Parachat BEAALOTEKHA

2 JUIN 2007 – 15 SIVAN 5767 photo

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser un Dvar Thora sur la Paracha de la semaine que nous consacrons à la mémoire d'EYTAN.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Cette année, notre Institution a emménagé dans un nouveau bâtiment, qui porte dorénavant le nom de BEIT YEHOUDA VEHANA au nom de la famille qui a contribué au financement de cette acquisition ; notre reconnaissance est infinie tant pour cette famille que pour tous nos généreux donateurs et amis.

Le bâtiment est situé face au Mont HERZL et nous serons toujours heureux de pouvoir vous y accueillir avec les 18 enseignants, les 10 avrehim et les 153 étudiants.

Pour visualiser les photos et le film d'inauguration du bâtiment à Jérusalem vous pouvez cliquer sur le lien suivant :

http://www.daathaim.org/evenement/index.php

Ce Dvar Thora est diffusé pour la guérison (refoua chelema) du fils de Rav Eliahou Elkaïm,

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabat Chalom,

Rav Chalom Bettan


La Lettre et l’Esprit

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Des actions décrites dans un ordre précis, l’enchâssement de deux versets…

Grâce à des détails qui peuvent passer inaperçus, on découvre cette semaine la passion des Juifs pour leur mission…

Après le recensement du peuple d’Israël et les ordres divins concernant la structure du campement dans le désert au début de Bamidbar, la Paracha de Behaalote’ha nous raconte des événements qui se sont produits pendant cette période.

Nos maîtres (cf. Rachi et Nahmanide, Nombres 9 ; 1) font remarquer que ces événements ne sont pas toujours cités d’après l’ordre chronologique.

Le Sforno, lui, voit dans l’ordre que la Thora a choisi pour décrire ces événements un sens très précis (Nombres 9 ;1)

Vu l’importance de ce commentaire, nous le citons in extenso.

« La Thora commence par le recensement des hommes aptes au service, suivi de la structuration du camp et des bannières, pour ensuite fixer le rôle de ceux qui vont transporter le Tabernacle.

Entrée immédiate

Nous trouvons ensuite l’ordre divin d’éloigner les personnes impures du camp, ainsi que la Paracha de « la femme Sota », la femme infidèle. Tout cela va permettre l’accomplissement du but final : « ton camp sera saint » et c’est ainsi que la « Chehina », la présence divine, pourra résider parmi le peuple juif.

La Thora cite ensuite quatre des actions effectuées par le peuple d’Israël, et mentionne le mérite que ces actes auraient dû permettre : l’entrée immédiate en Terre de Canaan, sans guerre de conquête.

C’est d’ailleurs ce que Moïse dit à Yitro, que la Thora appelle par son deuxième nom.

« Moïse dit à Hobab, fils de Reouel le Midianite, beau-père de Moïse :

‘Nous partons pour la contrée dont l’Eternel a dit : ‘C’est celle que Je vous donne’ » (Nombres 10-29) pour préciser ensuite :

« Or, lorsque l’arche partait, Moïse disait : « lève-toi, Eternel ! Afin que Tes ennemis soient dispersés et que Tes adversaires fuient de devant Ta face»

(Nombres 10-35)

Le Sforno, ad hoc, explique que ce verset exprime le plan divin initial qui prévoyait la fuite de toutes les peuplades de Canaan devant l’arche sainte et la communauté d’Israël, et cela sans aucune résistance.

Ce plan merveilleux va être bouleversé après la faute des « Meraglim », les Explorateurs envoyés par Moïse, qui vont médire sur la terre promise, décourageant le peuple d’Israël, leur faisant croire que la conquête de la terre de Canaan n’est pas à leur portée.

Le Sforno énumère ensuite les quatre actions qui auraient dû permettre l’entrée en terre de Canaan :

1) L’inauguration de l’Autel par les offrandes des Princes

2) L’empressement du peuple d’Israël à consacrer les Lévites au service divin

3) L’empressement du peuple à accomplir l’ordre divin du sacrifice pascal

4) La disposition du peuple à suivre Hachem selon les déplacements de la nuée dans le désert, malgré les désagréments que cela pouvait causer : un déplacement de plusieurs millions de personnes de façon inopinée, l’irrégularité de ces déplacements, et l’impossibilité de prévoir à l’avance quand ils auraient lieu.

D’après lui, l’ordre des événements tel qu’il est cité par la Thora s’explique par l’importance et la valeur respective de chaque action. C’est la raison pour laquelle l’ordre chronologique proprement dit n’est pas respecté.

Nous allons essayer de dégager le sens véritable du troisième mérite cité par le Sforno, celui du zèle à accomplir l’ordre divin du sacrifice pascal.

Force majeure

En réalité, ce mérite semble peu important lorsqu’il est comparé aux efforts que le peuple d’Israël devait fournir dans les trois autres actions.

Qu’y a-t-il de particulier dans l’accomplissement de cet ordre, qui puisse le hausser à un tel niveau ?

En effet, ce mérite est situé avant celui d’avoir suivi la nuée sans hésitations, alors même que cela entraînait des désagréments, action qui a précédé dans le temps celle du sacrifice pascal.

D’après le principe du Sforno, cela signifie que la valeur de ce mérite dépasse celle du suivant.

Comment comprendre cette idée qui paraît a priori étonnante ?

En réalité, une étude approfondie des textes va nous faire découvrir une nouvelle dimension de la volonté des Juifs.

L’accomplissement de l’ordre divin concernant l’agneau pascal est suivi par un texte étonnant :

« Or, il y eut des hommes qui se trouvaient souillés par des cadavres humains, et qui ne purent faire la Pâque ce jour-là. Ils se présentèrent devant Moïse et devant Aharon, ce même jour. Et ces hommes lui dirent : ‘Nous sommes souillés par des cadavres humains, mais serons nous privés d’offrir le sacrifice du Seigneur en son temps, seuls entre les enfants d’Israël ?’ Moïse leur répondit : ‘Attendez que j’apprenne ce que l’Eternel statuera à votre égard’.»

C’est alors que D. va leur dévoiler la possibilité pour celui qui était impur ou se trouvait sur une route éloignée le 14 Nissan (jour de Pessa’h), d’offrir le sacrifice pascal le 14 Iyar. C’est ce qu’on appelle « Pessa’h Cheni »

A priori, la revendication de ces hommes est incompréhensible. D’après nos maîtres, ces hommes étaient ceux qui transportaient le cercueil de Joseph et étaient donc en situation de force majeure absolue.

Des hommes purs

Ils étaient occupés à accomplir une autre mitsva et étaient donc exemptés de celle de l’agneau pascal, qu’ils ne pouvaient accomplir vu leur état d’impureté :

Par exemple, un malade qui n’a pas pu manger de la matsa le soir du Séder aurait-il l’idée de venir réclamer une deuxième occasion pour accomplir cette mitsva ?

Plus encore, nos maîtres rapportent un long débat hala’hique entre ces hommes et Moïse.

Ils soutiennent leur position alors qu’ils sont pourtant exemptés de cette mitsva, vu leur situation.

Le Sifri conclut leur discussion par une phrase : « Ces hommes étaient purs et attentifs aux mitsvoth»

Une nouvelle dimension se dévoile ici au sein d’Israël. Une soif intarissable de mitsvoth, dont l’origine est l’appréciation véritable de la valeur de chaque accomplissement de l’ordre divin.

Celui qui comprend véritablement l’enjeu d’une mitsva, et dont l’âme est pure, ne peut supporter l’idée de ne pas avoir pu accomplir un ordre même pour des raisons tout à fait valables.

C’est cet état d’esprit qui prévalait au sein d’Israël et c’est lui qui est considéré par le Sforno comme l’un des mérites-clefs qui devaient permettre leur entrée en terre d’Israël directement.

C’est d’ailleurs ce qui a fait mériter à ces hommes d’être ceux qui ont permis de dévoiler une nouvelle mitsva de la Thora, celle de Pessa’h Chéni.

Comme un enfant qui sort de l’école

La deuxième partie de la Paracha nous présente deux des premières défaillances du peuple d’Israël. Et c’est aussi dans la perspective de nos Maîtres que nous pouvons comprendre l’extrême sévérité avec laquelle la Thora considère ces erreurs.

La première défaillance est dévoilée par nos Maîtres dans le Talmud (Chabat 116) : « Et ils quittèrent le Mont de l’Eternel » (Nombres 10-22)

Rabbi ‘Hanna fils de Rabbi ‘Hanina dit qu’ils se sont écartés de D.ieu. Cela est précisé par le Midrach, cité par les Tossafot (ad hoc)

« Ils fuirent l’Eternel, trois jours de chemin, comme un enfant qui sort de l’école en courant, heureux d’être débarrassé du fardeau de l’étude.»

La deuxième défaillance est celle des Miteonenim, ceux qui se sont plaints (Nombre 11-1)

Le Talmud ajoute que les deux versets : « Or, lorsque l’arche partait, Moïse disait : « lève-toi, Eternel ! Afin que Tes ennemis soient dispersés et que Tes adversaires fuient de devant Ta face ! Et lorsqu’elle faisait halte, ils disaient : ‘Reviens siéger, Eternel, parmi les myriades des familles d’israël’. » (Nombres 10-35 ; 36), qui sont entourés de deux lettres de Noun, la deuxième écrite à l’envers, ne sont pas inscrits à leur place.

Ces deux Noun viennent exprimer un genre de crochet.

Ces versets ont en fait été intercalés au milieu de cette Paracha pour marquer une interruption entre ces deux défaillances, passibles de châtiment, pour séparer une faute de l’autre.

A nouveau, une lecture superficielle de ces textes nous laisse perplexes.

Quels sont les griefs si graves que l’on reproche au peuple d’Israël ?

Et en quoi le fait d’intercaler un passage d’une autre paracha va arranger les choses ?

Plus encore que la première défaillance, la deuxième citée paraît incompréhensible et le châtiment sans proportion :

« Le peuple affecta de se plaindre amèrement aux oreilles du Seigneur. D.ieu l’entendit et Sa colère s’enflamma, le feu de l’Eternel sévit parmi eux, et déjà il dévorait les dernières lignes du camp » (Nombres 11-1)

De quelle plainte s’agit-il ?

Rachi précise que certains cherchaient un prétexte pour se séparer de D.ieu, afin qu’il entende ce prétexte, alila, et que cela L’irrite.

Le peuple se dit : « Malheur à nous, combien nous sommes-nous fatigués sur ce chemin, sans pouvoir nous reposer pendant trois jours de la fatigue de la marche»

Qu’est-ce qui nous fait croire que telle était leur intention ?

Plus encore, le mot alila est en général employé pour exprimer une accusation sans aucun fondement qui cache une animosité profonde.

L’accusation des chrétiens que les Juifs utilisaient du sang chrétien pour la confection de la matsa est appelée dans les textes alilath dam.

Imaginons, comme nous le fait remarquer Rabbi Yerouham de Mir, un étudiant qui quitte son pays pour aller étudier la Thora à l’étranger ; à l’arrivée d’un long et pénible voyage, il raconte à ses amis à quel point ce trajet était éprouvant.

Est-ce que nous le considérons comme un homme cherchant un prétexte pour fuir D.ieu et susciter son courroux ?

La même difficulté concerne l’accusation : ils fuirent D.ieu comme un enfant qui sort de l’école.

Ont-ils quitté le Mont Sinaï de leur propre initiative ? Les versets sont clairs : c’est sur l’ordre formel de Moïse qu’ils l’ont fait.

Sensation de déchirement

C’est que la Thora nous dévoile ici un élément nouveau. Après la révélation sinaïtique et la proximité divine durant près de douze mois, leurs plus profonds sentiments au moment de quitter la Montagne de l’Eternel auraient dû être une sensation de déchirement.

Le sentiment même le plus subtil de soulagement est vu par nos Maîtres comme une fuite.

Le même raisonnement s’applique pour les plaintes concernant la difficulté de la route. Car on le comprend, celui à qui l’on a promis une mine d’or ne ressent pas la sensation de la fatigue.

Pouvoir seulement exprimer un soupir sur la difficulté du chemin signifie que le Peuple d’Israël a failli dans son appréciation véritable de la proximité divine et de l’envergure extraordinaire de leur prochaine entrée en Terre sainte.

Après la Révélation, ce soupir est déjà considéré comme une faute très grave qui cache une mauvaise appréciation de ce que D.ieu va leur accorder : c’est aussi une alila.

La signification du verset enchâssé au milieu de la Paracha est la suivante : la miséricorde divine a voulu considérer ces deux fautes comme des incidents distincts qui ne sont pas en rapport l’un avec l’autre.

L’accusation aurait été beaucoup plus grave si le lien avait été fait entre les deux. Cela aurait pu être considéré comme une ligne de conduite fixe, et aurait gravement entravé le plan divin qui destinait le peuple d’Israël à entrer directement en Erets Israël, même avant la faute des explorateurs.

Si la Thora a cru nécessaire de nous dévoiler ces enseignements, c’est que même à notre niveau, on doit se faire un devoir de ressentir profondément l’accomplissement des mitsvoth et le joug de la Thora, comme l’on fait ceux qui vinrent réclamer à Moïse la possibilité d’offrir le sacrifice pascal.

Etre toujours à l’opposé de celui qui quitte les lieux du service divin comme un enfant qui sort de l’école précipitamment, heureux d’être enfin débarrassé du joug de l’étude. Grâce à cette Paracha, nous prenons mieux la mesure de la lettre et de l’esprit.


L’HARMONIE, OBJECTIF SUBLIME

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Un commandement apparemment ésotérique va nous amener à une leçon de vie particulièrement pertinente. L’occasion aussi de comprendre l’attitude de Jacob envers Rahel et Léa…

Notre paracha commence par l’ordre divin adressé à Aaron concernant l’allumage du candélabre.

Cet ordre est suivi par celui de la consécration des Lévites.

Ces derniers devaient d’abord être purifiés, pour ensuite apporter une offrande, et recevoir l’apposition des mains par le peuple juif.

A la suite de cela, Aaron devait opérait une vacillation (tenoufa), qui consistait à soulever le Lévite, et le diriger dans des sens différents.

Après ce processus, chacun des Lévites était investi du service divin.

« Tu distingueras ainsi les Lévites entre les enfants d’Israël, de sorte que les Lévites soient à Moi » (Nombres 8 ; 14)

Concrètement, pendant cette vacillation, Aaron devait soulever chacun des Lévite, ce qui représentait vingt-deux mille personnes en un seul jour.

Hormis le miracle, quel est le sens de cette action pour le moins ésotérique ?

La question est d’autant plus forte que la Thora semble accorder une importance très particulière à ce commandement puisque le texte biblique, si concis à l’habitude, répète cet ordre à trois reprises.

«Et Aaron opérera la vacillation des Lévites devant le Seigneur»(Nombres 8 ; 11)

« Puis tu placeras les Lévites en présence d’Aaron et de ses fils, et tu opéreras leur vacillation à l’intention du Seigneur » (Nombre 8 ; 13).

« Alors seulement les Lévites seront admis à desservir la tente d’assignation ; avant, tu les auras purifié et tu auras procédé à leur vacillation » (Nombres 8 ; 15).

D’après Rachi (8 ; 11), à chaque fois qu’il est question de ces vacillations, cela concerne une famille de Lévy différente.

Les pensées d’Aaron

Le premier verset concerne Kehat. On le remarque, il conclut par les mots : « (…) pour qu’ils soient consacrés au service du Seigneur ».

C’est une allusion au rôle des enfants de Kehat qui devaient porter les objets les plus saints du Tabernacle, notamment l’Arche, la table et le candélabre.

Le deuxième verset concerne Guershon, dont les descendants avaient aussi un rôle dans le transport du Tabernacle. Mais ces derniers devaient transporter des éléments (comme les rideaux, les tentures…) qui n’atteignaient pas le même niveau de sainteté que celles portées par Kehat. C’est pourquoi leur vacillation est seulement « à l’intention du Seigneur ».

Le troisième verset concerne les enfants de Merari.

Une question persiste cependant. Même si les trois versets désignent des familles de Lévy différentes, la Thora aurait tout de même pu exprimer ce commandement de vacillation en un seul verset…puisque l’acte est le même pour tous.

Nous sommes donc porté à penser que c’est d’une différence au niveau des intentions d’Aaron dont il est question.

En effet, Aaron devaient avoir des pensées et des intentions différentes au moment de cet acte, qui dépasse le simple cérémonial, qu’il s’agisse de Kehat, Guershon ou Merari.

En effet, Aaron devait, par ces vacillations, élever chacun des Lévites à un niveau particulier, correspondant à son rôle futur. C’est ce que la Thora exprime par cette apparente répétition.

Le Netsiv (Rabbi Naftali Z Yéhouda Berlin, Roch Yéchivat Volozhin), dans son commentaire « Heemek Davar » propose une autre interprétation que celle de Rachi.

La vacillation des Lévites comportait trois aspects différents, relatifs aux trois versets ; et c’est une triple élévation qui devait être effectuée par Aaron.

Force de caractère

Le premier aspect concerne le corps, qui devait s’élever à un niveau de pureté particulier ; le deuxième concerne l’esprit, qui lui aussi devait atteindre une nouvelle dimension d’attachement à D.ieu.

Le troisième, qui est précédé de l’ordre de la purification (Nombres 8 ; 15) exprime le risque encouru par celui qui s’élève à un haut niveau spirituel.

Quel est ce risque ? Il est soit de s’enorgueillir, soit de ne pas agir avec assez de pureté compte tenu de la position morale que cette vacillation entraînait.

Après cette cérémonie, les Lévites devaient avoir une conduite à la hauteur de leur proximité avec D.ieu.

S’ils n’y parvenaient pas, ils pouvaient causer une profanation du Nom divin (‘hiloul Hachem).(Heemek Davar Nombres 8 ; 11-13-15).

Nous avons déjà développé certains aspects concernant le niveau tout particulier de la tribu de Lévy.

D’après nos maîtres, le choix de la tribu de Lévy était dû au fait qu’elle fut la seule qui n’a pas failli au moment de la faute du veau d’or.

Cette force de caractère ne datait pas de cette époque-là, bien évidemment.

En Egypte déjà, alors que le peuple juif dans son ensemble était soumis à l’esclavage, la tribu de Lévy avait réussi à se consacrer exclusivement à l’étude et à la recherche de l’élévation morale, c’est la raison pour laquelle ils étaient exemptés de l’asservissement par Pharaon.

Pourquoi ? Parce que depuis toujours, cette tribu était reconnue comme le symbole de la Thora et de la morale.

Mais parmi tous les fils de Jacob, comment se fait-il que la tribu de Lévy ait réussi à s’élever d’une manière si extraordinaire ?

Maïmonide a une vision très intéressante de la place de Lévy au sein des autres tribus :

Avraham a transmis son héritage moral à Isaac, qui a diffusé cette foi autour de lui

Jamais oublié

Isaac a ensuite transmis cet héritage à son fils Yaakov, qu’il a investi d’enseigner la vérité.

Pour sa part, Yaacov a enseigné à tous ses enfants cette vérité et il a séparé Lévy pour le placer à la tête d’une Yéchiva où il enseignait les voies de D.ieu et les lois (mitsvoth) découvertes par Avraham.

Il a également exigé de ses enfants que les descendants de Lévy restent, au long des générations, les garants de cet enseignement, afin que celui-ci ne soit jamais oublié »(Yad hahazaka Hil’hot Avodat Cohavim 1 ; 3).

Rabbi Haïm Chmoulevitz (Sihoth Moussar année 5732 p.18) nous éclaire sur ce sujet et propose une conception originale.

Pour cela, il nous faut lire attentivement le texte de la Thora concernant la naissance des tribus.

Arrivé chez Laban, Jacob propose à ce dernier de travailler sept ans pour pouvoir épouser Rahel.

Laban accepte, mais ce délai passé, il trompe Jacob et lui donne Léa.

Jacob devra s’engager à travailler sept années supplémentaires pour épouser Rahel.

« Jacob épousa également Rahel, et il aima Rahel plus que Léa » (Genèse 29 ; 30).

« Le Seigneur considéra que Léa était haïe (senoua) et Il rendit son sein fécond. Léa conçut et enfanta un fils. Elle le nomma Ruben : ‘Parce que, dit-elle, le Seigneur a vu mon humiliation de sorte qu’à présent, mon mari m’aimera.’

Elle conçut de nouveau et enfanta un fils. Elle dit : ‘Le Seigneur a entendu que j’étais haïe et il m’a accordé aussi celui-là.’ Elle l’appela Simon.

Elle conçut à nouveau et enfanta un fils. Elle dit : ‘Ah ! Désormais, mon époux me sera attaché, puisque je lui ai donné trois fils.’ C’est pourquoi on l’appela Lévy » (Genèse 29 ; 31-34).

Le mot employé au sujet de Léa, haïe (senoua) est très violent, d’autant que l’on ne peut imaginer qu’un être aussi exceptionnel que Jacob, l’élu des patriarches, puisse éprouver de la haine envers sa propre femme !

Grâce à l’éclairage de nos maîtres, nous pourrons comprendre l’intention contenue dans ces mots.

Amour et haine

D’après Na’hmanide (29 ; 31) : Léa a réellement trompé sa sœur ainsi que Jacob. Car même si elle ne pouvait, par respect pour son père, refuser d’aller chez Jacob la nuit du mariage, ne pouvait-elle pas lui révéler sa véritable identité ?

C’est la raison pour laquelle Jacob l’a haïe.

Mais D.ieu savait qu’elle avait agit ainsi pour épouser un juste (tsadik), et c’est ce qui lui a fait mériter la miséricorde divine.

C’est ce que le Midrach précise : « Lorsque Jacob a vu comment Léa a trompé sa sœur, il décida de la répudier. Mais lorsque D.ieu lui accorda des enfants, il se dit : ‘Puis-je répudier la mère de ces enfants ?’ » (Berechit Rabba 71 ; 2).

Mais cette « haine » n’était pas engendrée par une quelconque rancune.

Jacob possédait la vertu de vérité (émeth) à son degré le plus élevé. Il pensa donc que l’attitude de Léa, qui n’était pas compatible avec la vérité absolue, l’empêchait d’être associée à lui pour mettre au monde les tribus de D.ieu.

C’est à ce sujet que rabbi ‘Haïm Chmoulevitz cite le commentaire du Ohr Hahaïm qui apporte un éclairage très particulier sur cet épisode.

Les versets que nous avons cités semblent a priori contradictoires.

Au départ, la Thora ne parle que d’un plus grand amour à l’égard de Rahel. C’est ensuite qu’il est précisé que D.ieu considère que Léa était haïe.

Mais à la première naissance, Léa ne se plaint d’aucune haine, elle espère seulement que cet événement déclenchera l’amour de son mari.

Ce n’est qu’à la suite de la deuxième naissance que Léa parle de cette haine, et qu’elle voit dans la naissance de Simon, la réponse de D.ieu à sa situation.

Ce qui semble étonnant, c’est qu’avant de rechercher l’amour, il faut d’abord faire disparaître la haine.

Le Ohr Hahaïm ajoute un élément qui va nous permettre de comprendre cet ordre apparemment inversé.

Dès le départ, Léa n’est pas persuadée d’être celle qui a été élue dans le ciel (Zivoug) pour devenir la femme de Jacob, celle qui lui correspond parfaitement.

Et pourtant, elle y aspirait de toute son âme.

Au plus profond des âmes

Mais pour tous ceux qui la connaissait, elle aurait dû épouser Essav (Rachi 28 ; 17). Et les circonstances de son mariage avec Jacob n’étaient pas pour lui enlever cette idée…

Voyant la froideur de Jacob à son égard, elle réagit comme tous les justes, en le jugeant le mieux possible (lekaf zehout).

Elle ne peut imaginer qu’il la hait, et le juge le plus positivement possible en pensant qu’il manque seulement d’amour pour elle.

De son côté, Jacob, par sa stature morale, ne lui a certainement pas montré des sentiments de ce genre. Car il ne les ressent pas lui-même, tant ils sont subtils.

Seulement D.ieu, qui voit au plus profond des âmes, discerne les éléments de cette situation.

A la naissance de son premier fils, Léa pense seulement que c’est par pitié pour elle que D.ieu le lui a accordé, afin de provoquer l’amour de Jacob.

Au moment de la naissance de Simon, Léa n’est toujours pas convaincue d’être le Zivoug, la femme destinée à Jacob.

Mais elle va plus loin dans le raisonnement : si D.ieu lui a donné un deuxième fils, c’est qu’il ne fallait pas seulement provoquer l’amour, mais aussi faire disparaître la haine, et qu’il fallait donc deux étapes pour cela.

Enfin, lorsque Lévy naît, elle a la preuve qu’elle attendait tant qu’elle était celle que D.ieu avait prévue depuis toujours pour Jacob.

« Désormais, mon époux me sera attaché à tout jamais, car j’ai mis au monde une part entière des douze tribus (car Jacob avait en plus de ses deux femmes, les deux servantes, ce qui faisait donc quatre femme pour douze fils). »(cf. Rachi ibid.).

Jacob a lui aussi pris conscience à ce moment-là que Léa était celle qui devait être sa femme.

Et c’est finalement Léa qui sera enterrée près de lui à Mearat Hamahpela.

Rabbi Haïm Chmoulevitz en déduit la conclusion suivante : Lévy, depuis sa naissance, est à l’origine de l’harmonie parfaite entre Jacob et Léa.

Nous comprenons à présent la place toute particulière de ce dernier au sein des tribus car être celui qui créé l’attachement des cœurs (Kirouv levavoth) de ses parents entraîne d’être sanctifié à tout jamais.

Créer l’harmonie entre les êtres est un acte sublime aux yeux du Créateur.

Combien devons-nous investir pour que règne l’harmonie entre les êtres, et plus encore dans un couple !

Pour créer l’harmonie, que ce soit dans nos propres relations, ou entre ceux qui nous entourent, le meilleur moyen est de toujours chercher à mettre en relief les points positifs de l’autre.

C’est l’un des nombreux secrets que la Thora nous livre entre les lignes…