CHABAT VAERA

20 JANVIER 2007 – 1ER CHEVAT 5767

Jérusalem Paris Montréal
Allumage des bougies16.21 17.0816.24
Sortie de Chabbath17.4018.2017.31

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Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser deux Dvar Thora sur la paracha de la semaine consacrés à la

Bar mitsva de David ghouzi.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Cette année, notre Institution a emménagé dans un nouveau bâtiment, qui porte dorénavant le nom de BEIT YEHOUDA VEHANA au nom de la famille qui a contribué au financement de cette acquisition ; notre reconnaissance est infinie tant pour cette famille que pour tous nos généreux donateurs et amis.

Le bâtiment est situé face au Mont HERZL et nous serons toujours heureux de pouvoir vous y accueillir avec les 18 enseignants, les 10 avrehim et les 153 étudiants.

Pour visualiser les photos et le film d'inauguration du bâtiment à Jérusalem vous pouvez cliquer sur le lien suivant :

http://www.daathaim.org/evenement/index.php

Ce Dvar Thora est écrit pour la guérison (refoua chelema) du fils de

Rav Eliahou Elkaïm,

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbat Chalom et Hodech Tov,

Rav Chalom Bettan


Réflexion cartésienne et dimension surnaturelle

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Dans la paracha de cette semaine, il est question d’événements surnaturels. Quelle est la position de la Thora face à tout ce qui touche au magique, à la sorcellerie, à une dimension fantastique ?

Moïse, pour prouver qu’il est envoyé par D.ieu, fait des miracles devant Pharaon et ses magiciens : son bâton se transforme en serpent puis reprend sa forme initiale, sa main devient lépreuse puis guérit miraculeusement, enfin il envoie la première plaie, celle du sang.

Rachi, qui rapporte le Talmud (Ménahot p. 85), explique que la réaction de Pharaon et de sa suite fut de montrer que les magiciens d’Egypte étaient eux aussi capables d’effectuer de telles prouesses.

Et Pharaon ajoute : « Tu introduis de la paille dans un silo », métaphore pour indiquer à Moïse qu’il perd son temps, tentant d’impressionner des spécialistes en la matière ! Et en effet, l’Egypte était à l’époque, à la pointe des domaines de magie, sorcellerie et autres sciences surnaturelles.

Finalement, ce n’est qu’avec la troisième plaie (la vermine), un prodige qu’ils n’arrivèrent pas à égaler, que les magiciens égyptiens reconnurent la main divine : « Les devins dirent à Pharaon : Le doigt de D.ieu est là ! Mais le cœur de Pharaon persista et il ne les écouta point, comme l’avait dit l’Eternel. » (Exode 8 ; 15)

Toujours d’après Rachi, qui cite le Talmud (Sanhédrin p.67), les magiciens ne purent parvenir à imiter les prodiges de Moïse qu’en utilisant des moyens obscurs de magie noire, de sorcellerie, faisant appel aux démons. Il était très important pour les Egyptiens de pouvoir réaliser certains miracles, pour pouvoir arguer que ceux de Moïse étaient du même ordre.

En réalité, la Thora nous explique que les démons auxquels ils faisaient appel n’ont pas de prise sur les créatures d’une taille inférieure à un grain d’orge. C’est le cas de la vermine, des poux. C’est la raison pour laquelle ils ne purent réaliser le même prodige. Leur première réaction fut de reconnaître D.ieu, mais ensuite, Pharaon justifia son attitude en prétendant que Moïse était seulement un magicien plus expérimenté.

Quoiqu’il en soit, par le fait de parler de démons et de leurs pouvoirs, nos Sages reconnaissent l’existence de pouvoirs surnaturels, au service de magiciens païens.

Il ne s’agit donc pas de prestidigitation, ni de tours de passe-passe, mais bien de magie, d’une véritable science.

Par la suite, la Thora interdit l’usage de telles pratiques.

Nos Sages expliquent que la racine du mot « kessafim » (sorcellerie), est « kahash » (renier) ils poursuivent (‘Houlin 6b) que « ces forces ont été créées pour donner la possibilité à l’homme de renier l’existence de l’armée céleste » (Pamalia chel maala).

Dibouk et magie noire

A d’autres endroits, le Talmud donne des descriptions exhaustives des différentes formes d’éléments surnaturels (démons, magie noire…), ainsi que les directives pour éviter leur contact ou neutraliser leurs effets destructeurs (Pessa’him 110-113).

Il n’est pas besoin de remonter très loin dans notre passé pour trouver des descriptions claires et des témoignages solides de grands maîtres à propos d’événements surnaturels, comme notamment du Dibouk (âme errante s’incarnant dans un corps humain).

De nos jours, ces pratiques et ces phénomènes ne font plus partie de notre vie, et plus personne ne maîtrise de telles techniques.

De ce fait, d’aucuns viennent à remettre en cause le bien-fondé des textes sacrés et s’imaginent avoir à faire à des écrits fantaisistes.

Pourtant, l’un des fondements de notre foi est de croire, de façon totale et absolue, à tout ce qui est écrit dans la Thora de Moïse. Douter d’une seule ligne est déjà considéré comme une atteinte aux fondements de notre foi (cf. les treize principes de la foi de Maïmonide).

Comment concilier cet aspect qui reconnaît l’existence d’éléments surnaturels et notre monde qui ne connaît que ce qui est rationnel, un monde où la main divine est cachée ?

C’est seulement en approfondissant notre compréhension du but de la création de l’homme que nous pourrons régler cette apparente difficulté.

Equilibre parfait

D’après nos maîtres, l’homme a été créé dans un but bien précis : celui de se rapprocher de son Créateur, en choisissant le chemin du Bien. Pour que son choix en soit réellement un, pour qu’il puisse retirer un mérite personnel de sa décision, il faut que le monde qui l’entoure soit en équilibre parfait entre le Bien et le Mal.

Ainsi, l’homme et lui seul, en son âme et conscience, devra discerner la Vérité dans ce brouillard, voulu et créé par D.ieu.

Si cette Vérité était trop flagrante, cela déséquilibrerait obligatoirement le principe fondamental du Libre Arbitre.

Mais alors, pourquoi nos ancêtres ont-ils vécu dans un monde où la dimension surnaturelle était plus apparente ?

Phénomènes merveilleux

A certaines périodes de l’histoire, il a été nécessaire de dévoiler l’existence de D.ieu et de son message.

Ce fut le cas lors de la révélation à Moïse, au moment des miracles de la sortie d’Egypte et de la révélation sinaïtique. Ensuite, il y eut les prophètes et les miracles permanents qui se produisaient au Temple de Jérusalem.

Mais ces phénomènes merveilleux, qui font apparaître la toute-puissance de D.ieu, comportent un risque important pour l’humanité toute entière : celui de réduire le Libre Arbitre, d’enlever à l’homme (qui voit la main divine) sa capacité de choix, enlevant ainsi son sens au but fondamental de la Création.

Pour éviter cette situation, il faut que les forces du Mal et du mensonge soient renforcées et soient dotées de pouvoirs surnaturels.

Ainsi, chaque période de notre histoire trouve un équilibre entre le Bien et le Mal, et l’homme doit par lui-même trouver le chemin de la Vérité.

Plus nous nous éloignons de la révélation du Mont Sinaï, et plus le monde se rapproche de la matière, s’éloignant de l’Esprit et n’ayant plus accès au dévoilement de la main divine.

Nos maîtres ayant de moins en moins un accès direct à l’esprit divin, il n’est donc plus nécessaire de doter les forces du mensonge d’une puissance spéciale.

C’est la raison pour laquelle notre génération, si matérialiste, ne connaît plus la magie et les autres forces surnaturelles dont disposaient les peuples païens.

Un témoignage inédit vient nous en donner confirmation.

Rav Yaacov Kaminetsky, l’un des grands maîtres de la dernière génération, avait relaté qu’il avait vu dans sa jeunesse une lettre de Rav Elhanan Wassermann, rapportant une parole du ‘Hafetz ‘Haïm.

Ces deux géants de Thora avaient extirpé un Dibouk d’un corps.

Et le ‘Hafetz ‘Haïm avait affirmé que cette affaire serait la dernière de l’histoire. Dans la mesure où le monde se dirige vers un matérialisme de plus en plus grand et s’éloigne de l’Esprit, cela retire toute raison d’être, et donc toute existence, aux forces surnaturelles.

C’était l’objet de la lettre de Rav Wassermann et l’on peut trouver cette anecdote dans « Emeth leyaacov » (p.264).

Le Libre Arbitre va donc se porter de nos jours sur un autre terrain, celui de l’intellect pur.

Croyance aveugle

Notre époque nous offre la possibilité de voir le Créateur à travers les découvertes extraordinaires dans tous les domaines scientifiques, à travers la fantastique organisation de la nature que nous avons aujourd’hui les moyens d’observer et de comprendre.

D’un autre côté, un piège nous est tendu par le biais d’un matérialisme à outrance, soutenu par les possibilités presque sans limites de la technologie moderne. La croyance aveugle dans le génie humain est un contrepoids puissant contre la foi en D.ieu.

C’est ainsi que certains auteurs comprennent la polémique entre Maïmonide et le Gaon de Vilna. Le premier reniant l’existence des démons et de la magie, le second lui opposant tous les textes et Midrachim faisant cas de tels phénomènes.

Mais ce serait mal comprendre l’intention de Maïmonide. En effet, Maïmonide n’a jamais nié ces textes, mais son point de vue se rapporte à son époque, où déjà, la main divine était cachée, ce qui signifie, on l’a compris, que les démons et autres actes magiques n’existaient plus.

La parole de D.ieu est vraie à tout jamais.


L’exil de la parole

Par le Rav Moché TAPIERO

A deux reprises Moshé Rabbénou refuse d’intervenir auprès du Pharaon sous prétexte qu’il bégaye. Je ne suis pas un homme de paroles avance-t-il pour justifier son refus : « Ki kvad pé ou kvad lachon anochi. Je parle avec lourdeur et sans aisance. »

Chemot 4,10). Argument qui n’est pas rejeté puisque pour maintenir sa mission il faudra lui adjoindre Aaron qui parlera pour lui.

Plus tard Moshé tente à nouveau à se soustraire à cette mission : « voici je suis incirconcis des lèvres et comment Pharaon m’écoutera-t-il » (id. 6,30).

Mais pourquoi fallait-il que Moshé, le plus parfait des hommes, soit touché par cet handicap. Ce n’est certes pas un simple hasard, une circonstance malheureuse. Selon le Maharal il faut y voir un nouveau signe de sa grandeur.

Parole et raison

Si l’occident définit l’homme comme un animal doté de raison, les Maîtres d’Israël le perçoivent plutôt comme un être parlant. Lorsque le verset annonce la création de l’homme « Vayehi haadam lenéfesh Haya » (Bereshit 2,7) le Targoum Ounekelos traduit : l’homme fut doté du pouvoir de parler.

Rabbi Yéhouda Halevi classifie l’ensemble des existants en quatre catégories :

L’inanimé (les minéraux etc.), le végétal, l’animal et l’être parlant.

Comme si la parole plus que la raison et l’intelligence était à même de signifier la spécificité de l'humain.

Pourtant ce qui distingue l’homme de l’animal c’est plus la raison que la parole !

L’homme réfléchit, raisonne, alors que l’animal n’a que des instincts. Pourquoi insister tellement sur le pouvoir de parler ?

L’amphibie de la structure humaine

L’homme possède une nature double. D’un coté il mène une vie biologique : il mange, dort, et utilise toutes les fonctions animales. Doté de raison et d’intelligence, il se distingue certes de l’animal, mais il ne s’échappe pas pour autant de l’espace biologique du réel. La raison peut en définitive s’analyser comme l’une des multiples fonctions biologiques.

La dignité humaine réside dans sa capacité à s’échapper à la dimension biologique et à inscrire son existence dans un au-delà générateur de sens. Son aptitude à percevoir dans le monde la trace du Créateur, la possibilité qui lui fut offerte d’entendre la parole divine et de s’y associer par le biais de l’étude et de la Mitsva font de lui la créature centrale. La raison occupe certes dans ce projet d’existence une place déterminante, mais ce n’est que pour autant qu’elle s’inscrive dans un dépassement de la vie biologique.

Tel est le secret de l’homme et de sa place particulière dans le monde. La vie de l’animal est seulement biologique. Les anges au contraire sont des créatures sans rien de concret et de matériel. L’homme unifie toute la création car il résume ces deux aspects de la vie.

L’éminence de la parole

Dans la vie de l’homme, certaines fonctions relèvent clairement de la dimension biologique. Manger, boire, marcher sont des choses qui se retrouvent aussi chez l’animal. La pensée, pour autant qu’elle ne se réduit pas à un exercice neuronique relève de l’autre dimension de l’humain. Une seule fonction unifie ces deux aspects : c’est la parole.

Proposition qui s’atteste et se reflète dans l’expression la plus concrète et technique de la parole : Pour parler il faut associer une capacité intellectuelle à une fonction physique.

Si le jeune enfant ne sait pas parler ce n’est pas parce que ses cordes vocales ne sont pas capables d’émettre des sons. Il sait pleurer, crier mais pas parler. Il lui manque le développement intellectuel nécessaire pour pouvoir former des mots et des phrases.

Par contre un homme muet peut être très intelligent. Il ne peut pas parler parce qu’il n’a pas la fonction physique adaptée pour cela.

Ainsi en parlant chaque homme associe les deux aspects de la vie.

Ce n’est certes pas coïncidence gratuite si la parole est le ciment et l’outil premier de toute relation. Ce n’est pas son utilité évidente dans la communication qui la destine à de tels services. La parole a fonction sociale parce qu’elle est intrinsèquement l’outil nuptial qui rattache l’homme et la création à la présence divine.

Le miracle de la parole

Le Rambam réuni toutes les lois concernant la parole dans un livre qu’il intitule Séfer Haflaa. Haflaa signifie prodigieux, extraordinaire.

Car la parole est un véritable miracle.

Associer la vie biologique à son au-delà semble impossible et contradictoire.

Pourtant, chaque fois qu’il parle l’homme réalise ce miracle.

Tous les matins on prononce deux bénédictions : La première concerne le fonctionnement du corps. « Ascher yatsar et haadam oubara bo néquavim haloulim qui a crée l’homme et l’a doté» La seconde énonce l’imminence de la Néshama, de ce souffle divin qui anime l’homme : « élokaye nechama chénatata bi ».

A la jonction de ces deux textes une phrase décisive associe dans une ultime reconnaissance la corps et la Néchama : le créateur y est perçu comme celui qui « préserve le corps et fait de l‘homme un véritable miracle. Rophé col Bassar oumafli laassoth ».

De quel miracle s’agit-il ?

Le Rama dans le choulhan aroukh explique qu’il s’agit du miracle de l’association dans l’homme du corps pétri dans la poussière et du souffle divin.

Miracle de la Haflaa, prodige de la parole.

Moshé Rabbénou était tellement pure et grand qu’il n’avait plus aucun rapport à la matière. L’équilibre entre la vie biologique et la Néshama était rompu. C’est pourquoi sa parole était malaisée. Il était bègue parce que trop séparé de toute matière.

L’unité de la vie

Le miracle de la parole signifie un mode d’existence qui associe une vision d’un au-delà de l’être à tout mouvement de la vie biologique.

Conjonction possible et réalisable du fait de l’unité fondamentale de tous les aspects du réel.

En définitive toutes les dimensions de l’être témoignent de la création et relèvent de cette présence en retrait du créateur qui anime toute chose.

Le peuple d’Israël a été délivré pendant pessah. Il faut décomposer ce mot en deux termes : Pé sah, la bouche qui parle. Ce n’est que lorsque la bouche de tous les juifs sera remplie de paroles de Torah qu’Israël sera pleinement sauvé.