Chabbath Parachat Hayé Sara

26 novembre 2005 – 24 ‘hechvan 5766

Jérusalem Montréal Paris
Allumage des bougies16 h 1715 h 57 16 h 42
Sortie de Chabbath17 h 15 17 h 04 17 h 49

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth) en l'honneur de la naissance de

Yossef Makhlouf OBADIA.

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora». Et le quatrième volume est déjà sous presse, nous espérons vous le faire parvenir ans les meilleurs délais.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

En cette époque de rentrée, nous venons d’accueillir la nouvelle promotion, ce qui accroît le nombre des élèves de la Yéchiva à 140. De ce fait, nous avons augmenté le personnel, qui compte dorénavant 15 membres.

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ce Dvar Thora est écrit pour la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm, ‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix. Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,

Toute l’équipe de Daat ‘Haïm souhaite à ses lecteurs et à tous ses amis, une année pleine de joie, de bonheurs et de réussite,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat Hayé Sara

26 novembre 2005 – 24 ‘hechvan 5766

Ce pourquoi nous avons été créé

Par le Rav Eliahou Elkaïm

En quelques mots, Rabban Yohanan nous révèle le secret de notre création. Une leçon de vie, qui est aussi une leçon de modestie…

«Rabban Yohanan ben Zaccaï reçut la tradition de Hillel et de Chamaï. Il disait: ‘Si tu as beaucoup étudié la Thora, n’en tire pas vanité, car c’est pour cela tu as été créé.’ (…)»

(Chapitre 2, Michna 8)

Après nous être penché la semaine dernière sur la vie et les extraordinaires caractéristiques de Rabban Yohanan ben Zaccaï, nous abordons cette semaine sa maxime.

D’emblée, Rachi et Rabbénou Yona nous font remarquer que Rabban Yohanan est particulièrement bien placé pour émettre une telle maxime.

En effet, comme nous l’avons souligné la semaine dernière, il avait acquis tous les domaines de la connaissance (Talmud Baba Batra 130b).

Le terme ‘beaucoup’ (harbé) lui sied donc parfaitement.

Penchons-nous d’abord sur le commentaire de Rabbénou Yona: il est intéressant de constater que sa version de la Michna est légèrement différente de notre texte.

A la place de ‘si tu as étudié (la Thora)’, il lit: ‘im assita toraté’ha harbé’, qui peut être compris dans le sens de ‘si tu as créé beaucoup de Thora’. Il s’agit de ceux qui ont le mérite de faire des découvertes, de révéler, par leur compréhension, un nouvel aspect du texte (‘hidouché Thora).

Voici ses mots:

«Même si tu as augmenté ton étude de la Thora, tu n’es encore qu’au tout début de ton travail, et tu n’es pas même prêt d’atteindre la moitié de son ampleur, et encore moins sa totalité.

Car la Thora est plus vaste que toute l’étendue du territoire terrestre, plus vaste que la mer: l’esprit humain ne peut en aucun cas atteindre ses extrémités.

Comment l’homme peut-il croire qu’il est parvenu à quelque chose, alors qu’il n’a pas atteint le millième de ce qu’il doit découvrir?

Sache que c’est pour étudier la Thora que tu as été créé. Car le Créateur ne t’a pas créé du néant (yèch méaïn) si ce n’est pour étudier Sa Thora.

Et c’est une raison supplémentaire pour ne pas tirer de vanité de ton étude. Ce serait comme un débiteur qui vient payer son créancier, et qui en tire orgueil.

Et le même raisonnement s’applique pour le mitsvoth: si tu en a accompli beaucoup, ’en tire pas vanité, car c’est pour cela que tu as été créé.»

(Rabbénou Yona ibid.)

Ce fut le soir, puis le matin…

Rachi, quant à lui, rapporte le verset de la Genèse:

«Le soir se fit, puis le matin; ce fut le sixième jour» (1-31)

Le Talmud (Chabbath 88a) interprète la forme employée ‘Yom hachichi’ (jour le sixième), alors que pour les autres jours, la formule était (jour deuxième…).

Cet article défini vient nous dire ‘le sixième jour, ce fameux sixième jour’.

De quel fameux sixième jour vient nous parler la Thora? Du 6 Nissan, jour du don de la Thora au mont Sinaï.

Cette allusion vient donc nous dire que l’aboutissement du monde, c’est la Thora. Comme si D.ieu nous disait: «Si le 6 Nissan, le don de la Thora a lieu et qu’Israël l’accepte, le monde continuera d’exister. Dans le cas contraire, il retournera à son état initial de tohu bohu.»

L’étude de la Thora n’est donc pas un luxe, c’est une nécessité absolue, une obligation, la condition incontournable qui permet notre existence.

Le Gaon de Vilna cite pour sa part un autre texte du Talmud (Sanhédrin 99b), où il est exprimé clairement que ce que l’on exige de l’homme, de chaque homme, n’est pas une étude minimale mais au contraire un investissement important (harbé: beaucoup).

Mais alors, comment expliquer le verset dans Job (5-7):

«L’homme est créé pour le labeur»?

De quel labeur parle-t-on?, demande le Talmud. De celui qui consiste à semer et moissonner, c’est-à-dire de subvenir à ses besoins, ou plutôt du labeur de la bouche, c’est-à-dire les efforts que l’on doit faire pour parler, s’exprimer.

Faire des efforts… Pourquoi?

Le Talmud répond qu’il s’agit bien du labeur de la bouche, en se référant à un autre verset, cette fois dans les Proverbes:

«C’est pour lui-même que travaille le laborieux, car pressantes sont les exigences de la bouche» (*) (16-26)

Mais il reste encore à préciser la teneur de ce labeur de la bouche. S’agit-il de l’effort que nous devons faire pour n’importe quelle conversation, ou plus précisément pour l’étude de la Thora?

Le Talmud répond encore en s’appuyant sur un troisième verset:

«Le livre de la doctrine ne doit pas quitter ta bouche» (Josué 1-8)

Verset qui ne laisse pas de doute quand à la teneur du labeur de la bouche.

Il est intéressant de citer également le commentaire du Gaon sur ce même verset des Proverbes (*):

«Ce verset fait allusion à la maxime de Rabban Yohanan. On le sait, dans le ventre de la mère, un ange enseigne au fœtus la totalité de la Thora qu’il sera capable de découvrir durant sa vie.

A la naissance, on lui fait tout oublier (cf. Talmud Nida 30b).

On le voit, dès le départ, on exige de l’homme qu’il retrouve cette Thora qui existe déjà en lui en potentiel, et c’est la raison de sa création.

C’est le sens de l’affirmation du Talmud:

«Si tu affirme avoir peiné, et découvert la Thora, tes paroles sont crédibles (Meguilah 6b). Car si tu as produit un effort, tu as certainement découvert ce qui était déjà inscrit en toi. C’est donc bien ta bouche qui exige de retrouver ce qui a été perdu à la naissance.» (Michlé im Biour Hagra ibid.)

Mais à quoi sert de tout apprendre au fœtus pour finalement lui faire tout oublier ?

Nos maîtres expliquent que si l’âme n’était pas prédisposée à atteindre un certain niveau, elle n’aurait pas les capacités d’y parvenir de façon indépendante.

En revanche, si on ne lui faisait pas tout oublier à la naissance, il n’y aurait plus de libre-arbitre.

L’homme fait donc la découverte de ce qui existe déjà en lui. Il n’y a donc pas lieu d’en tirer vanité.

Orgueil et vanité

Pour conclure, citons un texte du Sforno et un autre du Ram’hal.

«Si tu as étudié beaucoup de Thora et dépassé dans ce domaine tes camarades, ne fais pas l’erreur de croire que c’est seulement grâce à des efforts plus grands de ta part.

Car le résultat dépend de la constitution (spirituelle) et des capacités innées de chacun.

Ce ne sont pas tes efforts, dont tu pourrais t’enorgueillir, qui sont à l’origine de tes acquis, mais le potentiel avec lequel tu as été créé.

C’est pour illustrer cette idée que Rabban Yohanan fait l’éloge (dans la suite de sa maxime) de ses cinq principaux disciples.

Alors que leur investissement respectif, dans l’étude et les actes, était égal, le niveau atteint par chacun était différent, pour l’unique raison que chacun d’entre eux a été créé avec une prédisposition différente.» (Sforno ibid.)

Le Ram’hal attire notre attention sur un autre aspect du sujet:

«La sagesse (‘ho’hma) est l’élément qui amène le plus d’orgueil, car c’est une vertu acquise par l’homme lui-même, et par son intellect, qui est la partie la plus élevée de son être (…).

En réalité, celui qui atteint un haut niveau de connaissance n’a pas à s’enorgueillir. Il a seulement utilisé les capacités qui lui accorde le créateur, tout comme un oiseau qui sait voler jusqu’aux sommets (…).

Si l’un de tes camarades avait les mêmes capacités que toi (intelligence, prédisposition au labeur, …) il aurait atteint les mêmes résultats que toi.

Il n’y a donc aucune place pour l’orgueil et la vanité. C’est ce que Rabban Yohanan exprime dans sa maxime.»

Ces vérités sont simples mais combien difficiles à intérioriser et à vivre pleinement! Avoir conscience à chaque instant que je suis loin d’avoir atteint ce qui est en moi, et considérer avec bienveillance les difficultés de l’autre, qui ne jouit pas des mêmes capacités que moi, est le défi de toute une vie…

Chabbath Chalom