Chabbath Parachat BO

4 Février 2006 – 6 Chevat 5766

Jérusalem Paris Montréal

Jérusalem Montréal Paris
Allumage des bougies16 h 34 16 h 45 17 h 33
Sortie de Chabbath17 h 53 17 h 51 18 h 40

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora

de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des « Maximes des pères » (Pirké Avoth).

Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série « Dvar Thora ». Le quatrième volume est déjà sous presse, nous espérons vous le faire parvenir ans les meilleurs délais.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Cette année, nous avons accueilli la nouvelle promotion, ce qui porte le nombre des élèves de la Yéchiva à 140. Le corps enseignant compte dorénavant 16 membres.

Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.

Ce Dvar Thora est écrit pour la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm,

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabat Chalom,

Rav Chalom Bettan


Chabbath Parachat BO

4 Février 2006 – 6 Chevat 5766 Jérusalem Paris Montréal

Aimer vraiment ?

C’est s’oublier un peu soi-même

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Cette semaine, avec la poursuite des commentaires sur les réponses des élèves de Rabban Yo’hanan, nous allons découvrir le processus qui nous empêche d’aimer vraiment…

« Il leur dit : ‘Sortez et voyez quel est le droit chemin auquel l’homme doit s’attacher’. Rabbi Eliézer disait : ‘un bon œil’ ; Rabbi Jéochoua disait : ‘un bon compagnon’ ; Rabbi José disait : ‘un bon voisin’ ; Rabbi Siméon disait : ‘prévoir l’avenir’ Rabbi Eléazar disait : ‘un bon cœur’. Il leur dit : ‘Je préfère les paroles de Rabbi Eléazar car elles englobent les vôtres’.»

(Chapitre 2, Michna 9)

A la question de Rabban Yo’hanan, Rabbi Yéochoua et Rabbi Yossi Hachoen répondent respectivement : « un bon compagnon » et « un bon voisin ».

L’interprétation de ces deux réponses par nos maîtres sont en réalité deux approches différentes de la problématique de Rabban Yo’hanan.

Le commentaire de Rabbénou Yits’hak, est suivi par de nombreux commentateurs (Rabbénou Bahya, le Meïri…) : C’est en s’acquérant un bon ami et de bons voisins que l’on peut créer les conditions idéales pour son élévation morale.

Selon ce commentaire, Rabbi Yeochoua intègre le contenu de la maxime de Rabbi Yeochoua ben Péra’hia (Avoth 1-6), qui disait : ‘Fais toi un maître et acquiers un compagnon’.

On se souvient de l’interprétation de Rabbénou Yona (ibid.) qui délimitait le champ de cette prospection.

Il établissait qu’elle concernait trois domaines fondamentaux de la vie.

  1. L’étude : c’est seulement à deux que les esprits s’aiguisent et se développent ; la perception de la sagesse devient ainsi palpable et réelle.
  2. L’accomplissement des commandements et de la volonté divine : quel que soit le niveau spirituel d’une personne, elle aura la capacité de discerner les faiblesses et les erreurs de son ami, ne ressentant pas les mêmes tentations que lui. Les deux amis, s’ils sont sincères, auront ainsi la possibilité de se corriger l’un l’autre, ayant confiance dans le jugement de l’autre.
  3. La direction de vie : seul un véritable ami peut réellement conseiller, devenant ainsi un authentique confident.

(cf. Dvar Thora Avoth 5764 p.155)

Rabbi Yeochoua rejoint donc Rabbi Yeochoua ben Pera’hia et ajoute la notion de ‘tov’ (bon). Selon lui, l’homme doit se faire un bon ami.

Que signifie ce qualificatif qui semble évident ? Il s’agit d’un ami dont le niveau moral est élevé ; et il faut, pour préserver cette amitié, être prêt à s’adapter à l’autre, à supporter ses défauts éventuels et son caractère différent du nôtre. Car ce lien est indispensable pour progresser moralement.

Rabbi Yossi Hacohen élargit ce concept à un bon voisinage, car un ami n’est pas forcément présent à chaque instant, alors qu’un voisin a une proximité permanente.

Rabbénou Israël (cité par Rabbénou Yits’hak) ajoute un note supplémentaire.

L’ami par excellence d’un homme est sa femme, la véritable compagne de sa vie.

Dans le choix de sa femme, il faut avant tout rechercher les qualités morales, que ce soit chez elle ou chez sa famille.

C’est ce que nos maîtres (Talmud Baba Batra 109b) ont exprimé en disant : « L’homme doit lier son sort seulement à des gens droits et bons (tovim : dans le sens tsadikim).

Si ces qualités ne sont pas présentes, il ne faut en aucun cas se laisser séduire par des attraits superficiels.

Fermer les yeux…

Pour sa part, Rabbénou Yona développe une approche différente de la notion du bon ami et du bon voisin.

Il découvre même une difficulté dans l’interprétation de Rabbénou Yits’hak.

En effet, un bon œil et un bon cœur sont des vertus innées. Il est donc étonnant que Rabbi Yeochoua et Rabbi Yossi Hacohen y juxtaposent un bon ami et un bon voisin, qui sont de toute évidence des entités extérieures.

Rabbénou Yona reste fidèle à son interprétation de la question de Rabban Yo’hanan, qui sous-entend, selon lui, que la clef pour parvenir à progresser dans tous les domaines de la personnalité, est de commencer par l’acquisition d’une seule qualité à son plus haut niveau.

Trouver un bon ami n’est pas une qualité particulière.

Suivant son interprétation, il comprend tout à fait différemment le concept d’un bon ami et d’un bon voisin :

« Il ne s’agit pas ici de mettre un accent sur l’importance de se faire un bon ami ou un bon voisin, comme le conseillait Rabbi Yeochoua ben Pera’hia.

Il s’agit de devenir soi-même un bon ami et un bon voisin, et cela en créant un lien d’amitié sincère et profond avec l’autre, pour qu’il puisse profiter de ce que nous pouvons lui apporter.

C’est la clef pour parvenir à aimer toutes les créatures.

Développer des liens de bon voisinage est un accès pour aimer tous les hommes, et acquérir ainsi toutes les bonnes qualités. » (Rabbénou Yona ibid.)

Le ‘hassid Rabbi Yossef Yaavets ajoute qu’être un bon voisin implique de fermer les yeux sur tous les désagréments que peuvent causer ceux qui habitent près de nous pour ne remarquer que leurs qualités.

Pour cela, il faut toujours agir ‘lifnim méchourat hadine’ : au-delà des limites du droit strict. Ce qui signifie aller ans le sens de l’autre, même si sur le plan du droit stricto sensu, il a tort.

C’est l’expression véritable de la qualité de ‘hassid (pieux), qui était celle de Rabbi Yossi Hacohen.

Devenir meilleur pour devenir heureux

Et il ne faut pas limiter la portée du message de Rabbénou Yona, qui touche l’un des aspects les plus profonds de la personnalité humaine.

L’homme a toujours tendance à croire que ses problèmes sont dus aux défauts des autres, voisins ou proches.

Il croit naturellement que si les autres étaient meilleurs, la vie serait différente, et qu’il pourrait atteindre le bonheur.

Mais il en est tout autrement : c’est en lui-même que se trouve la clef du bonheur.

On pourrait résumer sa pensée ainsi : « Deviens un bon ami, et un bon voisin, et tu découvriras que le monde est meilleur ».

Rabbi Avraham Grodzienski zatsal élargit encore la réflexion (‘Torat Avraham’ p. 233).

Par sa nature, l’homme aime ce qui lui ressemble. Même les animaux sont en général amicaux envers ceux de leur espèce.

Avant que l’homme ne découvre sa propre personnalité et ne développe un certain égocentrisme, il est un bon compagnon pour tous.

On peut l’observer également chez les petits enfants qui sont attirés de façon naturelle par la compagnie des enfants de leur âge, sans préjugés et autres inhibitions.

Leur âme est encore pure et sans complexité.

Plus un enfant grandit, plus il remarque les différences, qu’elles soient vestimentaires, physiques ou d’appartenance sociale.

Plus il grandit, et plus il a de réticence envers ceux qui sont différents.

Et cela n’est certainement pas dû au développement de son intellect, car la logique voudrait que les hommes s’aiment et s’entraident les uns les autres.

Ce phénomène s’explique par le fait que, parallèlement à son évolution psychique, se développe en lui la volonté d’exprimer sa particularité et de mettre en avant son ‘moi’.

Car il s’aime plus que tout. L’autre lui semble souvent être celui qui l’empêche d’exprimer cette particularité.

Ne serait-ce l’amour que l’homme se porte à lui-même, il serait rempli de sentiments d’amour à l’égard du monde entier.

C’est cet amour égocentrique qui créé des barrières contre ceux qui, en existant, freinent l’expansion de son ‘moi’.

Il faut donc créer des brèches dans ce système. Comment ? En se faisant un ami véritable, auquel on sera entièrement dévoué, et vis-à-vis duquel on effacera, un temps soit peu, cette volonté de se propulser sur le devant de la scène.

Ainsi, l’homme pourra déclencher un processus qui lui permettra de revenir progressivement à l’état naturel et idéal voulu par le Créateur.

Peut-être parviendra-t-il à ôter le plus grand des obstacles à la perfection de la personnalité : l’amour de soi.


COMMENTAIRES SUR PARACHAT BO

Reconnaître le Bien que l’on nous a fait…

Et s’approcher de D.ieu

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Être reconnaissant envers celui qui nous a fait du bien est l’une des qualités exigées par la Thora. Et elle peut prendre des formes tout à fait surprenantes…

Dans notre paracha, nous assistons à la dernière phase des dix plaies, puis à la sortie d’Egypte.

L’une des réactions les plus fondamentales que cette libération du peuple juif doit susciter en chacun de nous, à toutes les époques, est la « reconnaissance des bienfaits » (Hakarath hatov), vis à vis de Celui qui nous a sorti de cette terre d’esclavage.

L’intensité de cette reconnaissance doit entraîner que nous souhaitions accomplir Sa volonté, être Ses serviteurs.

C’est ainsi que Na’hmanide interprète les premiers mots du décalogue :

« Je suis l’Eternel ton D.ieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, d’une maison d’esclavage » (Exode 20 ; 2).

Selon son interprétation, les termes « d’une maison d’esclavage » viennent exprimer l’obligation du peuple juif de reconnaître l’Eternel comme leur D.ieu, et donc de Le servir, parce qu’Il les as libérés de l’esclavage d’Egypte, ainsi que le verset le précise :

« Car ils sont mes esclaves, Moi qui les ai fait sortir du pays d’Egypte » (Lévitique 25 ; 4).

Rabbénou Bahya ibn Pakuda, l’auteur du ‘Hovoth Halevavoth (« Les devoirs du cœur »), développe, plus encore, ce concept.

Conscience éternelle

Après avoir expliqué le devoir qui incombe à l’homme d’approfondir sa compréhension du monde et de mesurer pleinement l’ampleur des bienfaits de D.ieu dont il bénéficie en permanence (Chaar habe’hina), Rabbénou Bahya insiste ensuite sur les devoirs que nous avons envers notre Créateur (Chaar Avodath haélokim) :

« Après avoir pris conscience de l’unité de D.ieu et d’avoir analysé les différentes formes de Ses bienfaits, l’homme doit prendre conscience de ses devoirs envers son Créateur.

En effet, la logique exige de celui qui a bénéficié d’immenses bienfaits de se sentir redevable envers son bienfaiteur.

Il est clair dans l’esprit de chacun que nous devons être reconnaissant envers celui qui nous a fait du bien et réaliser pleinement ses bonnes intentions à notre égard. »

Dans le chapitre 6 de cette même partie, l’auteur définit plus encore la nature de cet engagement :

«Par reconnaissance pour les bienfaits qui concernent l’humanité dans son ensemble (création de l’homme, don de sa subsistance…), l’homme doit avoir une conduite morale honorable, ce qui correspond aux mitsvoth dites si’hlioth (que la logique humaine appréhende), mitsvoth rationnelles : elles sont admises par la société car elles interdisent des actes nuisibles comme l’assassinat, le vol, le mensonge, l’adultère, le manque de respect envers ses parents…

Il y a ensuite la reconnaissance pour les bienfaits que le Créateur a accordé à une nation particulière, en l’occurrence au peuple d’Israël, qu’Il a sorti d’Egypte et dirigé vers la terre promise.

Cela engage les Juifs à un tout autre niveau du service divin, correspondant au mitsvoth dite chimioth, les commandements qui ne sont pas rationnels, comme les interdits alimentaires, vestimentaires, les lois liées à la vache rousse… »

(‘Hovoth Halevavoth, Chaar Avodat Haélokim chapitre 6)

Rabbi Yérou’ham de Mir, précise le sens caché des mots de Na’hmanide que nous avons cités plus haut.

La sortie d’Egypte n’est pas seulement pour D.ieu l’occasion de donner aux Juifs et à l’humanité dans son ensemble un cours magistral sur la foi (émouna).

C’est bien plus que cela : cela doit susciter un engagement total de l’homme envers son Créateur, qui ne peut être le résultat d’une réflexion à elle seule.

C’est un sentiment, celui de la reconnaissance envers D.ieu, qu’il faut éveiller en nous, pour nous amener à l’acceptation de devenir Ses serviteurs.

Vécu imaginaire

Ce que met en lumière Rabbi Yérou’ham, c’est que la Hakarath hatov exigée n’est pas seulement une reconnaissance superficielle, mais la véritable sensation profonde d’être « redevable » envers son bienfaiteur.

Ainsi, il découvre dans les mots de la Hagada de Pessa’h un sens nouveau :

« A chaque génération, il est un devoir pour chacun de se « visualiser » comme étant lui-même libéré d’Egypte. »

Quel est l’intérêt de ce devoir très spécial ? Et d’où nos Maîtres ont-ils tiré cet enseignement ?

C’est que, seulement à travers ce vécu imaginaire, l’homme pourra éveiller en lui des sentiments profonds de reconnaissance envers D.ieu et grâce à cela, renforcer son engagement d’être Son serviteur, but véritable de la sortie d’Egypte. (Daat ‘ho’hma oumoussar volume 1, page 124)

Nous allons voir plus loin que lorsque nos maîtres développent le concept de Hakarath hatov, cela dépasse la simple notion de reconnaissance telle que nous pouvons l’appréhender.

Le but n’est pas de manifester cette reconnaissance en rendant ainsi à son bienfaiteur une partie du bien qu’il nous a fait.

Dans la Thora, Hakarath Hatov est un attribut de l’âme (midda) que tout être à la recherche de la vérité se doit d’acquérir.

Rabbi Its’hak Hutner zatsal, souligne encore plus l’importance de cette midda.

« Celui qui a eu le privilège de côtoyer les Grands de la Thora a pu remarquer l’importance primordiale qu’ils accordent à cet attribut de Hakarath hatov.

Toute personne, même de haut niveau sur d’autres plan, chez laquelle on décelait des signes de kefiout tova (le refus de reconnaître les bienfaits reçus), pouvait perdre pour cette raison toute leur estime » (Pa’had Its’hak, Roch Hachana chapitre 3).

Les enseignements les plus fondamentaux sur ce sujet se trouvent dans le processus de la libération d’Egypte, et ce n’est pas fortuit.

Lorsque D.ieu ordonne à Moïse de se rendre chez Pharaon pour lui demander de libérer Israël : « Et maintenant, Je te délègue vers Pharaon » (Exode 3 ; 10), Moïse Lui répond :

« Maître de l’univers, il m’est impossible de quitter Yitro, c’est lui qui m’a accueilli et ouvert sa maison. Si un homme ouvre sa porte à son prochain, ce dernier lui doit son âme ! » (Chemoth Rabba 4 ; 2).

C’est la raison pour laquelle, plutôt que se hâter pour remplir la mission extraordinaire confiée par D.ieu Lui-même, Moïse fait un détour pour obtenir l’autorisation de Yitro, son beau-père.

Allusion au mariage

Ce texte suscite de nombreuses questions :

N’est-ce pas d’abord un manque de respect vis à vis de D.ieu ? Moïse croyait-il que D.ieu ignorait ce que Yitro avait fait pour lui ! Enfin, le sentiment de reconnaissance de Moïse envers son beau-père ne semble-t-il pas exagéré ?

En effet, le Midrach ne considère pas avec autant d’égard l’acte de Yitro. Il précise:

Qui est celui qui fut bienveillant à l’égard de son bienfaiteur ? C’est Yitro envers Moïse.

Car il faut savoir que les filles de Yitro étaient poursuivies par des bergers qui leurs voulaient du mal, à lui et à ses filles, et les empêchaient de puiser de l’eau. C’est Moïse qui prit leur défense et qui puisa pour Yitro et sa famille, mais aussi pour les bergers, rétablissant ainsi le calme dans les esprits.

A la suite de cet épisode, Yitro dit à ses filles, en parlant de Moïse : « Pourquoi avez-vous laissé là cet homme ? Appelez-le et qu’il vienne manger » (Exode 2 ; 20).

Rabbi Simone explique que c’est pour rémunérer Moïse pour ses services que Yitro lui a offert à manger (Vayikra Rabba 34 ; 8)

Une deuxième Midrach ajoute que manger du pain doit être ici compris ici dans le sens allusif du mariage, car Yitro espérait que Moïse épouse l’une de ses filles (Chemoth Rabba 81 ; 32).

Car la situation de Yitro était pour le moins difficile : il était excommunié par tous les habitants de Midian pour avoir renié leurs idoles (cf. Rachi Exode 2 ; 16).

Moïse est donc arrivé au bon moment pour le protéger, lui et sa famille, et finalement épouser l’une de ses filles.

' Une autre dimension

On peut dégager deux éléments capitaux de ce texte (cf. Si’hoth moussar Rav ‘Haïm Chmoulevitz volume 2 page 118).

Tout d’abord, Moïse a découvert, par sa recherche personnelle de vérité, que le concept de Hakarath hatov est un attribut fondamental de l’âme, et sans rapport avec les intentions ou les intérêts du bienfaiteur.

A partir du moment où Moïse a tiré profit de Yitro, cela le rend redevable, et les mots du Midrach sont éloquents : il lui doit son âme.

La midda de Hakarath hatov entraîne que celui qui a profité d’un bienfait soit redevable pour toujours, même si cela n’a pas exigé de grands efforts de la part du donateur, et même s’il a agit dans son propre intérêt.

On le voit, cela dépasse de très loin la simple volonté de rendre à celui qui vous a fait du bien.

Cette vérité était si claire aux yeux de Moïse qu’il était persuadé, à juste titre, que la véritable intention de D.ieu était qu’il aille d’abord demander son autorisation à son beau-père, avant même d’accomplir sa mission, vitale pour ses frères, le peuple d’Israël.

Peu après ces événements, D.ieu dévoile à Moïse une nouvelle dimension de cette qualité de l’âme.

Les trois premières plaies (celles du sang, des grenouilles et de la vermine) vont être amorcées par Aaron, et non par Moïse.

D.ieu dit à Moïse qu’il demande à Aaron de lever son bâton sur le Nil (Exode 7 ; 19) et de frapper la terre (Exode 8 ; 12).

Pourquoi n’est-ce pas Moïse qui fut chargé de cette mission ?

Rachi répond à cette question en citant le Midrach.

« Moïse ne pouvait frapper le Nil, car celui-ci l’avait protégé quand il fut jeté en son sein. Moïse ne pouvait donc pas intervenir pour transformer le Nil en sang, ni au moment des la plaie des grenouilles. C’est donc Aaron qui exécuta l’ordre divin » (Chemoth rabba 9 ; 10).

Pour ce qui est de la terre, elle ne pouvait pas non plus être frappée par Moïse, car elle lui avait été utile lors de l’épisode avec l’Egyptien que Moïse frappa et ensevelit dans le sable (Exode 2 ; 12).C’est donc Aaron qui l’a frappée (Chemoth Rabba 10 ; 7)

Vivre et sentir

Le bénéficiaire de la Hakarath hatov est ici le monde inerte ! Ce que D.ieu a ainsi dévoilé à Moïse, c’est que cette qualité de l’âme est si importante que nous avons le devoir, pour nous éduquer à la ressentir, de reconnaître le bien que nous font tous les éléments de la création.

Pourtant, le monde inerte ne tire aucun profit ni aucune sensation de cette reconnaissance. Cela ne peut être que dans le but de développer cette midda, dans l’intérêt de l’homme lui-même.

La sortie d’Egypte est l’événement qui crée, à tout jamais, l’engagement de l’homme vis à vis de son Créateur. Engagement qui doit avoir pour moteur la Hakarath hatov vis à vis de D.ieu.

C’est donc bien dans le contexte de cette libération que la Thora devait nous dévoiler les enseignements sur la midda de la reconnaissance du Bien.

Peu importe les mobiles, les efforts ou les intérêts de celui qui nous aide ; avoir reçu ses bienfaits doivent éveiller en nous un sentiment profond de reconnaissance.

C’est en s’éduquant ainsi, chacun personnellement, que l’on pourra vivre et sentir le Bien que nous avons reçu de D.ieu.

La motivation du service divin (avodath Hachem) doit être principalement issue du sentiment de Hakarath hatov. Et l’intellect seul ne pourra nous amener à tous les niveaux d’action et de compréhension des commandements divins.

Dans le monde moderne, les réalisations prodigieuses de l’homme sont autant de raisons de croire en sa force, éloignant l’humanité du concept de Hakarath hatov.

Le seul moyen de s’imprégner de cette qualité, dont nous avons perçu l’importance primordiale, est de pénétrer dans les enseignements de la Thora pour découvrir une nouvelle optique de la vie.

Et l’on découvrira que cette qualité dépasse presque toutes les autres…