Chabbath VAYIKRA

18, 19 mars 2005 – 7, 8 adar2 5765

Jérusalem: Paris

Allumage des bougies : 17 h 31 Allumage des bougies : 18 h 42

Sortie de Chabbath: 18 h 26 Sortie de Chabbath : 19 h 46

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet.

Ce Dvar Thora est consacré à la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm,

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov

Comme nous vous l’avons déjà annoncé, la YéchivaDaat ‘Haïm est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l’entrée de Bayit Vegan, 1, Rehov Hapisga, à Jérusalem (bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud)

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan

***

Très chers amis,

Nous tenons à remercier du fond du cœur tous ceux qui s’associent à nous pour prier pour la guérison de notre fils

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov

et pour leurs marques de sympathie très touchantes.

Malgré la situation encore alarmante, une amélioration s’annonce mais les médecins eux-mêmes nous demandent d’intensifier les prières.

Que Hachem vous accorde à tous la joie et le bonheur.

Rav et Madame Eliahou Elkaïm


Chabbath VAYIKRA

POURIM ou La sagesse de l’ivresse!

Sagesse ou ivresse?

Deux commandements apparemment contraires entourent la période de Pourim.

1. Le shabbat qui précède cette fête on actualise, à travers la lecture de la guerre de Amalec, le souvenir des méfaits de ce peuple. «Souviens-toi de ce que t’a fait Amalec ….n’oublies pas.» Mémoire du mal que les siècles qui passent et les nouvelles atrocités de l’Histoire ne sauraient effacer ou même atténuer. Souvenir d’un mal qui n’est pas pure contingence mais atteste d’une courbure persistante dans la conduite des hommes et leur comportement. Amalec ou l’archétype du mal, un mal qui prétend au statut d’origine, de source: «Amalec est le commencement de la dérive des peuples, c’est pourquoi il finira comme pure perdition». Le souvenir est acte d’intellectualisation, propriété de la raison et de l’entendement. Pour être fidèle et authentique la mémoire doit être accompagnée d’un discernement qui seul permet de séparer, dans le fatras des agissements des hommes, le bon du mauvais. La lutte contre le mal semble bien passer par une activité intensifiée de la raison.

2. “hayav inish levassoumé ad delo yada ben arour Aman le baroukh Mordehai”.

Obligation est faite de boire jusqu’a ne plus distinguer entre maudit Aman et béni Mordehai. Aman descendant de Amalec est l’exact contraire de Mordehai HaYéhoudi, il s’oppose à lui comme le mal combat le bien. Etrangement il faut au moment le plus fort de pourim annihiler sa raison sous l’effet du vin, perdre le discernement du bien et du mal. Certes la Halacha précise qu’il ait possible de s’acquitter de ce commandement en dormant, mais c’est parce que dans le sommeil on perd l’efficacité de la raison.

Oubli ou souvenir? Discernement ou confusion? On peine à entendre l’unité et la compatibilité de ces deux commandements.

Du souvenir

Nous avons traduit l’expression hébreu zicharon par souvenir selon l’interprétation fort répandue de cette notion biblique. Mais les versets parlent en de multiples occurrences du zicharon divin. Roch Hachana, jour du jugement, est signifié comme jour du zicharon. Car passer en jugement c’est résister à l’épreuve du zicharon divin. Comment parler de souvenir chez Celui qui ne connaît pas l’oubli! L’erreur n’est pas petite et ses implications existentielles considérables!

Devoir de mémoire, obligation de souvenir, nécessité de conserver l’histoire… autant de garde fou contre l’oubli qui fixe notre attitude à l’égard du mal qu’Israël a subi et de celui que l’homme inflige à l’homme. L’intention est noble et la lutte contre l’oubli certes nécessaire. Mais il faut se demander si le souvenir du mal est une fin en soi, s’il suffit à l’éradiquer ou même à l’endiguer, si la mémoire n’est certaines fois pas vaine? Il faut avoir le courage de reconnaître une perversion, possible mais heureusement pas nécessaire, du souvenir du mal qui risque de conférer à ce dernier un statut et une importance que la Torah de Moshé lui conteste. Le moderne, contemporain de tant de maux désespère de l’homme. La prétendue droiture d’un être qui serait créature de D.ieu est pure chimère. L’histoire enseigne la constance de la perversion, la persévérance d’une courbure essentielle dans la constitution de l’homme. Le mal est un Absolu qui occupe l’espace libérée par le retrait de toute transcendance et occulte toute présence de la Transcendance divine.

La Torah ne sous estime pas l’abîme du mal. Moshé s’enfuit à la vue du serpent et de la puissance ophitique. Mais elle refuse de lui concéder le statut d’Absolu. En aucun cas le mal n’est une nécessité inéluctable. Certes le verset dira que D.ieu a créé le mal. Mais il signifie qu’il a établi l’existence de sa possibilité mais pas de sa nécessité. Pour qu’il y ait liberté pour le bien il faut qu’il y ait liberté pour le mal. Mais liberté n’implique pas nécessité. Le verset parle justement de création divine du mal et non d’action. C’est l’homme qui, seul, fait le mal.

Maharal lie la capacité de zicharon à Avraham. Car plus qu’une simple mémoire le zicharon est le fait de rattacher chaque chose à son Origine. Percevoir les existants comme créature, découvrir sous leur apparente indépendance la marque d’un passé indélébile. Se démarquant de la civilisation oublieuse de son origine, Avraham a su le premier rattacher le monde au Créateur, ‘comme l’on recoud les deux pans d’un tissu déchiré’.

zéhér (souvenir) est proche de zahar ( masculin). Le zicharon est œuvre du masculin qui donne forme aux choses. La pluralité des ramifications ne permet pas d’avoir des choses une vision claire. le discernement est possible par un retour au fondement.

Ne pas être indifférent au mal est certes nécessaire, mais ne suffit pas. L’éradication du mal passe par un rattachement à l’origine. Dans une perception où la réalité est jugée à l’aune du commencement, le mal ne résiste pas à l’épreuve du réel.

Par delà la ruse de la raison

On a tendance à croire que le rapport au Créateur est affaire de raison. Plus on comprend et on connaît plus on est proche de Lui. Et certes on ne saurait en aucun cas faire l’économie de la raison. Mais la Emouna fixe une disposition du sujet qui dépasse en intensité le déploiement de l’entendement.

C’est par le biais de l’entendement que l’on perçoit et appréhende toute chose. Tout ce qui est extérieur l’extériorité s’inscrit en nous par l’exercice de l’intellect. L’entendement donne forme aux sens et les organise. Une seule chose n’est pas appréhendée par la raison, c’est la perception du soi. Est-ce qu’un homme s’appréhende soi-même par le biais de la raison? La connaissance qu’il a de lui est-elle l’ultime de sa conscience de soi ?? Sûrement pas! Je ne me perçois pas à travers le prisme de l’entendement. Je me connais, par ce que c’est de moi qu’il s’agit. C’est l’unique et seule perception de l’essence d’une chose qui ne se fasse pas par l’entendement. Ce n’est pas la raison qui intègre le fait que je suis moi-même.

Nous associons toutes ces perceptions à cette perception plus intérieure du moi. Tout ce que nous saisissons de l’extériorité par la raison s’intègre à cette conscience du moi. Toutes nos perceptions sont ainsi ramenées à nous.

La Emouna signifie que le rapport a D.ieu est tel qu’il est partie de ma vie que je l’appréhende comme je m’appréhende moi même: sans passer par la raison. Le Maamin n’a pas plus besoin de preuves de la présence de Dieu qu’il n’a besoin de preuves de sa propre existence.

A Pourim Israël a réalisé pour la seconde fois l’acceptation de la torah. La guémara dit qu’ils ont renouvelé de leur plein accord le Naassé vénichma.

Il ressort de plusieurs textes que le don de la Torah était conditionné par l’acception préalable du ‘nous ferons et nous entendrons’. Car à moins que cela on ne reçoit pas les paroles de Torah comme exprimant le réel lui-même. L’écoute n’est qu’une fonction de l’intellect. L’entendement, la compréhension relèvent de la seule intellection. La Torah ne s’y donne pas encore comme le réel lui-même. Devancer l’acte à l’entendement c’est prendre acte de la nécessité absolue d’une Torah aussi contraignante que peut l’être le réel. Le ‘nous ferons’ exprime la certitude que le verbe divin se réalise nécessairement et inéluctablement. Devancer l’acte permet de s’associer au réel.

«‘Tu sauveras l’homme et la bête’. Ce sont les hommes qui bien que possédant la ruse du Daat s’abandonnent comme des animauxdomestiques»( Talmud Houlin).

Israël en tant que peuple atteint une puissance d’intellection étourdissante. Le talmud est une œuvre inégalée de profondeur. Malgré cette hauteur, Israël s’abandonne au Créateur qui la dirige comme un pasteur dirige son troupeau. Passivité totale, tels ces moutons conduits au pâturage. S’en référer à sa raison pour accepter la parole divine c’est continuer à être maître de son existence. On perd ainsi le sens de l’hétéronomie.La Emouna implique cette passivité. Je suis pris par les cheveux par l’en-Haut qui décide seul de mon avenir. Qu’un ignare ne se réfère pas à sa raison ce n’est pas étonnant. Combien d’hommes agissent après réflexion!! Ils sont asservis à leur passion, conditionnés aux gestes habituelles. Est sage celui dont la raison gouverne tous ses actes. Pourtant plus précieux que lui se tient le Maamin. Ce sont ces hommes habités du Daat et qui s’abandonnent pourtant tels de simples animaux dénués d’entendement.

Le mal disions-nous est créé par D-ieu mais fait par l’homme.

La dichotomie entre le bien et le mal est relative aux agissements du sujet.

A l’épreuve de l’origine en amont de la bipolarité d’une liberté pour le mal et d’une liberté pour le bien se tient le Bien dans son absolu.

Ce retour à l’origine à la créaturialité de toute chose prend divers chemins.

zicharon actif par le ‘souvenir’ d’Amalec ; Œuvre de raison et de discernement.

Puis à Pourim, une disposition plus élevée celle de la Emouna où dans le dépassement de la raison, dans cette passivité du sage qui s’offre comme un mouton de panurge, s’éprouve une présence du Bien qui éradique le mal.

Chabat Chalom