HANOUKA 5765
Très chers amis,
Je vous adresse trois Dvar Thora pour ces fêtes de Hanouka.
Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ces Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.
La Yéchiva compte actuellement 140 étudiants en pension complète encadrés par 16 Rabbanims enseignants.
Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.
Puissent les lumières de Hanouka et le mérite de la Thora que vous soutenez vous apporter joies et satisfactions.
Rav Chalom Bettan
Hanouka ou l’esprit contre la matière
Par le Rav Chalom Bettan
A l’époque d’Antiochus Epiphane, au 4e siècle avant l’ère vulgaire, les dominateurs grecs voulaient empêcher les Juifs de pratiquer la Thora. Des centaines de Juifs furent assassinés, les jeunes femmes étaient systématiquement violentées.
C’est alors que certains décidèrent d’agir.
Les Juifs non hellénisants résistèrent et partirent dans une bataille totalement inégale : quelques Cohanim (prêtres) prirent les armes pour défendre la spiritualité d’Israël contre la super puissance grecque. Le miracle fut la victoire inattendue des Juifs.
L’invasion de la Terre d’Israël par les Grecs a été suivie par l’émission de décrets visant à empêcher les Juifs de pratiquer leur religion. Les Juifs se sont vus interdire d’observer le Chabbath et les fêtes, de pratiquer la circoncision, et de respecter les lois de pureté familiale.
On leur infligea des interdictions, mais également des obligations : chaque Juif devait écrire sur la corne de son bœuf : « Nous n’avons aucune part au D.ieu d’Israël ».
Ce décret plongeant le judaïsme dans une obscurité totale (cf. Midrach Raba, début de Béréchit commentant ainsi le verset : « L’obscurité était au dessus de l’abîme » 1 ; 2)
Que signifiaient ces décrets ? Quels sens avaient-ils pour les Grecs ?
Un modèle de réussite
Pour le peuple juif, le but de l’homme sur terre est de vivre selon un système de valeurs humanistes ainsi que métaphysiques, qui exigent de l’homme une certaine transcendance, alors que les Grecs cherchaient au contraire à cultiver au maximum les capacités physiques et les valeurs naturelles, en proposant un autre système moral. La polémique entre le peuple juif et la Grèce tenait dans leurs conceptions respectives du but et de la finalité de l’humanité.
En interdisant des mitzvots qui touchaient à tous les domaines de la vie, les Grecs ont tenté d’empêcher les Juifs de vivre dans le système de valeurs qui leur était propre.
Quant à l’inscription obligatoire sur les cornes de bœufs, Rachi, dans son commentaire sur le Midrach, explique que les Grecs font ainsi allusion à un autre bovin, le veau d’or, et la faute qu’il symbolise.
Le veau d’or
La faute du veau d’or a été commise au pied du Mont Sinaï, au moment où le peuple juif est parvenu à la plus grande élévation spirituelle jamais atteinte. En effet, le peuple juif a assisté collectivement au dévoilement de D.ieu, atteignant ainsi la prophétie. Nos Sages expliquent cette faute par le besoin ressenti par le peuple de trouver un dirigeant concret et visible, après que Moïse ne soit pas revenu du Mont Sinaï.
La Grèce y a vu l’incapacité humaine de vivre dans un système totalement transcendant, et la preuve flagrante de la nécessité d’un système physique et naturel.
S’appuyant sur la faute du veau d’or, la Grèce a voulu montrer par ses décrets que notre peuple était incapable de vivre une vie métaphysique, puisqu’au moment le plus exalté de son histoire, il n’y est pas parvenu. Si le peuple Juif, qui se considère comme l’élite dans ce domaine n’y parvient pas, c’est donc la preuve que ce système ne convient pas non plus à l’humanité dans son ensemble.
Dans la mesure où chaque société tente de créer, puis d’imposer au monde un modèle de perfection humaine, la lutte entre la transcendance juive et les autres philosophies est intense. Aujourd’hui, les Etats-Unis n’imagine pas d’autre idéal qu’un homme riche, puissant, décidant de son sort, gardant des valeurs puritaines, alors que l’Europe a érigé un système de valeurs humanistes, basé sur des lois sociales, avec une tendance marquée pour un mode de vie épicurien.
Une vie idéale
La réponse du peuple juif à cette lutte engagée par les Grecs, fut le dévouement des Maccabim, qui ont prouvé leur foi totale dans les valeurs juives, allant jusqu’à se sacrifier pour elles corps et âme.
L’allumage des lumières de ‘Hanouka signifie que le peuple juif continue à exprimer sa foi profonde dans son D.ieu et dans la sainteté de la Thora. Au vingt-et-unième siècle, ce message est d’une actualité frappante. Malgré les progrès gigantesques fait par la science, on assiste à une dégénérescence morale préoccupante. Par nos lumières, nous affirmons que la Thora est seule à proposer une vie idéale. En observant la circoncision, nous transcendons le corps humain ; par le Chabbath et les fêtes, nous sanctifions la notion de temps ; par la pratique des lois de la pureté familiale, nous donnons un autre sens, plus profond, à la vie de famille. Tous ses actes rituels apportent une dimension nouvelle à la vie.
Le secret de la Grèce
Mais pourquoi est-ce les grecs qui ont incarné des valeurs si opposées à la Thora ? Car il fallait un certain « mérite » et une certaine carrure pour pouvoir s’opposer à la Sagesse absolue qu’est la Thora.
A la suite de la conduite respectueuse de Japhet envers son père Noé, ce dernier donna à son fils la bénédiction de « résider dans les tentes de Sem ». Nos Sages (Meguilah 9b) expliquent que l’une des conséquences de cette bénédiction fut que le Sefer Thora, selon l’opinion de Raban Chimon ben Gamliel, peut être écrit en grec, comme il peut l’être en hébreu. Maïmonide précise cependant qu’il s’agit du grec ancien, le grec en usage à son époque ayant subi trop de mutations.
Etonnante décision de la Thora, qui rend « cacher » un Sefer Thora écrit en grec…
L’humanité évolue dans un système où plusieurs options lui sont proposées. Pour que l’homme garde son libre-arbitre, la nécessité de placer l’homme devant un choix entre les forces du bien et du mal rend inévitable un équilibre parfait entre elles.
Notre sainte Thora, expression de la sagesse divine, fascine ceux qui en pénètrent les profondeurs, d’où la nécessité de proposer à l’homme une alternative qui puisse paraître rivaliser avec elle. Par sa conduite, Japhet a mérité que les Grecs, ses descendants, soient ceux qui portent le flambeau de la science humaine, et cherchent à rivaliser avec la sagesse divine de la Thora.
Révélation divine
A l’époque du Premier Temple, le peuple juif était essentiellement tenté par l’idolâtrie, alors qu’à celle du Deuxième Temple, c’est l’hellénisme surtout qui l’attirait. Ces différences sont-elles seulement liées aux époques où elles se sont exprimées ?
Le Talmud (Yoma 69b) rapporte qu’Ezra le scribe, reconstructeur du Deuxième Temple, réussit, en organisant une prière collective à laquelle participèrent l’assemblée des grands d’Israël et le peuple, à obtenir que l’intensité de l’attrait pour l’idolâtrie soit atténuée. Ils surent qu’ils étaient exaucés en voyant un lion de feu sortir du Saint des Saints, dans le Temple. Par conséquent, elle ne représenta plus une tentation à l’époque du Deuxième Temple.
L’époque du Premier Temple fut caractérisée par un révélation divine intense, qui nécessitait en contrepartie une profonde connaissance des forces spirituelles régissant le monde. Cette connaissance, comme l’explique Maïmonide, entraîna le peuple juif à s’attacher à ces forces disparates. Familiarisés avec les différentes sources de puissance dans la nature, les Juifs en vinrent à les adorer.
Le Deuxième Temple étant marqué par la disparition de la prophétie, D.ieu ne se dévoile plus à l’homme de façon manifeste. Notre approche du divin se fait alors par l’étude de Ses commandements de Sa parole. Les tentations du peuple juif se portent alors, avant tout, sur les études scientifiques, essentiellement grecques à l’époque, qui prétendent être un message de vérité pour l’humanité, au détriment de la sagesse divine qui s’exprime dans la Thora.
La lutte entre les Grecs et le peuple juif se résume à une guerre entre une conception physique et métaphysique du monde.
Quand des hommes sont prêts à se sacrifier pour leurs convictions, et qu’une poignée de saints et d’érudits parviennent à vaincre une armée nombreuse de soldats entraînés, cela prouve l’authenticité de leur valeurs spirituelles. Là réside l’essence du monde et sa réalité. Comme il est mentionné dans la prière de la Amida pendant les jours de ‘Hanouka :
« Mais Toi dans Ta grande miséricorde Tu les as assisté au temps de leur détresse, Tu as lutté leur lutte, Tu as jugé leur jugement, Tu as vengé leur vengeance, Tu as livré les forts aux mains des faibles, les nombreux aux mains des peu nombreux, les impures aux mains des impurs, les méchants aux mains des justes et les arrogants aux mains de ceux qui aimaient la Thora. »
En remportant cette victoire inattendue, le peuple juif prouva que le spirituel régit le monde et décide, sans qu’on s’en aperçoive toujours, des contingences physiques.
C’est sans doute en cela que réside le véritable miracle de ’Hanouka. L’Empire et la société grecs ont disparus depuis longtemps. Le peuple juif, malgré un exil de deux mille ans, des spoliations, des pogroms, une Shoah, est toujours présent, vigoureux, actif, ayant un rôle prépondérant sur la scène mondiale, toujours représentant des valeurs spirituelles et universelles de l’humanité, le peuple du livre.
‘Hanouka - Le renouveau éternel
Par le Rav Eliahou ELKAIM
Contrairement à la majorité des ennemis d’Israël, les Grecs ne cherchaient pas à détruire physiquement les Juifs, mais à effacer leur spécificité. L’occasion d’une interrogation sur une identité si différente…
La fête de ‘Hanouka commémore la délivrance d’Israël de l’oppression sous le joug de l’empire macédonien, propagateurs et représentants de la culture grecque, appelée par nos maîtres Tarbouth Yavan.
En effet, d’après la tradition (et cela est déjà annoncé à Avraham), Israël devra subir quatre exils avant de jouir de la délivrance finale. Et le troisième exil est celui de Yavan, la Grèce.
Nos maîtres (cf. Levouch Or Ha’haïm chapitre 670 ; Michna Beroura idem) nous éclairent sur la différence fondamentale entre l’exil de Yavan et les trois autres, Babel, Médie et Edom.
Les trois empires que nous venons de citer attaquent physiquement le peuple d’Israël. Bien sûr, dans le courant de l’histoire, des décrets, publiés par ces trois puissances, verront le jour pour empêcher l’étude de la Thora et l’accomplissement des Mitsvoth, et tenter d’obliger les Juifs à adopter leurs propres religions. Mais ces sentences ne sont qu’un moyen de plus pour parvenir à la destruction physique du peuple d’Israël.
En ce qui concerne Yavan, les Grecs, leur but était d’éradiquer la Thora et ce qu’elle implique. Si le peuple d’Israël avait accepté et adopté les us et coutumes hellénistes, et s’était assimilé à la civilisation grecque, les Juifs n’auraient pas eu à souffrir physiquement.
Cet exil se différencie des autres également par le fait qu’Israël a continué de vivre sur sa terre. Il n’y eut pas de tentative de la part des Grecs de chasser les Juifs de leur pays.
On retrouve ces notions, explicitement exprimées, dans le texte ajouté à la prière de la Amida durant la fête de ‘Hanouka ( Al Hanissim), par les membres de la Grande Assemblée :
« Lorsque l’empire grec s’est attaqué à Israël, pour lui faire oublier Ta Thora et l’éloigner de l’accomplissement de Tes commandements. »
Nos maîtres nous révèlent également que les Grecs se sont attaqués à trois mitsvoth particulières. Et la volonté des Grecs d’empêcher les Juifs d’obéir à ces trois commandements de la Thora était si forte qu’ils menaçaient de mort ceux qui voulaient rester fidèles à la parole de D.ieu.
Ces trois mitsvoth étaient celles de ‘Hodech, Chabbath et Mila.
‘Hodech, est le commandement de sanctifier le jour où la lune apparaît de nouveau (la néoménie), et de le fixer comme le premier jour du mois.
Les grecs interdisaient également le respect du Chabbath et la pratique de la circoncision, brit mila.
Pourquoi les Grecs ont-ils choisi ces trois mitsvoth parmi tant d’autres et ont-elles un point commun ?
Origine divine
Dans son analyse des caractéristiques de chacune des nations qui opprime Israël, Le Maharal (Ner Mitsva p.15), définit la politique de l’empire macédonien.
L’essence même de la civilisation hellène, était basée sur la notion de la toute-puissance de l’intellect humain, qui dirige toute la création.
Le haut degré de connaissance et de culture des philosophes grecs les a amenés à croire que l’intellect humain, et lui seul, doit diriger tous les aspects de la vie d’un homme.
Toute théorie ou action se basant sur un système métaphysique n’a pas de droit d’existence.
La Thora, dont la base est l’origine divine, met en avant une science placée au dessus de l’intellect humain.
On le comprend, les grecs ne pouvaient tolérer une telle approche du monde, qui remettait en cause leur propre compréhension de l’univers. Ils cherchèrent à effacer la conception juive, représentante d’une science divine.
Des décrets furent promulgués, interdisant, comme nous l’avons vu, trois mitsvoth spécifiques.
Eternité et renouvellement
L’auteur du Dere’h ‘Houqué’ha explique que les Grecs ont perçus dans ces trois commandements l’expression la plus essentielle de la Thora.
La mitsva de sanctifier le jour de la néoménie, fixe les bases du calendrier juif d’après l’année lunaire.
Pourtant, la logique voudrait que le calendrier soit fixé d’après l’année solaire, puisque les saisons dépendent de la position du soleil.
D’ailleurs, même les horaires dans lesquels s’inscrit l’accomplissement des mitsvoth, sont toujours fixés d’après le lever ou le coucher du soleil, et sont calculés d’après les dates du calendrier solaire.
Pourquoi la Thora a-t-elle donc introduit le cycle lunaire dans le calendrier, allant à l’encontre du bons sens et de la logique.
A juste titre, les Grecs ont vu dans cette mitsva la différence entre la Thora et la science humaine.
En réalité, le calendrier juif se base à la fois sur l’année solaire et l’année lunaire.
Maïmonide, (Yad Hahazaka, Hil’hoth Kiddouch ha’hodech, chapitre 1) précise :« Les mois de l’année sont fixés d’après la néoménie, mais les années sont des années solaires, comme le précise le verset : « Prends garde au mois du printemps pour célébrer la Pâque en l’honneur de l’Eternel ton D.ieu. » (Deutéronome 16 ; 1) »
Dans la Thora, la notion du ‘Hodech (mois) vient exprimer un renouveau ( ‘Hidouch) :
Renouveau de la lune qui réapparait dans le ciel, alors que le mois solaire n’exprime aucun renouvellement.
En revanche, pour compter les années, un ajustement selon l’année solaire est nécessaire, puisque la date de la fête de Pessa’h doit toujours correspondre au printemps.
Or, il y a 11 jours de décalage entre l’année solaire et l’année lunaire. On attend que ces jours de décalage s’accumulent à un total de 30 jours, moment où l’on ajoute un mois supplémentaire, un treizième mois à l’année : c’est ce qui arrive à intervalle régulier.
Ainsi, on conserve le principe de la Thora qui exige que Pessa’h soit au printemps.
Cette dualité, qu’utilise la Thora, entre ces deux éléments qui fixent le calendrier est expliquée par le Rav I. Hutner : chacun de ces deux éléments exprime une idée fondamentale.
Le mois (que l’on fixe par les cycles de la lune) exprime le renouvellement périodique alors que l’année (réajustée par rapport à l’année solaire) exprime la reconduction perpétuelle.
En effet, le peuple d’Israël doit être influencé par ces deux notions : celle de la continuité qui se manifeste par le devoir permanent de chaque juif tout au long de sa vie, de servir son créateur et de vivre sa foi en D.ieu.
C’est cette notion qu’exprime le Roi David quand il dit : « Je fixe constamment (tamid) mes regards sur le Seigneur. » (Psaumes 16 ; 8).
Complication apparente
Quand à l’idée du renouvellement, chaque juif a le devoir de réitérer son attachement à D.ieu en y introduisant régulièrement une nouvelle dimension, un renouveau du sentiment.
C’est l’essence même du jour de Roch ‘Hodech, qui marque le début du mois :
« Et il arrivera constamment, à chaque néoménie et à chaque Chabbath que toute chair viendra se prosterner devant Moi, dit l’Eternel » (Isaïe 66 ; 23).
Par ailleurs, on commence le décompte des années à partir du 1er Tichri, qui est le septième mois : c’est Roch Hachana, date anniversaire de la création du monde.
Le décompte des mois, lui commence le 1er Nissan, premier des mois de l’année.
« Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois, il sera pour vous le premier des mois de l'année » (Nombres 12 ; 2).
Nahmanide explique que Nissan a été choisi comme premier mois de l’année dans la mesure où il nous rappelle la sortie d’Egypte.
Mais alors, pourquoi n’avoir pas choisi cette même date pour le début de l’année ? Quel est le but de cette complication apparente ?
C’est en réalité la même idée qui s’exprime.
Il faut que le ‘hidouch, le renouveau, soit flagrant et qu’il vienne nous surprendre au milieu de l’année.
Nissan, en tant que temps du renouveau est également le temps de la délivrance :
« En Nissan, ils ont été délivrés et c’est en Nissan qu’ils seront délivrés à la fin des temps. »
On le voit, le décompte de l’année, différent de celui des mois, ne paraît pas cartésien, et semble échapper à la logique exclusivement humaine. On comprend donc que les grecs y ait vu une atteinte insupportable à leur philosophie : le décompte du temps, base de la vie, échappait à la logique...
Le Chabbath est également une perception du temps tout à fait particulière, et incompréhensible pour les grecs.
D’abord, au niveau de la nature proprement dite, il n’y a aucune différence entre Chabbath et les autres jours de la semaine. Le soleil se couche et se lève comme tous les autres jours.
En outre, on ne peut expliquer le Chabbath par une recherche de détente et de relaxation, car la Thora interdit certains travaux qui ne sont absolument pas fatigants.
L’homme est limité dans ses actes. Il ne s’agit pas d’un repos d’ordre social, mais d’un repos « spirituel ».
C’est d’ailleurs le sujet de la polémique entre Rabbi Akiba et le gouverneur romain Tournus Rufus (Talmud Sanhédrin 65 b).
« En quoi ce jour (Chabbath) se distingue-t-il des autres jour ? demanda le romain au célèbre Tana.
Et toi, lui répondit Rabbi Akiba, qu’est-ce qui te distingue des autres hommes ? Tu es fait de chair et de sang, comme tous les êtres humains…
C’est le roi qui m’a élevé à mon haut rang.
La même réponse est valable pour le jour de Chabbath qui a été élevé par D.ieu
Pouvons-nous voir dans la création un élément qui différencie Chabbath des autres jours ?
Il y en a trois, répondit Rabbi Akiba. Le fleuve Sambation, qui toute la semaine est en tumulte, est calme le jour de Chabbath. Ceux qui évoquent les morts ne réussissent pas à le faire le jour de Chabbath. Et la tombe de ton père (de Tournus Rufus) qui dégage de la fumée toute la semaine (signe des châtiments de l’enfer qu’il subit), n’en dégage pas ce jour-là. »
Là encore, la sanctification du temps ne pouvait être ni comprise ni tolérée par les Grecs.
L’univers, le temps et l’âme
La dernière mitsva interdite par les grecs fut la circoncision, la brit mila.
Le rationalisme implique une reconnaissance de l’utilité de chaque organe du corps. Couper la orla (le prépuce), pour ajouter un élément de sainteté à l’homme va à l’encontre de la philosophie grecque.
Le Sfat Emet (‘Hanouka année 5647) exprime une idée passionnante :
Chabbath, ‘Hodech et Mila sont les signes divins qui marquent la différence entre Israël et les Nations.
Israël est régit par un système différent des autres, système qui intervient sur les trois éléments fondamentaux que sont Olam, Chana et Nefesh, littéralement : l’univers, le temps et l’âme.
La mila est la marque faite sur l’âme.
Le Chabbath est la marque divine sur l’univers. Par la sanctification du septième jour, D.ieu montre que l’abondance divine ( chefa) à l’égard d’Israël transcende le système des six jours de la création, utilisé pour les nations.
La néoménie est la marque divine qui fixe un autre ordre du temps pour Israël.
La Grèce a voulu s’attaquer à l’essence même de la spécificité d’Israël en abolissant ces signes.
L’empire grec a disparu depuis longtemps.
Et les découvertes scientifiques extraordinaires de notre époque prouvent clairement à tout esprit sain que l’intellect humain ne peut cerner les secrets infinis de l’univers.
La fête de ‘Hanouka vient nous interpeller et nous rappeler, à nouveau, le fondement de notre foi : l’intellect ne peut être le seul outil pour cerner le sens de la création.
Même les mitsvoth qui sont à nos yeux rationnelles ne sont que l’expression de la volonté divine énoncée par la Thora, science qui se place au dessus de toutes les contingences rationnelles.
« Prétends-tu pénétrer le secret insondable de D.ieu, saisir la perfection du Tout-puissant ? » (Job 11 ; 7)
Le véritable sens de 'Hanouka
Par le Rav Eliahou Elkaïm
L'étude des textes portant sur la fête de 'Hanouka, dans le Talmud et ses commentaires, nous mène à la réflexion suivante : dans la loi écrite, la description des événements historiques de la sortie d'Egypte constitue la base des commandements liés à la fête de Pessa'h. Bien plus tard, le récit de la Meguilah d'Esther et des miracles qui se produisirent à l'époque forme l'origine des lois s'appliquant à la fête de Pourim.
Or, pour ce qui est de 'Hanouka, qui commémore la délivrance du peuple juif du joug macédonien, le Talmud ne nous fournit que de très brèves allusions sur ce qui s'est passé, sans aucune précision ni détail.
Le Talmud ne s'étend que sur le détail des lois de l'allumage des lumières des huit jours de fête, tout en soulignant que le sens véritable de cette Mitsvah est de perpétuer et de publier les miracles de 'Hanouka jusqu'à notre époque.
Le même Talmud décrit avec bien plus de précisions les événements de la destruction du second Temple qui eurent lieu de longues années plus tard. Pourquoi alors nos Sages n'ont-ils pas jugé nécessaire de nous faire connaître “ l'Histoire” de 'Hanouka ?
Même Maïmonide qui développe davantage la description de cette période, ne nous livre guère de détails sur la guerre menée par les Hasmonéens et sur les différents stades de leur victoire sur l'emprise macédonienne en Israël (cf. Maïmonide, lois de 'Hanouka, chap. 3,1). Ce silence n'est pas dû à un hasard ou à un manque d'information sur cette période, et nos Sages avaient certainement de bonnes raisons de se montrer si laconiques.
Documents historiques
Une explication du Gaon Rabbi Ezéchiel Abramsky z.t.l. (1886-1976) sur le dernier chapitre de la Meguilah d'Esther nous aidera peut-être à comprendre cette concision volontaire, et jettera un nouvel éclairage sur l'approche de nos Maîtres pour tout ce qui concerne la narration de “ l'Histoire” d'Israël.
Nous lisons dans la Meguilah Esther (10,2) :
«
.»
« Quant aux hauts faits de sa force et de sa puissance (d'Assuérus) et à l'exposé détaillé de la grandeur de Mordekhaï, que le roi lui avait conférée, ils sont consignés dans le livre des Chroniques des rois de Médie et de Perse. »
Et le Rav Abramsky z.t.l. d'expliquer :
Quiconque considère le texte de la Meguilah comme un document historique dont le but principal serait de relater les événements tels qu'ils se produisirent, commet une profonde erreur.
Le texte lui-même nous le précise : « Qui veut connaître l'histoire d'Assuérus et de la position occupée par Mardochée est invité à consulter les Chroniques des Rois de Perse et de Médie. » C'est là qu'il trouvera des documents historiques proprement dits.
La Meguilah d'Esther, elle, a été écrite sous inspiration prophétique, sous l'influence de l'esprit divin. Ne s'y trouvent relatés que les faits et détails présentant un rapport avec le sens véritable de l'histoire, et nous permettant de dévoiler ce qui se cache derrière celle-ci.
Cette description des événements doit nous amener à l'inévitable conclusion : même dans les ténèbres de l'Exil, la main dissimulée du Créateur dirige l'humanité et protège le peuple d'Israël.
Tout récit, aussi piquant qu'il puisse être, s'il n'ajoute rien à la compréhension du but véritable du Créateur, n'a pas sa place dans la Meguilah, et il faut le chercher dans les Chroniques des Rois de Perse et de Médie.
Plus encore, “l'Histoire” proprement dite est toujours révélatrice de l'optique de l'historien qui l'a rédigée. C'est seulement si celui-ci était éclairé par l'esprit divin qui animait nos Sages, qu'il a pu discerner la vraie “Histoire”.
Rapport numérique
Avant sa mort, Moïse bénit la tribu de Lévy en ces termes :
« »
« Bénis, Hachem, ses entreprises, et agrée l'œuvre de ses mains. » ( Devarim 33,11).
Moïse vit, explique Rachi (ad hoc.), que les Hasmonéens, issus de la tribu de Lévy, lutteraient un jour contre les Grecs. Il pria pour eux parce qu'ils seraient très peu nombreux : treize en tout contre des myriades. Il les bénit pour qu'Hachem couronne leur action de succès.
Un texte du Midrach est à l'origine de cette explication, et nulle part dans les textes historiques se rapportant à cette période, nous ne trouvons cette description sur le rapport numérique entre les Hasmonéens et les Grecs.
Or, il est évident qu'un tel triomphe ne peut être dû à une brillante stratégie, mais seulement à la victoire de l'Esprit sur la force militaire, et à un miracle rationnellement inexplicable.
C'est là l'accomplissement des paroles du prophète Zekharia (4,6) :
« ».
« Ni par la puissance, ni par la force, mais par Mon esprit, dit Hachem, le Maître des armées. . »
Selon le Bah (Rabbi Yoël Sirkis - 16ème siècle), si l'empire macédonien a opprimé le peuple d'Israël, s'il a promulgué des décrets interdisant la pratique de la Torah et le service du Temple, c'est en raison du laisser-aller que manifestaient les Juifs préposés au service sacré.
Le châtiment a été de permettre à l'empire macédonien d'étouffer tout ce qui présente un rapport avec l'Esprit. La seule façon de remédier à cette grave faute était le sacrifice inconditionnel des Hasmonéens, qui se révélèrent prêts à mourir pour la restauration du service sacré, et s'attaquèrent sans aucune chance de réussite à l'armée Hellène.
Une fois cette brèche réparée, la puissance grecque perdit son éclat et sa force.
D'après le Talmud ( Yoma 29a), le récit du miracle de 'Hanouka fait partie de la loi orale, et il n'a pas été permis de l'inclure dans le canon biblique parmi les Hagiographes, comme celui d'Esther.
Selon l'explication du Rav Abramsky z.t.l. la raison profonde de cette différence tient à ce que le miracle de 'Hanouka, s'il est raconté de la même façon que celui de Pourim, risque fort d'être mal compris.
Au fil des générations, l'impression qui prévaudrait serait celle d'une victoire réalisée grâce à une brillante stratégie. Or cela reviendrait à vider le miracle de 'Hanouka de sa substance et de son véritable sens.
Victoire de l’esprit
Pour éviter une telle méprise, nos Sages ont préféré cacher, même dans les textes de la loi orale, toute description des événements liés à cette victoire, et de ne nous dévoiler que l'essence du miracle.
La signification profonde de 'Hanouka est la victoire de l'Esprit sur la matière, et surtout le triomphe de la Messirout Nefesh, de l'abnégation absolue en faveur du service sacré. C'est d'ailleurs dans le texte des prières de 'Hanouka que nous retrouvons cette idée clairement signifiée ; nous ajoutons dans le Chemoné-Esré le texte du Al Hanissim :
«
»
« Tu as livré les forts aux mains des faibles, les [armées] nombreuses aux mains des minorités, les méchants aux mains des justes, les impurs aux mains des purs, et les coupables aux mains de ceux qui se consacrent à Ta Torah. . »
Les membres de la Grande Assemblée qui rédigèrent nos prières, précisent donc bien : “” - « les forts aux mains des faibles. »
Les Hasmonéens étaient des hommes faibles, et non pas des “surhommes”; ce n'est ni leur stratégie militaire ni leur puissance qui leur permirent de vaincre, mais seulement la force de l'Esprit.
«»
« Ni par la puissance, ni par la force, mais par Mon esprit, dit Hachem, le Maître des armées. »
(Zekharia 4,6).