosse y tombera, celui qui lance une pierre s’en trouvera atteint» (Proverbes 26-27)

«Celui qui creuse une fosse y tombe, et un serpent mord celui qui renverse une clôture» (Ecclésiaste 10-8)»

(Rabbénou Yts'hak ibid.)

On le voit, Hillel aborde l’un des problèmes fondamentaux de la vie, et nous éclaire, en quelques mots, sur l’un des principes les plus importants de la foi.

La cause d’un tourment

Nous citerons le développement du Sefer Hahinouh sur le commandement «lo tikom vélo titor»: «ne te venge pas, et ne garde pas rancune aux enfants de ton peuple» (Lévitique 19-18).

La raison de cette mitsva est que l’homme doit prendre conscience que tout ce qui lui arrive, le bien comme le mal, tire son origine d’une décision du Créateur.

Personne ne peut causer un préjudice ou procurer des bienfaits, si ce n’est la volonté de D.ieu.

Lorsqu’un homme souffre par l’intermédiaire d’un autre, il doit avoir conscience que ce sont ces propres fautes qui sont la cause de cette souffrance, et que c’est D.ieu seul qui en a décidé ainsi.

Il ne doit donc nourrir aucune vengeance car l’autre homme n’est pas la cause réelle de son tourment.

C’est ce que le Roi David exprime en disant, lorsque Semeï l’insultait:

«S’il insulte ainsi, c’est que D.ieu lui a inspiré d’insulter David»

(Samuel II, 16-10)

Et le Sefer Hahinouh de conclure: «Plutôt que de nourrir un ressentiment à Semeï, David cherche la cause de ces insultes dans son propre comportement, et dans les fautes qu’il a commises (Mitsva 241).

Cet enseignement de Hillel est parfaitement logique, mais n’en reste pour le moins difficile à inscrire dans ses actes: même si celui qui a mal agit envers nous mérite le châtiment divin, cela ne nous concerne absolument pas!

Il est intéressant de citer à ce sujet l’avis de Nahmanide, suivi par de nombreux commentateurs:

«Si un décret divin, concernant la punition d’un individu ou d’une communauté, a été révélé par un prophète.

Et si un homme, dont la seule et unique intention est d’accomplir la volonté de D.ieu, a entendu cette prophétie, il peut décider d’exécuter cette sanction, et son acte, ne sera pas considéré comme une faute mais comme un mérite pour lui. Pour cela, toutes ces conditions doivent être impérativement réunies.»

C’est ainsi que Nahmanide explique le verset dans les Rois II:

«Le Seigneur dit à Jéhu: ‘Pour avoir penser accomplir ce qui Me plaisait, et pour avoir fait à Achab tout ce que J’avais décidé, quatre générations de tes enfants siègeront sur le trône d’Israël.» (10-30)

En revanche si un homme entend le décret divin, mais l’exécute par haine de l’autre, il sera lui-même puni, car son intention était mauvaise.

C’est par cette notion que l’on peut comprendre le châtiment qui frappa San'erib, bien qu’une prophétie ait annoncé le décret divin que ce dernier allait chasser Israël, et la punition des Egyptiens, alors que les souffrances du peuple juif avaient été annoncées à Abraham par D.ieu Lui-même»

(Nahmanide, Genèse 15, 14)

Nos maîtres comparent celui qui se venge à celui qui attrape et mord le bâton qui le frappe, alors que ce n’est pas le bâton qui frappe, mais celui qui le tient.

Difficiles à appliquer dans la vie de tous les jours, ces enseignements sont garants d’une harmonie et d’une paix avec soi-même…

Chabbath Chalom