ROCH HACHANA 5767

23&24 SEPTEMBRE 2006 – 1&2 TICHRI 5767

Jérusalem Paris Montréal
Entrée22.09.06 de 16.57 à 17.57de 18.33 à 19:33de 17.35 à 18.35
Sortie 24.09.06 19:1120:3319:33

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Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser un Dvar Thora sur ROCH HACHANA.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Cette année, notre Institution a emménagé dans un nouveau bâtiment, qui porte dorénavant le nom de BEIT YEHOUDA VEHANA au nom de la famille qui a contribué au financement de cette acquisition ; notre reconnaissance est infinie tant pour cette famille que pour tous nos généreux donateurs et amis.

Le bâtiment est situé face au Mont HERZL et nous serons toujours heureux de pouvoir vous y accueillir avec les 18 enseignants, les 10 avrehim et les 153 étudiants.

Durant les vacances scolaires, nous avons mis le bâtiment à la disposition des familles du nord du pays qui recherchent un peu de répit.

Pour visualiser les photos et le film d'inauguration du bâtiment à Jérusalem vous pouvez cliquer sur le lien suivant :

Evenement

Ce Dvar Thora est écrit pour la guérison (refoua chelema) du fils de

Rav Eliahou Elkaïm,

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance, la réussite, la bonne santé et la paix en cette année 5767.

Avec notre plus cordial Chabbat Chalom et nos vœux les plus chaleureux de Chana Tova,

Rav Chalom Bettan


A la recherche d’une existence perdue

Par le Rav Moché Tapiero

En quelques propositions succinctes, Rambam suggère l’enjeu du jugement de Roch Hachana.

Article un: «Chaque homme, sans exception, acquiert des mérites ou s’entache de fautes. L’homme dont les mérites sont supérieurs aux fautes est un juste (tsadik). Celui dont les fautes excèdent les mérites est un méchant(Racha). Celui dont les mérites et les fautes sont égaux est défini comme un homme moyen (benoni).»

Article deux : «L'homme dont les fautes excèdent les mérites meurt sur le champ de son mal…»

Article trois :«De même que l’on pèse les mérites et les fautes de l’homme au moment de sa mort, l’on examine aussi chaque année les fautes et les mérites de chaque mortel à Roch Hachana. Qui est trouvé juste, est inscrit pour la vie. Qui est trouvé méchant, se voit frappé d’une sentence de mort. Pour l’homme moyen son sort reste en suspens jusqu’à Kippour. Si dans l’intervalle il fait Techouva on rend en sa faveur un verdict de vie; dans le cas contraire c’est une sentence de mort qui est prononcée contre lui.»

Le jugement semble se résumer à une comptabilité des fautes et des mérites. L’élément majoritaire sera seul retenu. Mais, suffirait-il que les mérites d’un homme excèdent ses fautes pour que celles-ci soient tout simplement occultées? Ne dit-on pas du juge divin qu’il ne se laisse soudoyer d’aucune manière, serait-ce par la grâce des Mitsvot!

Le cas singulier de l’homme moyen interpelle. Peut-on concevoir que le nombre de mérites coïncide exactement avec celui des fautes? Serait-ce une catégorie théorique, pure abstraction? Les maîtres du Talmud définissent pourtant leur génération comme composée essentiellement d’hommes moyens. Quel mépris des règles de probabilité!

Deux principes sont à la base de cette proposition du Rambam.

1. L’identité du sujet.

Les catégories de tsadik et de racha ne dépendent pas du nombre des fautes et des actes méritoires, mais de leur importance respective dans l’orientation générale de l’attitude du sujet. L’hébreu biblique nomme yetser ce que la morale désigne comme bon et mauvais penchants. Construit sur la racine de yétsira il désigne l’acte de façonner et de donner formes aux choses. Bien et mal sont des catégories constituantes du sujet. Est juste celui qui est façonné et structuré par le bien. L’homme mauvais n’est pas celui qui commet des méfaits, mais celui qui n’est pas animé par une perpétuelle tension vers le Bien.

Est juste celui dont les actes méritoires relèvent d’une motivation authentique, d’un souci réel. Ses fautes et démérites sont autant d’accidents qui ne modifient pas sensiblement une trajectoire qu’il arrive toujours à redresser. Sa visée vers le Créateur est certes perturbée par la faute mais jamais menacée en son fondement. La faute, bien que toujours présente et effective, perd son incidence lorsqu’il s’agit de déterminer la stature de ce sujet.

La règle halakhique des mélanges illustre cette définition: soit un mélange à froid de deux aliments permis et d’un aliment interdit que l’on ne saurait distinguer et reconnaître. Le principe du Bitoul bérov permet la consommation de tout le mélange. Certes, l’aliment interdit est présent, mais seul l’élément majoritaire détermine la nature générale de toute cette entité composée.

L’excédent de mérites est déterminant non pas par le nombre de Mitsvot mais du fait du caractère prédominant de ces actes dans la constitution de l’identité du sujet. Est Racha quiconque est attaché aux préoccupations terrestres et dont les actes attestent d’une existence rivée au sol. La proportion majoritaire des démérites n’est pas affaire de quantité mais de l’impact de ces fautes dans la nature de celui qui les accomplit.

L’homme moyen est habité d’une tension double et contradictoire. Animé d’un souci pour le Bien, il répond aussi à l’appel du mal. Levinas définissait l’Europe comme intrinsèquement hypocrite du fait de son double attachement à la Bible et aux grecs. Hypocrisie qui n’est pas seulement un vilain défaut mais une catégorie existentielle d’un sujet déchiré. On pourra dire de l’homme moyen dont parle Rambam qu’il est le type même de l’hypocrite.

2. Le don de l’existence

Chaque mérite appelle récompense, chaque faute exige une punition. Chaque jour de l’année le Créateur juge les hommes et examine leurs actes. Les sanctions qu’Il décrète alors sont diverses. Des moindres maux jusqu’à la mort. Le jugement de Roch Hachana est d’un tout autre ordre. Il porte sur la condition même de la vie. La mort nous rappelle que la vie n’est pas acquise une fois pour toute. Elle est pure donation qui chaque année doit être renouvelée. Car la donation de vie correspond à l’octroi d’une place pour l'être dans l’économie du monde, un rôle à jouer dans la geste créatrice. Le don de la vie n’est autre que l’investissement d’une mission. L’existence est comme un contrat unilatéral valable pour une seule année. A chaque nouvel an, il faut bénéficier d’un renouvellement de ce contrat pour avoir droit à une nouvelle tranche d’existence.

S’est-on demandé pourquoi le jour du jugement est fixé au nouvel an? Jour anniversaire de l’œuvre créatrice, il correspond au renouvellement de toute la création. Il faut alors redistribuer les postes, définir de nouvelles missions. Chacun est jugé pour savoir s’il est digne de confiance, si il est opportun de lui confier à nouveau la responsabilité de la création. A ce titre seul compte la situation actuelle du sujet, sa capacité présente à se faire lieu où passerait la trace divine. Certes, le jour du nouvel an sont examinés les actes et faits antérieurs, les moindres gestes, les pensées les plus profondes. Mais l’acte ne compte qu’en tant qu’il a marqué le sujet d’une empreinte encore vive. On ne retient des agissements passés que leur incidence sur la structure présente. (Seul le jugement quotidien considère l’acte pour lui-même).

Si les catégories existentielles de juste et méchant sont ici déterminantes, c’est qu’elles expriment le niveau d’adéquation de l'être au projet divin. Le juste est inscrit pour la vie non pour ses mérites mais parce qu’il est capable d’assumer une nouvelle charge, d’être investi à nouveau de la responsabilité de l’œuvre divine. A l’inverse du châtiment qui peut résulter des jugements quotidiens, la sentence de mort qui frappe ici le mécréant, n’est pas une punition mais une privation. Le contrat d’existence n’est pas reconduit à son égard.

Chaque jour l’homme est jugé sur tous ses actes. La peur d’une sanction habite perpétuellement celui qui ne se réfugie pas dans l’illusoire de l’imaginaire. Pourquoi signifier alors Roch Hachana par la crainte et la terreur face à la gravité du jugement divin? On ne saurait comparer l’inquiétude de celui qui craint une sanction et cherche à préserver un acquis, au profond dénuement de celui qui a déjà perdu le droit de vivre et se doit d’ouvrir une nouvelle porte vers la vie.

‘Comme un pauvre qui quête aux portes’. N’est-ce pas pure gageure? Comment exiger d’un homme a qui la vie sourit, qui possède santé, richesse et famille de se sentir subitement dénué, privé de tout? Pourtant tel est le réel des choses. A proprement parler tous les acquis s’évanouissent avec la fin de l’année. Il faut tout reconquérir par la prière et la conversion intérieure. La crainte (yiraa) dérive alors de la vision (réïya) juste du réel. Le yéré chamaïm c’est l’homme respectueux de sa créaturialité qui sait ne pas être à l’origine de soi et a conscience que son essence consiste dans l’expression de la volonté du très Haut.

3. Le livre de la vie

Article deux: «l’homme dont les fautes excèdent les mérites meurt sur le champ de son mal…»

Sentence exécutoire et sans délai que la réalité dément. Ne voit-on pas de nombreux mécréants profiter d’une existence paisible! Manquent ils des hommes mauvais qui ne meurent pas suite à leurs péchés?

«Trois livres sont ouverts à Roch Hachana. Les justes sont inscrits dans celui de la vie, les méchants dans celui de la mort et les hommes moyens sont en suspens.» Pourquoi signifier le jugement divin comme écriture? De quel livre s’agit-il?

Les Maîtres d’Israël définissent le réel comme livre. Le monde est créé avec les lettres de la Torah. Parallèle exact de celle-ci, car il est aussi expression de la volonté du très Haut, manifestation de sa Gloire. Kavod! Trois livres pour dire trois dimensions du réel, trois réalités différentes. Pluralités de mondes dans un seul espace. Les hommes n’habitent pas tous le même monde! Le livre des justes c’est le réel. S’y voir inscrit c’est recevoir don d’une existence authentique, celle où la vie est animée de la présence divine, où le vécu est proximité avec le Créateur. Le monde ouvert dans le livre de la mort est celui du pur imaginaire. Privé de toute relation au bien, le sujet est vidé de toute intériorité, l’existence s’y résume à la vie biologique. C’est en ce sens que Rambam annonce une sentence de mort immédiate pour le Racha. Il continue à vivre mais d’une existence privée de toute substance. Le prix à payer pour une telle vie est bien lourd. On y perd tous ses mérites que l’on doit monnayer contre chaque moment de vie et l’on reste dénué face aux enjeux de l’existence réelle et éternelle.

4. la dynamique de la Techouva

Le sort de l’homme moyen reste en suspens jusqu’à kippour. Si dans l’intervalle il fait Techouva, on rend en sa faveur un verdict de vie; dans le cas contraire c’est une sentence de mort qui est prononcée contre lui.

Question d’arithmétique élémentaire: si l’homme moyen est celui qui comptabilise autant de mérites que de fautes, l’acquisition d’une seule Mitsva devrait l’introduire dans la catégorie des justes. Rambam rappelle ailleurs l’urgence d’accomplir le plus deMitsvot dans cette période intermédiaire qui précède Kippour. Pourquoi faire dépendre le salut de l’homme moyen de la seule Techouva?

La Techouva entendue comme repentir est un acte de la conscience qui permettrait d’annuler rétroactivement les fautes commises. La décision de ne plus fauter doublée d’un remords profond lorsqu’ils sont clairement exprimées par le sujet(acte du Vidouy) vident la faute de sa substance. Mais la Techouva est irréductible au remord des moralistes et ne se suffit pas d’une mauvaise conscience. Elle est avant tout retournement d’un sujet jeté dans la dispersion du monde et qui, retrouvant en lui la trace de l’Infini, accepte de se faire lieu pour elle.

On peut donc parler de deux dimensions de la Techouva: la première, fondamentale, touche à l’identité d’un sujet qui, en renouant avec la visée droite vers le Bien, quitte l’illusoire de l’imaginaire et réintègre le réel. A ce retournement premier se greffe alors un acte de repentance qui a effet d’annuler la faute. Les règles et modalités diffèrent sensiblement. Le retour au réel est affaire de conscience, toute en intériorité. Aucune extériorisation des sentiments n’est nécessaire. La repentance s’attaque à une faute qui s’est déjà inscrite dans la réalité extérieure. L’œuvre de conscience ne suffit pas à modifier un acte. Le Vidouy qui extériorise en parole le remords intérieur est impératif.

«Si un homme, même mécréant, épouse une femme en acceptant comme condition de validité qu’il soit un homme juste, dans le doute on considérera le mariage comme valable. Il faut craindre qu’il ait peut être fait Techouva en son cœur». Pourtant le Vidouy est posé comme impératif de la Techouva? (Voir Minhat Hinoukh). Le statut de juste est indépendant des fautes que le sujet doit expier. Celles-ci concernent le passé, alors que les catégories de juste et d’impie définissent la structure actuelle du sujet. Encore entaché par le poids de ses fautes le Racha peut retrouver la droiture du juste pour peu qu’il réalise une conversion intérieure et rétablisse sa visée vers le Bien. L’homme moyen ne saurait par contre se suffire d’accomplir quelques Mitsvot.

Car le jugement ne retient que la direction que l’on donne à sa vie, le sens que l’on imprime à son existence. La Techouva entendue comme retour au Créateur permet d’accéder au livre du réel et de bénéficier du don de la vie.

Chabat Chalom et Chana Tova