Chabbath Parachat Vayéra

29, 30 octobre 2004 – 14, 15 ‘Hechvan 5765

Jérusalem : Paris

Allumage des bougies : 16 h 17 Allumage des bougies : 18 h 16

Sortie de Chabbath : 17 h 29 Sortie de Chabbath : 19 h 23

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le dvar Thora de cette semaine avec lequel nous entamons le deuxième chapitre des « Maximes des pères » (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série « Dvar Thora » ; nous nous ferons un plaisir de vous adresser cet ouvrage, de même qu'à toute personne que vous nous indiquerez, en nous joignant vos coordonnées par mail (daat.haim@piximel.com), courrier ou téléphone (06.07.42.16.04).

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde via Internet.

Comme nous vous l’avons déjà annoncé, la Yéchiva Daat ‘Haïm est désormais installée dans de nouveaux locaux, situés face au Mont Herzl à l’entrée de Bayit Vegan, 1, Rehov Hapisga, à Jérusalem (bâtiment Yad Harav Herzog où depuis 40 ans se succèdent les prestigieux commentateurs et chercheurs des 28 tomes de l'Encyclopédie Talmudique et de divers commentaires du Talmud)

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et le Chalom.

Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat Vayéra

29, 30 octobre 2004 – 14, 15 ‘Hechvan 5765

Secrets historiques

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Pour débuter l’étude du second chapitre des Maximes des Pères, nous allons plonger dans l’histoire judéo romaine. L’occasion de découvrir des secrets historiques tout à fait surprenants que nous dévoilent les Midrachim…

«Rabbi disait : Quel est le droit chemin que l’homme doit choisir ? Tout chemin dont peut s’honorer celui qui le prend, et pour lequel il est honoré par les autres hommes. »

(Chapitre 2, Michna 1)

L’auteur de cette maxime est désigné sous le nom de Rabbi : il s’agit de Rabbi Yéhouda Hanassi (Rabbi Yéhouda le prince), appelé également Rabbénou Hakadoch (notre maître le saint), auteur de la Michna.

Il était le fils de Rabban Chimon ben Gamliel II, cité dans la dernière Michna du chapitre précédent.

Rabbi fut le septième prince (Nassi) de la lignée de Hillel. Son fils, Rabban Gamliel III, cité dans la Michna suivante, sera, selon la majorité des opinions, le dernier membre de cette dynastie de Thora.

A la lecture de notre Michna, une remarque s’impose :

N’aurait-il pas été plus logique d’insérer les quatre premières

Michnayoth

de ce deuxième chapitre dans le premier chapitre, réunissant ainsi toutes les maximes des descendants de la dynastie de Hillel ?

Le Maharal (Dere’h ‘Haïm) décèle dans ce découpage une intention très nette : celle de mettre en relief la perfection atteinte dans tous les domaines par Rabbi.

Richesse sans limite

En effet, ce dernier avait atteint une grandeur parfaite que ce soit dans les connaissances acquises, dans le niveau de sainteté ou encore dans les richesses matérielles.

Cette richesse, don du ciel lorsqu’elle est associée aux qualités morales, vient exprimer l’autorité conférée par la Providence divine à son possesseur.

Dans le cas de Rabbi, cette richesse fut utilisée pour faire vivre des milliers de maîtres et d’étudiants en Thora.

Nos maîtres nous apprennent à ce sujet que il ne s’est plus trouvé, dans toute l’histoire juive, depuis Moïse jusqu’à Rabbi, un grand maître qui jouissait d’une richesse sans limite (Talmud Gittin 59a).

Rabbi Yéhouda Hanassi fut en outre le dirigeant reconnu de tout le peuple juif, il convient donc de commencer un nouveau chapitre pour citer son message.

Encore d’après le Maharal, le message de Rabbi donne une direction à tous les actes de l’homme et par cela, mérite une place toute particulière dans les Maximes des pères, Pirké Avoth.

Pour mieux comprendre la personnalité de Rabbi et son œuvre, il nous faut d’abord découvrir contexte historique dans lequel il vécut, à travers les témoignages de nos maîtres.

Le Talmud (Kiddouchine 72b ; Midrach Kohéleth Rabba 1-5) nous dévoile que le jour même où Rabbi Akiba fut exécuté par les Romains, naquit Rabbi Yéhouda Hanassi.

Ce n’était pas fortuit. Ce phénomène, qui se répète à toutes les époques pour les dirigeants du peuple juif, est exprimé par le verset :

« Le soleil se lève, le soleil se couche» (Ecclésiaste 1 ; 5)

Pendant que la lumière de Rabbi Akiba s’estompait, celle de Rabbi commençait à briller.

On le voit, c’est pendant une période noire que Rabbi naquit : les persécutions romaines à l’égard des Juifs en général, et en particulier contre les maîtres en Thora et contre ceux qui pratiquaient les commandements divins, s’amplifièrent à cette époque.

C’est ce que l’on appelLechaat hachemad, le moment où les décrets du pouvoir veulent forcer les juifs à renier D.ieu et la Thora.

Après la destruction de Beitar et le massacre de toute sa population dans le but d’écraser définitivement le soulèvement mené par Bar Koziva (en 3880 ou -120 de l’ère vulgaire), la situation des Juifs devint très difficile, car les décrets romains interdisaient toute pratique religieuse, et empêchait l’étude des textes sacrés.

Même la circoncision (brit mila) fut interdite par décret des Romains.

Les grands maîtres furent pourchassés et condamnés s’ils enseignaient la Thora. C’est d’ailleurs après avoir été incarcéré durant une année que Rabbi Akiba fut exécuté le jour de Kippour de l’année 3882.

Ce même jour, comme nous l’avons vu, naquit Rabbi Yéhouda Hanassi.

LeNassi

de l’époque, Rabban Chimon ben Gamliel, le père de Rabbi, aurait pu s’abstenir de faire circoncire son fils, dans la mesure où cela représentait un grave danger pour sa vie et celle de l’enfant (pikoua’h néfech).

Mais sans hésitation, il décida de ne pas tenir compte de l’interdiction du César romain, ne respectant que l’ordre divin, en particulier l’ordre fondamental de la brit mila.

Echange d’enfants

Il savait que sa conduite serait un exemple pour toute la communauté d’Israël, et décida donc de consacrer, par cet acte de courage extraordinaire, son fils aîné en l’honneur de D.ieu.

Il accomplit la brit mila publiquement, et non dans la clandestinité.

D’après certains de nos maîtres (Sefer Yo’hassin), c’est depuis ce jour que l’enfant hérita du titre de saint (kadoch).

Les intentions si pures de Rabban Chimon ben Gamliel eurent un effet percutant : au lieu de déclencher le courroux du pouvoir romain, la providence divine (hachga’ha) fit que cet acte soit à l’origine d’une renversement total de la situation du peuple juif.

Mais reprenons les faits : lorsque le gouverneur romain apprit la circoncision de Rabbi, il convoqua immédiatement Rabban Chimon ben Gamliel.

Dans la mesure où ce dernier était un dirigeant, le gouverneur décida d’envoyer la mère et l’enfant comparaître devant l’empereur à Rome, les accompagnant lui-même.

Arrivés dans la capitale romaine, ils descendirent dans un hôtel, tenu par un couple qui avait un bébé du même âge que Rabbi.

La directrice de cet hôtel, dont le fils s’appelait Antonin, sympathisa tout de suite avec la mère de Rabbi.

Elle s’étonna qu’une mère d’un si petit bébé ait entreprit un si long voyage. La mère de Rabbi lui raconta son histoire et à son récit, la mère romaine lui fit une proposition tout à fait surprenante :

Elle lui suggéra tout simplement d’échanger les bébés le temps de la comparution devant l’empereur, dans le but de prouver que les accusations d’avoir circoncis l’enfant, contrevenant ainsi à la loi romaine, étaient infondées.

En présentant Antonin, qui était bien évidemment incirconcis, à la place de Yéhouda, elle prouverait leur innocence.

La mère de Rabbi accepta.

Un empereur romain juif

Accompagnée du gouverneur, elle se présenta donc devant l’empereur, et tout se déroula comme l’avait prévu la directrice de l’hôtel.

Ils furent immédiatement acquittés, malgré le témoignage du gouverneur, qui affirmait avoir assisté à la cérémonie de la Mila. Il ne put que reconnaître, confus, que D.ieu fait des miracles pour le peuple juif.

Ce en quoi il n’avait pas tort, vu les circonstances par lesquelles la mère juive sauva son enfant.

Mieux encore, le décret concernant la Mila fut aboli…

Mais l’histoire ne s’arrêta pas à cet acquittement.

Pendant quelques jours, Antonin, le bébé romain, fut donc confié à la mère de Rabbi, la femme du Nassi, Rabban Chimon ben Gamliel. Et durant ces quelques jours, elle l’allaita.

On le sait, nos maîtres nous ont appris que les aliments que l’on consomme ont un effet spirituel*. Ainsi, le lait provenant de cette femme juste (tsadéketh) influa l’âme de l’enfant et purifia son cœur.

Bien des années plus tard, ce même Antonin, dont nos maîtres nous dévoilent qu’il est un descendant direct d’Essav, devint Empereur de Rome, succédant ainsi à Adrien.

Il devint également l’ami intime et le grand admirateur de Rabbi. Sous son influence, il changea diamétralement la politique romaine vis-à-vis des Juifs.

Plus tard, Antonin étudia la Thora et se convertit finalement au judaïsme, dans la plus grande clandestinité.

Sous son règne, le peuple juif et ses maîtres purent reprendre une vie normale, et durant de longues années, l’étude de la Thora reprit son essor dans tout Israël (Midrach cité par les Tossafoth Avoda Zara 10b et par le Sefer Ménorath Hamaor).

Il est intéressant de citer à ce sujet un texte du Midrach qui nous éclaire sur le sens de cette période. Il se trouve dans Béréchit Rabba 78-1 et fait le lien entre les différents exils. Ainsi, il interprète un verset des Lamentations (3-23) :

« Elle se renouvelle chaque matin, infinie est Ta bienveillance ».

D’après le Midrach, ce verset nous parle des matins, c’est-à-dire des débuts, de chaque exil, entraîné par les persécuteurs des Juifs.

Car D.ieu agit toujours de la même manière dans ces situations.

C’est à l’aube de Babel que D.ieu installa ‘Hanania, Michaël et Azaria qui ont pu protéger leurs frères grâce à leur position au sein du Palais.

C’est à l’aurore du règne d’Assuérus (Perse et Médie) que vont apparaître Mardochée et Esther.

C’est à nouveau au matin de l’empire macédonien que Simon le Juste saura poser les pierres pour permettre au peuple d’Israël de garder ses repères (Dvar Thora 5764 p. 68).

Et c’est enfin au début de la très longue domination romaine (Edom), que Rabbi Yéhouda Hanassi va pouvoir, grâce aux liens très proches qu’il avait avec Antonin, faire jouir le peuple juif d’une période de sérénité avant les phases difficiles de l’exil.

Cette période heureuse va s’étendre jusqu’à la disparition de Rabbi, qui vécut jusqu’à l’âge de cent ans, et qui permettra la préparation et la rédaction de la Michna.

Quelles ont été les motivations de Rabbi pour cette rédaction ? Dans quelles conditions a-t-elle vue le jour ? C’est ce que nous découvrirons dans le Dvar Thora de la semaine prochaine…

Chabbath Chalom

*Note : Les interdits alimentaires prescrits par la Thora préservent les âmes et les corps des enfants d’Israël. Et c’est dans cet esprit qu’il faut comprendre ces restrictions.

On citera à ce sujet le Choul’han Arou’h (Yoré Déa 81 ; 7, ajout du Rama) :

« Le lait d’une femme égyptienne est permis comme celui d’une juive. Il faut cependant éviter de faire allaiter un bébé juif par une femme égyptienne, s’il y a une possibilité de le faire nourrir par une femme juive, car le lait d’idolâtres rend le cœur de l’enfant impur. Il influe de façon néfaste sur son caractère. »

Cette loi (hala’ha) trouve son origine dans un texte du Talmud (Sota 12b) dans lequel est raconté que Moïse refusa le lait des nourrices égyptiennes, nommées par Batya, la fille du Pharaon qui l’avait sauvé du Nil.

C’est seulement lorsqu’une femme juive (Yo’héved, sa mère) fut nommée à leur place, qu’il accepta d’être nourri.

Et le Talmud d’ajouter : « La bouche qui parlera plus tard avec D.ieu ne pouvait pas boire le lait d’une égyptienne. »

Le Choul’han Arou’h, on le voit, interprète ces mots d’une façon toute particulière :

Ce n’est pas seulement un problème protocolaire qui empêche la bouche de celui qui parlera avec D.ieu de boire le lait d’une égyptienne.

Ce qui est hautement problématique, c’est l’absorption de l’essence même de cette personne.

La composition de son lait est liée à la nature même de sa personnalité.

Le Rav M. Salomon (Lakewood, NJ) fait une remarque pertinente dans son ouvrage, (Whith hearts full of faith, p.228) :

Pourquoi le Choul’han Arou’h choisit-il le cas d’une Egyptienne alors que cette loi est élargie par la suite à tous les non-Juifs idolâtres ? Pourquoi parler des Egyptiens avec qui nous n’avons pratiquement plus eu de contact depuis notre sortie d’Egypte ? D’autant que le Rama vivait à Cracovie…

C’est que la Thora elle-même nous précise :

« Les pratiques du pays d’Egypte où vous avez demeuré, ne les imitez pas (…)» (Lévitique 18 ; 3).

L’Egypte de l’époque représentait le summum de la dépravation. C’est pour cette raison que le Choul’han Arou’h a choisi cet exemple, pour que chacun comprenne profondément le sens de cette loi.

Etre allaité par une Egyptienne implique d’être contaminé par son faible niveau moral.

Nous comprenons mieux à présent la pensée de Maïmonide qui voit dans les interdits alimentaires et les unions interdites la barrière entre Israël et les nations.

C’est précisément ces interdictions qui sanctifient le peuple juif.

Les mots de Maïmonide résonnent avec une actualité particulièrement frappante.

Aujourd’hui la relation entre la physiologie et le psychique a été mis à jour par les scientifiques.

Et le monde moderne offre des possibilités infinies d’absorber le « lait égyptien ».

Outre par la consommation des aliments, la vue et l’ouïe absorbent la substance de la société qui nous entoure, et cela risque de modifier et de flétrir la pureté et la finesse du caractère des âmes juives.

Les interactions entre la physiologie et les caractéristiques psychologiques n’étant plus à prouver, il nous faut réfléchir dans ce sens…

Dvar Thora année 5763, Parachat Chemini, p.284.