REEH

11 AOUT 2007 – 27 AV 5767

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Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser un Dvar Thora sur la paracha consacré à la bonne santé de TSION BEN YEHOUDA VEHANA.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Notre Institution a emménagé dans un nouveau bâtiment situé face au Mont HERZL où nous serons toujours heureux de vous accueillir ; ce bâtiment porte dorénavant le nom de BEIT YEHOUDA VEHANA au nom de la famille qui a contribué au financement de cette acquisition ; notre reconnaissance est infinie tant pour cette famille que pour tous nos généreux donateurs et amis.

Nous clôturons les inscriptions pour la prochaine session d'études débutant le 14 Août prochain. Nous y accueillerons 44 nouveaux élèves sélectionnés parmi des centaines de candidats. Nous aurons donc 180 élèves internes à la Yéchiva, et donc 210 personnes au Beth Hamidrach, avec les enseignants et étudiants externes. Nous grandissons grâce à votre aide : il y a neuf ans,nous étions9 !

Pour visualiser les photos de notre dernier gala à Paris et le film d'inauguration du bâtiment à Jérusalem vous pouvez cliquer sur le lien suivant :

http://www.daathaim.org/evenement/index.php

Ce Dvar Thora est diffusé pour la guérison (refoua chelema) du fils de

Rav Eliahou Elkaïm,

Haïm Yéhouda ben Mazaltov

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Chabat Chalom.

Rav Chalom Bettan


Amour vrai et faux prophètes

Cette semaine, la paracha traite du concept du faux prophète, "navi cheker". L’occasion de découvrir un nouveau message de la Thora et le moyen que la Thora nous révèle pour discerner la vérité parmi les mille facettes du mensonge …

« S’il s’élève au milieu de toi un prophète ou un visionnaire t’offrant pour caution un signe ou un miracle ; quand même s’accomplirait le signe ou le miracle qu’il t’a annoncé, en disant : ‘Suivons des dieux étrangers (que tu ne connais pas) et adorons-les.’

Tu n’écouteras pas les paroles de ce prophète ou de ce visionnaire ! car l’Eternel, votre D.ieu, vous met à l’épreuve, pour constater si vous l’aimez réellement, de tout votre cœur et de toute votre âme. (…)

Pour ce prophète ou ce visionnaire, il sera mis à mort, parce qu’il a prêché la révolte contre l’Eternel, votre D.ieu, qui vous a tiré du pays d’Egypte et racheté de la maison de servitude, voulant ainsi t’écarter de la voie que l’Eternel ton D.ieu t’a ordonné de suivre ; et tu extirperas le mal du milieu de toi. » (Deutéronome 13 ; 2, 3- 6).

Une épreuve surnaturelle

Rachi (13 ; 2) précise : « Si tu te poses la question : ‘Comment est-il possible que D.ieu ait accordé à cet homme le pouvoir de faire des miracles ?’ A cela, la Thora apporte elle-même la réponse un peu plus loin : ‘Car l’Eternel votre D.ieu vous met à l’épreuve.’ »

En réalité, Rachi a choisi ici l’une des deux opinions citées dans le Sifri et dans le Talmud (Sanhédrin 90 a). Voici ces deux thèses :

« Rabbi Yossi Hagalili dit : « Nous pouvons déceler de ces versets à quel point la Thora reconnaît l’existence des pouvoirs surnaturels que possèdent certains adorateurs d’idoles.

Ces derniers peuvent même parvenir à changer le cycle du soleil, de la lune, des étoiles et des signes du Zodiac.

Et c’est à ce sujet que la Thora nous met en garde en nous exhortant de ne pas les écouter, car ce n’est que pour nous mettre à l’épreuve que D.ieu leur a accordé des pouvoirs surnaturels. »

Mais Rabbi Akiba ne partage pas cette opinion : « ‘Has véchalom ! (Que D.ieu nous préserve !) Il est impensable que D.ieu permette d’arrêter le soleil et les astres pour des païens. La Thora parle ici d’un vrai prophète qui a transmis, dans le passé, la parole divine et a offert de véritables signes et miracles.

C’est ensuite qu’il a failli et qu’il est devenu un faux prophète comme l’exemple de Hanania ben Azour (Jérémie 28). »

Nous le voyons, ces deux opinions s’opposent.

Selon l’interprétation de Rabbi Akiva (reprise par le Roche, Rabbénou Acher dans son commentaire sur la Thora), la Thora nous parle ici d’un vrai prophète, mandaté dans le passé par D.ieu, et qui avait donc accompli de vrais miracles.

Grâce à la réputation qu’il s’est acquise par ces miracles, il vient aujourd’hui transmettre un nouveau message, celui d’adorer des idoles, message qu’il dit tenir de D.ieu. Et selon lui, c’est D.ieu Lui-même qui aurait conféré de son propre pouvoir à ces idoles.

La première opinion est toute autre : il s’agirait d’un homme qui, depuis le départ, prêche l’idolâtrie, en utilisant des miracles pour appuyer ses dires.

Mais assistons-nous à une discussion théorique sur les pouvoirs que possèdent ou ne possèdent pas les païens ?

Cela semblerait étonnant, dans la mesure où de nombreux textes racontent dans le détail les prouesses qui ont été accomplies par le biais des forces du mal.

Voler sans témoin

C’est le Netsiv dans son commentaire sur le Sifri qui va nous éclairer :

C’est à travers un texte du Talmud (Avoda Zara 55a) où le même Rabbi Akiba développe une nouvelle théorie, que nous pourrons comprendre ses paroles au sujet du faux prophète.

« Zounin (Rachi écrit qu’il était israélite) dit à Rabbi Akiba : ‘ Nous sommes tous les deux persuadés, dans le fond de notre cœur, que les idoles n’ont aucun pouvoir.

Toutefois, comment expliquer que certains malades vont au temple païen infirme et en reviennent guéris ?’

Rabbi Akiba lui répondit : ‘Je vais t’expliquer ce phénomène par une allégorie.

Il y avait dans une ville un homme de confiance chez qui l’on déposait de l’argent sans témoins.

Malgré cela, l’un des dépositaires avait l’habitude de prendre des témoins chaque fois qu’il venait déposer de l’argent.

Mais un jour, cet homme déposa de l’argent sans témoins.

La femme de cet homme de confiance, voyant qu’il y avait là une possibilité de voler le dépositaire, suggéra à son mari de nier qu’il y eut un dépôt d’argent fait par cet homme.

Il lui répliqua : « Le fait que ce sot ait oublié cette fois de prendre des témoins doit-il nous faire risquer de perdre la réputation de confiance que nous nous sommes acquis depuis toujours ?

De même, dit Rabbi Akiba, les maladies et les souffrances que D.ieu envoie à un homme doivent porter serment qu’elles ne l’atteindront qu’au jour et à l’heure fixés par le TOUT-PUISSANT, et qu’elles ne le quitteront qu’à l’instant précis, lui aussi fixé à l’avance, par l’intervention d’un médecin (dont le nom est déjà inscrit) ou grâce à un médicament (déjà prévu).

Evidemment, le repentir ou les prières peuvent changer les choses.

Arrive l’instant où justement la maladie doit quitter notre homme et il se trouve au temple des idoles.

Les souffrances et les maladies ne savent plus comment agir. D’un côté, elles rechignent à le libérer à cet instant. Mais après réflexion, elles parviennent à une autre conclusion :

‘Le fait que ce sot ait agit ainsi en allant dans ce temple doit-il entraîner que nous ne soyons pas fidèles à notre serment ?’

Cruelles et fidèles

C’est ainsi que Rabbi Yo’hanan expliquait le verset : « des maladies cruelles et persistantes (néémanim) » (Deutéronome 28 ; 59).

Il interprétait le mot néémanim, non pas dans le sens de persistantes mais dans celui de néémanout, fidélité. Ces maladies sont effectivement cruelles, mais elles sont aussi fidèles à leur serment.

Rava, fils de rav Itshak, demanda à Rav Yéhouda : « Il y a un temple païen dans notre ville et lorsqu’il y a la sécheresse, le dieu païen apparaît en rêve à ses adeptes, leur ordonnant de sacrifier un homme afin de déclencher les pluies.

Effectivement, après cette horrible cérémonie, la pluie commence à tomber !

« Comment expliquer cela ? »

Rabbi Yéhouda répondit par les paroles de Rav sur le verset : « Tu pourrais aussi porter tes regards vers le ciel et, en voyant le soleil, la lune, les étoiles, toute la milice céleste, tu pourrais te laisser induire à te prosterner devant eux et à les adorer ; or, c’est l’Eternel, ton D.ieu, qui les a donnés en partage (‘halak) à tous les peuples sous le ciel. » (Deutéronome 4 ; 19)

‘Halak, qui signifie donner en partage, est compris ici comme : induire en erreur.

D.ieu a suscité l’erreur pour que ceux qui cherchent à s’écarter de lui ait une occasion de chuter.

Car bien sûr, les pluies devaient tomber à cet instant, quoiqu’il en soit.

Le Talmud conclut par les paroles de Rèch Lakich sur le verset des Proverbes :

« Se trouve-t-Il en présence de railleurs, Il leur oppose la raillerie, mais Il accorde Sa bienveillance aux humbles. » (3 ; 34).

Celui qui veut se souiller par les fautes, on lui en donne la possibilité, et celui qui veut se purifier, il est aidé par le ciel. »

Prestidigitation ?

Ces deux approches analysent de façon différente les phénomènes surnaturels qui avaient lieu dans les civilisations païennes.

Rabbi Akiva refuse d’admettre que les forces du mal possèdent des pouvoirs qui dépassent la simple prestidigitation. Selon lui, il est impossible que D.ieu ait conféré à ses détracteurs de tels outils.

C’est D.ieu qui fait correspondre certains moments spéciaux avec d’autres, dans le but de mettre l’homme à l’épreuve pour éprouver son attachement envers son Créateur.

Rabbi Yossi Hagalili voit, au contraire, dans les mots de notre paracha, la preuve que D.ieu donne aux idolâtres des moyens surnaturels, par le biais des forces du mal. Et cela dans le but d’élever le peuple d’Israël, s’il sort vainqueur de cette épreuve de foi.

Il est important de préciser que nos maîtres (cf. Nahmanide ad hoc) nous ont appris que les faux prophètes ne vont pas seulement tenter de nous amener à l’idolâtrie.

En effet, toute personne, qui se dit porteuse de la parole divine, et qui fait une déclaration cherchant à changer une seule des lois de la Thora, entre dans la catégorie du faux prophète, avec tout ce que cela implique.

Cette loi est absolue, à l’exception d’un prophète reconnu qui veut changer une mitsva ou une interdiction au nom de D.ieu (mise à part celle de l’idolâtrie), pour un moment circonscrit dans le temps. C’est ce qu’on appelle Horaat Chaa.

Quel est le sens de cette épreuve ? Et pourquoi D.ieu a-t-il besoin de vérifier notre foi, Lui qui connaît les sentiments du cœur et qui lit les pensées des hommes ?

Enfin, comment peut-on espérer que l’homme puisse discerner la vérité si on lui montre des phénomènes surnaturels qui appuient le message du faux prophète ?

La réponse à ces multiples questions se trouve dans les mots du verset.

Cette épreuve est là pour tester le niveau de notre amour pour D.ieu. Et le Sforno ajoute :

Un amour qui se manifeste de façon active, dépassant le stade latent, entraînera une manifestation de D.ieu au même niveau : la bonté divine s’exprimera par une abondance de Ses bienfaits.

Pour toutes les générations

Mais pourquoi le verset parle-t-il d’amour et non de crainte ?

C’est que celui qui craint D.ieu sans l’aimer véritablement ne pourra surmonter l’épreuve.

L’intellect seul sera vite convaincu par les « preuves » du faux prophète.

C’est seulement un sentiment d’amour qui permettra de discerner, malgré des preuves à priori irréfutables, malgré des concours de circonstances troublants, que le message du faux prophète est en contradiction avec le message du Sinaï.

Citons à ce sujet les mots de Maïmonide dans Le guide des égarés, cités par Nahmanide sur le verset :

« Moïse répondit au peuple : Soyez sans crainte ! C’est pour vous mettre (dans le sens de préparer) à l’épreuve que le Seigneur s’est dévoilé (…).» (Nombres 20 ; 17)

Maïmonide comprend l’expression « vous mettre à l’épreuve », comme « vous préparer à l’épreuve ». Et il poursuit :

« N’ayez crainte, leur dit Moïse, car ce que vous avez vu servira pour le moment où D.ieu vous mettra à l’épreuve, pour vérifier l’intensité de votre foi, et qu’il vous enverra un faux prophète qui contredira ce que vous avez vu.

Cela afin que vous ne vous trompiez jamais et ne quittiez jamais la vérité que vous avez vu de vos propres yeux. » (Guide des égarés 3 ; 24).

Maïmonide apporte ici une vision tout à fait nouvelle de la révélation Sinaïtique.

Il nous fait remarquer que Moïse considère la préparation du peuple juif face aux futures épreuves des faux prophètes, comme l’un des buts principaux de la révélation du Sinaï.

Et cette perception des choses concerne tous les Juifs, à toutes les époques.

Car, comme le précise le Steipler (Rabbi Yaacov Israël Kanievski zatsal) dans son ouvrage « Hayé Olam » (2ème partie chapitre 7), après la destruction du temple, les phénomènes de la prophétie et les faux prophètes ont pratiquement disparus. Mais c’est sous d’autres formes que l’épreuve se présentera dans les générations qui suivent.

Récemment, on a vu les arguments de ceux qui veulent éloigner les Juifs de leur Thora :

· La réussite matérielle, qui justifie l’abandon de pratiques inutiles au rendement.

La volonté d’être « dans le vent », qui s’appuie sur le progrès pour affirmer que la Thora est dépassée, et qu’il faudrait changer son essence pour la rendre plus « actuelle » !

Le seul remède, pour se préserver de ces idées faussement séduisantes, reste et restera toujours de développer en soi l’amour pour D.ieu. C’est seulement à travers cet amour que l’on pourra discerner le mensonge de la vérité absolue, telle que nous l’avons vue au mont Sinaï.

Comment éveiller cet amour ? Et comment la Thora peut-elle nous adresser l’ordre d’aimer D.ieu ?

« Tu aimeras l’Eternel, ton D.ieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir » (Deutéronome 6 ; 6).

Peut-on fabriquer des sentiments ?

Une nécessité absolue

Le Sifri nous éclaire à ce sujet : C’est à travers l’étude de la Thora, et donc en se rapprochant de la « pensée » et de la volonté de D.ieu, et en cherchant à Le connaître, que l’on parviendra à l’aimer.

Maïmonide cite un deuxième moyen : c’est en observant les merveilles de la création et en approfondissant la science divine qui se cache notamment derrière le monde des astres que l’on fera naître des sentiments de reconnaissance et d’amour vis à vis du Créateur.

La Thora nous dévoile ici le seul moyen pour ne jamais se tromper face au mensonge : éveiller en soi l’amour pour D.ieu.

Et les épreuves qui nous rendent la tâche difficile pour discerner la vérité font partie de notre existence même, elles sont une nécessité absolue, au point d’avoir été la raison d’être de la révélation au mont Sinaï.

Il faut éveiller notre conscience à cette réalité et pouvoir ainsi assumer notre rôle de nation élue à tout jamais.