Chabbath Parachat Chemot 20, 21 janvier 2006
– 20, 21 téveth 5766
Jérusalem | Montréal | Paris | |
---|---|---|---|
Allumage des bougies | 16 h 45 | 16 h 25 | 17 h 10 |
Sortie de Chabbath | 17 h 54 | 17 h 32 | 18 h 19 |
Très chers amis,
J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora de cette semaine avec lequel nous poursuivons le deuxième chapitre des «Maximes des pères» (Pirké Avoth).
Les commentaires sur le premier chapitre ont fait l’objet d’un livre, le troisième volume de notre série «Dvar Thora»..
Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.
En cette époque de rentrée, nous venons d’accueillir la nouvelle promotion, ce qui accroît le nombre des élèves de la Yéchiva à 140. De ce fait, nous avons augmenté le personnel, qui compte dorénavant 16 membres.
Nous comptons sur l’aide de tous nos amis pour pouvoir assumer ce nouveau "challenge" qui permettra à la Yéchiva de poursuivre son essor.
Ce Dvar Thora est écrit pour la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm,
‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov .
Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.
Avec notre plus cordial Chabbath Chalom,
Rav Chalom Bettan
Le pouvoir du Bien
Par le Rav Eliahou Elkaïm
Par la dernière réponse des élèves de Rabban Yo’hanan, nous allons découvrir le secret pour dompter la partie la plus irréductible de notre personnalité: notre volonté.
«Il leur dit: ‘Sortez et voyez quel est le droit chemin auquel l’homme doit s’attacher’. Rabbi Eliézer disait: ‘un bon œil’; Rabbi Jéochoua disait: ‘un bon compagnon’; Rabbi José disait: ‘un bon voisin’; Rabbi Siméon disait: ‘prévoir l’avenir’ Rabbi Eléazar disait: ‘un bon cœur’. Il leur dit: ‘Je préfère les paroles de Rabbi Eléazar car elles englobent les vôtres’.»
(Chapitre 2, Michna 9)
A la question de Rabban Yo’hanan, Rabbi Siméon répond: «prévoir l’avenir», ce qui signifie savoir anticiper les événement, voir plus loin que le présent immédiat.
Maïmonide précise: «Il ne s’agit pas ici de sciences appliquées, qui ont élaboré des techniques permettant de prévoir l’avenir encore inconnu, de découvrir les aspects dissimulés d’une réalité, de déduire l’invisible du visible. (Comme c’est le cas aujourd’hui par exemple de la démographie, du calcul des probabilités…, ndlr.)
Il s’agit d’une perception de l’homme sur ses propres actes et sa propre conduite, qui lui permet d’en discerner à l’avance les conséquences.
On pourrait illustrer l’attitude opposée ainsi: celui qui emprunte sans rembourser. Car il devrait imaginer qu’à l’avenir, personne n’acceptera de lui prêter à nouveau.
Ce défaut est lié au caractère et non à une lacune intellectuelle.» (Maïmonide ibid.)
Rabbénou Yona ajoute: «Celui qui fait l’introspection de tous ses actes et parvient à discerner à l’avance leurs conséquences, s’éloignera de toute conduite qui a court terme s’avère rentable, mais lui causera de grandes pertes à long terme.»
C’est ainsi qu’il s’éloignera de la faute, en comparant le profit immédiat et les châtiments futurs» (Rabbénou Yona ibid.)
Les yeux de la communauté
Il n’est pas fortuit que Rabbi Siméon, dont la caractéristique était de craindre le pêché comme Rabban Yo’hanan lui en a fait l’éloge, ait fait cette réponse, qui résume son approche de la vie.
Il est intéressant de remarquer que cette aptitude à pressentir l’avenir, a toujours été l’apanage des maîtres d’Israël.
Ils ont développé cette aptitude au point d’atteindre une perception qui dépasse celle du commun des mortels; et ils l’utilisent pour donner une direction à leur vie et également pour conseiller la collectivité afin de la préserver des dangers spirituels qui la guettent.
Rabbi Ezekiel Abramsky zatsal avait l’habitude d’illustrer cette idée par une image.
On demande à plusieurs personnes myopes de distinguer un objet distant de 100 mètres. La première ne voit pas à plus de trente mètres; la seconde voit mieux, mais ne parvient pas à voir à plus de soixante mètres; la troisième voit encore mieux mais se limite à quatre-vingt mètres.
Aucune de ces trois personnes, même en tentant d’unir leurs efforts, ne parviendront à discerner l’objet.
En revanche, celui qui a une vue parfaite n’aura besoin de personne pour définir clairement l’objectif.
C’est le même phénomène que l’on observe dans l’histoire. Seuls des individus, qui sont parvenus à un niveau moral très élevé, pourront discerner les dangers que représente une certaine conduite pour la pérennité du peuple juif.
Ils ont développé cette capacité de voir l’avenir à son niveau le plus élevé.
C’est la raison pour laquelle les maîtres d’Israël sont appelés ‘les yeux de la communauté’ (eyné hakahal, Lévitique 4-13).
Au cœur de la perfection
La réponse de Rabbi Eleazar est: «Un bon cœur».
Nous citerons trois approches pour expliquer sa pensée.
Maïmonide commente: «Nous avons déjà expliqué dans le deuxième chapitre de notre introduction (intitulée «Les huit chapitres de Maïmonide, ndlr.), que les vertus liées au caractère (middoth) sont toutes issues de la partie de l’âme (néfech) que nous appelons ‘mitorer’, qui est à l’origine de toute sensation d’envie ou de dégoût.
Cette partie de l’âme, de l’avis de tous les philosophes et médecins se trouve dans le cœur de l’homme qui est son réceptacle (keli: littéralement, récipient).
(…) Un bon cœur signifie donc un équilibre parfait du caractère, ce qui implique la réunion de toutes les vertus précitées: l’appréciation de ce qui nous est donné par le Créateur, la volonté de se lier à de bons amis…
C’est pourquoi Rabban Yo’hanan préfère la réponse de rabbi Eléazar qui englobe toutes les autres.» (Maïmonide ibid.)
Le Sfornointerprète différemment: d’après lui, un bon cœur signifie l’intention profonde de l’homme, dans tous ses actes, de faire honneur au Créateur.
Un amour sans borne
Rabbénou Yona, pour sa part, toujours fidèle à son interprétation de la question de Rabban Yo’hanan, ne peut rejoindre Maïmonide.
En effet, selon lui, la question de Rabban Yo’hanan signifie qu’il faut trouver le trait de caractère auquel ont doit s’atteler pour en atteindre la perfection afin de pouvoir, par la suite, atteindre toutes les autres vertus.
Il n’est donc pas d’accord avec Maïmonide qui considère qu’un bon cœur signifie avoir acquis toutes les autres qualités, car pour Rabbénou Yona, Rabban Yo’hanan recherche une vertu qui serait la clef pour atteindre par la suite toutes les autres.
Il propose une autre interprétation du concept de ‘bon cœur’:
«Un bon cœur correspond à la qualité qu’est la volonté (ratson). La volonté permanente de faire le Bien. Elle s’exprime par une patience infinie. Celui qui l’acquiert devient patient: savlan
Savlan , littéralement signifie savoir s’abaisser, supporter. Ainsi on s’éloigne de la colère.
Le patient répond toujours avec douceur et constance, même à ceux qui lui porte préjudice. Il n’a jamais d’amertume à la bouche car:
«Son palais est douceur, tout en lui respire le charme» (Cantiques des Cantiques, 5-16)
Rabban Yo’hanan leur dit: «je préfère les paroles de rabbi Eléazar car elles englobent les vôtres».
Car celui qui a en lui ce trait de caractère est bon pour ses amis, pour ses voisins, et pour le monde entier.
Cela implique qu’il possède également la qualité de générosité (nédivout).
Car s’il cherche par tous les moyens à faire le Bien, à découvrir la volonté des autres pour l’accomplir, il sera bien évidemment généreux lorsqu’il s’agira de dons matériels.
Toutes les vertus se développeront chez une telle personne, car la volonté de faire le Bien, qui est ancrée dans son cœur, transcende ses actes.
Les actes ne sont qu’une fonction du corps, alors que la volonté de focaliser ses sens à la recherche de bonnes actions vient forcément d’une proximité et d’un amour sans borne pour le Créateur.» (Rabbénou Yona ibid.)
Rabbénou Yona nous dévoile dans ce passage un accès pour parvenir au perfectionnement du caractère:
«Son palais est douceur, tout en lui respire le charme»
Si cette attitude de patience et de douceur est une caractéristique constante, qui ne varie pas selon les situations ou les fréquentations, elle devient l’anti-chambre de toutes les vertus (middot tovot).
Cela est le signe que l’homme est parvenu à dominer l’élément le plus indomptable de sa personnalité: sa volonté personnelle (ratson) pour la conditionner et la faire correspondre strictement au désir du Créateur.
Décider de ne jamais se mettre en colère et accepter l’autre jusqu’à vouloir son bien, quel que soit son comportement est l’anti-chambre de la perfection (chlemout) dans toutes les vertus.
C’est à nous de focaliser nos efforts dans ce domaine, malgré les contingences et les tensions de la vie moderne, pour y découvrir notre vrai bonheur.
Il faut évidemment prendre garde à ne pas attendre des autres une telle recherche, mais travailler en nous-même cette vertu essentielle.
Chabbath Chalom