PARACHAT BAMIDBAR

19 MAI 2007 – 2 SIVAN 5767 photo

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser un Dvar Thora sur la paracha de la semaine consacré au mariage de

HANANIA JONATHAN THABAUT & RIVKA GABRIELLE LANCRY

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Cette année, notre Institution a emménagé dans un nouveau bâtiment, qui porte dorénavant le nom de BEIT YEHOUDA VEHANA au nom de la famille qui a contribué au financement de cette acquisition ; notre reconnaissance est infinie tant pour cette famille que pour tous nos généreux donateurs et amis.

Le bâtiment est situé face au Mont HERZL et nous serons toujours heureux de pouvoir vous y accueillir avec les 18 enseignants, les 10 avrehim et les 153 étudiants.

Ce Dvar Thora est diffusé pour la guérison (refoua chelema) du fils de

Rav Eliahou Elkaïm,

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbat Chalom,

Rav Chalom Bettan


Apprendre à se connaître…

et découvrir son vrai rôle

Par le Rav Eliahou ELKAIM

Par la description du recensement qui eut lieu dans le désert, nous avons la possibilité de comprendre le rôle du peuple juif et par-là, d’accéder à une connaissance plus intime de soi-même…

La première paracha du livre des Nombres, Bamidbar, que nous lisons cette semaine, débute par l’ordre divin de recenser le peuple d’Israël, dès son entrée dans le désert.

Un deuxième recensement, qui figure dans la paracha de Pinhas, aura lieu à la fin du périple dans le désert, après le fléau qui frappa la communauté d’Israël, conséquence de la faute d’une partie du peuple qui fut séduit par les filles de Moab.

Dans le Talmud et dans les Midrachim, le livre de Bamidbar est d’ailleurs appelé « Le livre des recensements » (‘Houmach hapekoudim).

Cela laisse supposer que pour nos maîtres, l’essence même du livre de Bamidbar réside dans cette notion.

Mais pourquoi accorder une place tellement importante à des procédures qui paraissent essentiellement techniques ?

Cela paraît d’autant plus étonnant que la Thora, si concise sur des sujets fondamentaux, s’attache à décrire en détail, au risque de se répéter, les chiffres de ce recensement. Ces chiffres sont cités pour chaque tribu, mais aussi pour les quatre camps qui se trouvaient autour du Tabernacle, et enfin pour le chiffre total de la communauté dans son ensemble.

L’emplacement des différentes tribus dans le campement et l’ordre divin adressé à chaque tribu de déployer des bannières, fait aussi l’objet d’une description détaillée.

Derrière ces procédures administratives, il semble donc que se cache un sens profond qui transcende la simple arithmétique.

A travers les écrits de nos Maîtres tentons de découvrir la signification véritable de ces recensements et de tirer ainsi des enseignements qui nous concernent dans notre propre génération.

Penchons-nous dans un premier temps sur l’aspect étymologique.

Double sens

Le mot « pekoudim », traduit généralement par « recensement », a un double sens.

En effet, « compter » est traduit en hébreu par « lispor », alors que le mot « pekoudim » est utilisé également pour définir une fonction.

Au début de la Méguila d’Esther (2 ; 3), le même terme est utilisé : « Yafked Hamele’h pekidim… » :

« Et que le Roi institue des fonctionnaires dans toutes les provinces de son royaume, chargés de rassembler toutes les jeunes filles vierges… »

Dans ce cas, on ne parle pas de recensement, ni de compte, mais de placer un homme dans une fonction.

Le recensement représentait aussi une investiture de chaque individu dans sa fonction particulière au sein de la communauté d’Israël, que ce soit dans le cadre de la famille, de la tribu ou du camp.

Dans son commentaire sur les deux versets 1 ; 3 et 1 ; 45 (Nombres), Nahmanide exprime une idée similaire.

1- « Le sens du terme « pekida » est « hachga’ha » : rappel de la providence, comme l’exprime le verset : ‘Or, l’Eternel s’était souvenu (pakad) de Sara, comme Il l’avait dit.’ » (Genèse 21 ; 1)

2- « Celui qui venait se faire recenser par le père des prophètes et par son frère le Grand Prêtre, présentant son identité devant eux, avait un mérite de vie. Car Moïse et Aharon maîtrisaient le secret des âmes et de la collectivité ; par ce contact direct, chacun obtenait leur attention pour qu’ils intercèdent en leur faveur auprès de D.ieu, et les fassent jouir de la miséricorde divine. »

On le voit, ce recensement dépasse les contingences administratives et à ce sujet, il est intéressant de mentionner le Gaon de Vilna (Biour Hagra – Proverbes 16 ; 4)

D’après lui, le rôle du prophète n’est pas seulement de transmettre le message divin à la communauté : il lui incombe également de le faire pour chaque individu.

« Au moment où la prophétie était présente au sein d’Israël, chacun allait consulter le prophète, qui avait la capacité de discerner les aptitudes cachées de l’âme et de lui définir la mission particulière à remplir dans ce monde.

C’était une opportunité exceptionnelle, offerte à tous, de connaître sa mission et d’être suivi dans son accomplissement.

Et l’on sait, texte à l’appui, que cette opportunité était saisie par tous les Juifs, très régulièrement.

Au sujet de la Sunamite : « Elle manda son époux et lui dit : ‘Envoie-moi je te prie un serviteur avec une ânesse. Je cours chez l’homme de D.ieu (Elysée) et je reviens.»

Il répondit : « Pourquoi vas-tu chez lui aujourd’hui ? Il n’y a point de néoménie, point de fête. » (Rois 4 ; 22, 23)

On le voit, il était de coutume de se rendre chez le prophète à des occasions régulières.

Le recensement auprès de Moïse et d’Aaron comportait bien évidemment cet aspect fondamental : découvrir la mission de chaque individu dans sa vie personnelle et communautaire.

Il s’agit donc d’une véritable investiture, et là se trouve le sens véritable de cette « pekida»

L’arbre et les âmes

Pour bien comprendre l’enjeu de ce recensement, il nous faut situer la génération du désert (Dor hamidbar) dans son contexte historique.

Le Ramhal, dans « Dére’h Hachem (partie 2, chapitre 4, paragraphe 5) nous donne des éléments précieux pour comprendre l’Histoire d’Israël.

« Les soixante myriades d’enfants d’Israël (une myriade représentant 10000 personnes, il s’agit donc ici de 600 000 personnes), qui sont sorties d’Egypte représentent l’image finale de l’arbre d’Abraham et toutes les âmes du peuple d’Israël jusqu’à la fin des temps seront des émanations de ces 600 000 racines. »

Pour mieux comprendre ce texte, il faut davantage pénétrer la pensée du maître.

Après Adam, D.ieu a choisi l’âme qui allait «englober» toutes les âmes à venir du peuple élu. Et ce fut Avraham qui fut cet homme. A partir de lui, et jusqu’à Mathan Thora, se sont développées des «racines d’âmes ».

Après Mathan Thora, la révélation au mont Sinaï, ces 600 000 racines d’âmes vont donner naissance à toutes les âmes qui vont exister jusqu’à la fin des temps. Ces âmes à venir sont des émanations de ces âmes de départ, et ne sont pas des racines.

Rabbi Zadoc Hacohen de Lublin dans « Israël Kedochim » (chapitre 5), complète cette explication.

Il rapporte, au nom de ses maîtres, l’interprétation du verset :

« Ainsi devint-il roi de Yéchouroun, les chefs du peuple étant réunis, les tribus d’Israël unanimes. » (Deutéronome 33 ; 5)

« Quand on dit les chefs du peuple, il ne s’agit pas d’une partie de la communauté, mais de la génération du désert tout entière. La Thora les appelle tous des chefs de peuple, car tous les membres de cette génération (en fait, leurs âmes) seront par la suite les âmes des dirigeants des générations à venir. Car l’âme du plus simple des membres de cette génération sera réincarnée (guilgoul) dans l’âme d’un des dirigeants spirituels d’une des générations à venir.

Il n’y aura pas, et ce jusqu’à la fin des temps, de génération qui atteindra le niveau moral et spirituel des enfants d’Israël dans le désert. »

La lutte de l’esprit

Le périple dans le désert est présenté dans le Zohar (cf. Chem Michmouel Bamidbar année 5670) dans une perspective très particulière, qui va venir préciser le rôle des Juifs…

« Et aussi dans le désert où tu as vu l’Eternel. » (Deutéronome 1 ; 31).

Que signifie « Tu as vu ? »

C’est que l’Eternel a mené Israël vers le désert le plus aride de tous les déserts, comme il est écrit : « Qui t’a conduit à travers ce vaste et redoutable désert, plein de serpents venimeux et de scorpions… » (Deutéronome 8 ; 15)

Pourquoi une décision apparemment si cruelle ?

Au moment où le peuple juif sort d’Egypte, atteignant la dimension de nation, comptant soixante myriades, le royaume céleste s’est renforcé et déployé partout, la lune s’est éclairée et le royaume du mal s’est affaibli. C’est alors que D.ieu a mené Israël vers le désert, lieu où les forces du mal ont le plus d’emprise.

Elles sont sur leur terrain propre.

Le but était de briser cette emprise et d’affaiblir ces forces.

Le peuple juif « a vu » sa mission, mission très particulière, de la génération du désert dans son ensemble, qui consistait en une lutte de l’esprit d’une envergure et d’une importance sans précédent.

Même si nos maîtres ne nous ont dévoilé qu’un aperçu de cette lutte, les mots du Zohar sont évocateurs.

Au vu de l’enjeu de cette mission collective, nous pouvons mieux comprendre l’importance du rôle de chaque individu, et de ce fait, le sens profond de cette pekida.

Et c’est dans ce sens que nous devons comprendre l’ordre concernant les degalim, drapeaux ou bannières que devait arborer chaque tribu.

Un amour tout particulier

« Chacun sous sa bannière d’après les signes de la maison paternelle, ainsi camperont les enfants d’Israël » (Nombres 2 ; 1)

Le Midrash, au sujet de ce verset, se réfère à un autre verset, tiré des Psaumes :

« Nous allons célébrer Ta victoire, arborer comme un drapeau le Nom de notre D.ieu. » (20 ; 6)

C’est que D.ieu a mis Son Nom sur le nôtre, et nous a fixé des bannières, comme il est écrit « chacun sous sa bannière » (Nombres 2, 2) : « C’est un amour tout particulier que D.ieu a manifesté au peuple d’Israël en leur accordant des bannières, comme Il l’a fait pour les anges, afin qu’ils soient particularisés. »

« Il m’a conduite dans le cellier et sa bannière qu’il a étendue sur moi, c’est l’amour. » (Cantique des Cantiques 2 ; 4)

Lorsque D.ieu s’est révélé au Mont Sinaï, vingt-deux myriades d’anges sont descendues avec Lui.

Et chaque ange portait une bannière différente.

Lorsque le peuple d’Israël eut cette vision, il exprima le désir de posséder lui aussi des bannières… Et l’Eternel exauça leur désir, comme il est écrit : « chacun sous sa bannière »

Les Nations vont essayer de séduire le peuple d’Israël en lui disant : « Assimilez-vous, venez parmi nous, soyez comme nous et nous vous nommerons dirigeants, vous ferez partie de notre élite, de notre aristocratie. »

Alors, le peuple d’Israël leur répondra : « Quelle grandeur pouvez-vous nous apporter, comparée aux bannières que D.ieu nous a donné dans le désert ? » (Bamidbar Rabba 2, 4)

Mais pourquoi le peuple juif a-t-il ressenti le besoin de posséder des bannières, à quoi servent-elles, et pourquoi D.ieu leur accorda-t-Il ce mérite ?

Rabbi Yérou’ham, de Mir, comprend ce Midrash dans le même ordre d’idée que celui que nous avons développé plus haut.

Les anges sont ornés de bannières pour exprimer leur particularisme. La mission de chaque ange n’interférera jamais avec celle d’un autre. Chaque ange a été créé avec les aptitudes nécessaires à sa mission particulière, qui le singularise parmi les myriades d’autres anges.

C’est ainsi que l’on peut comprendre le sens des bannières que les tribus d’Israël arboraient dans le désert : ces drapeaux particularisaient chaque tribu en fonction de la mission spirituelle qui était la sienne.

C’est une notion tout à fait différente des autres nations du monde qui sont pourtant également représentées par des drapeaux.

Les drapeaux que les nations se sont choisies pour les symboliser ne sont qu’un élément matériel, technique, vide de sens. Ils font parfois référence à un événement historique ou un élément folklorique. Mais ils n’ont aucun sens spirituel.

A l’inverse, les degalim incarnent la marque divine qui fixe le rôle de chaque tribu d’Israël et la particularise au sein de la communauté.

« Je t’ai connu par ton nom… »

Le Sforno nous permet d’aller encore un peu plus loin dans cette idée grâce à son commentaire sur l’expression « dénombrement nominal » (Nombres 1 ; 2)

«Car chaque individu de cette génération était représenté par son nom, qui incarnait sa stature morale, car le niveau était très élevé. Comme il est écrit au sujet de Moïse : «Je t’ai connu par ton nom» (Exode 33 ; 17)

Aujourd’hui, seules certaines personnes sont réellement représentées par leur nom.

Il en est ainsi des grands de notre génération.

Si l’on parle du Ben Ich Haï, du ‘Hafets ‘Haïm ou du ‘Hazon Ich, la simple évocation de leur nom nous impressionne et évoque leur grandeur, leur sagesse, leur particularisme.

A notre époque, seuls quelques géants ont ce mérite, mais au moment du périple dans le désert, chaque individu était placé à ce niveau.

Même si nous sommes très loin du niveau moral et de la mission qui était celle de la génération du désert, la Thora nous révèle, par ce récit, la valeur et la particularité de chaque membre du peuple d’Israël, et cela à tout jamais.

Cette idée est exprimée par le Ramhal dans « Le sentier de rectitude » (chapitre 1) : notre rôle à tous est de découvrir quel est notre devoir, chacun « dans son monde » (‘Hovato beolamo)

Car chacun possède son monde. Dans la mesure où notre mission ne peut interférer avec la mission d’un autre, on peut considérer que nous avons chacun notre monde.

Nous sommes les seuls à pouvoir accomplir la mission qui nous a été assigné par D.ieu.

Le Gaon de Vilna précise que, même si nous n’avons plus le mérite de pouvoir nous présenter devant le prophète, D.ieu nous a donné une chance immense pour découvrir notre mission sur terre :

Celui qui s’attache à l’étude de la Thora et à la pratique des mitsvoth avec sincérité pourra se découvrir et ressentir par lui-même quel est son rôle particulier, unique dans ce monde.

C’est, dans notre génération, l’opportunité de connaître la mission que nous devons accomplir. Notre tafkid, notre pekida.