CHABAT VAYETSÉ

2 DECEMBRE 2006 – 11 KISLEV 5767

Jérusalem Paris Miami/Montreal
Allumage des bougies16.15 16.3615.52
Sortie de Chabbath17.1417.4917.01

Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser un Dvar Thora sur la paracha consacré à la Bar Mitsva de

David atthar

à qui nous adressons tous nos vœux de MAZAL TOV.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Cette année, notre Institution a emménagé dans un nouveau bâtiment, qui porte dorénavant le nom de BEIT YEHOUDA VEHANA au nom de la famille qui a contribué au financement de cette acquisition ; notre reconnaissance est infinie tant pour cette famille que pour tous nos généreux donateurs et amis.

Le bâtiment est situé face au Mont HERZL et nous serons toujours heureux de pouvoir vous y accueillir avec les 18 enseignants, les 10 avrehim et les 153 étudiants.

Durant les vacances scolaires, nous avons mis le bâtiment à la disposition des familles du nord du pays qui recherchaient un peu de répit.

Pour visualiser les photos et le film d'inauguration du bâtiment à Jérusalem vous pouvez cliquer sur le lien suivant :

http://www.daathaim.org/evenement/index.php

Ce Dvar Thora est écrit pour la guérison (refoua chelema) du fils de

Rav Eliahou Elkaïm, ‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov et à la mémoire de Messieurs Simon LAUFER et Isaac CHOUKROUN.

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabbat Chalom,

Rav Chalom Bettan


Le secret de l’amour

Par le Rav Moshé Tapiero

Haine et amour

Deux femmes partagent la vie de Yaacov. Rahel la bien aimée, mais qui n’a pas d’enfants et Léa imposée par une ruse mais qui pourtant lui donnera plus de huit enfants. Léa que Yaacov a accepté mais qu’il hait (Bereshit 29,31) ! ! Etrange comportement peu compatible avec la grandeur de cet homme. Lui tiendrait-il rigueur de sa ruse cela ne peut justifier pareils sentiments.

Certes un autre verset nous rassure : ‘Yaacov aimait Rahel plus que Léa’ (id. 29,30). Léa est aussi aimée même si moins que Rahel. Pourtant le verset suivant parle bien de haine !

Si longtemps Rahel est considérée comme l’essentiel du foyer de Yaacov ce dernier reconnaîtra au soir de sa vie la place primordiale qu’occupe Léa (Midrach rabba vayetsé). Retournement surprenant dont il faut entendre le sens.

La beauté de Léa

Rahel était belle alors que Léa avait les yeux faibles (id. 29,17). Mais l’amour de Yaacov ne doit rien à l’attirance physique.

Rahel insiste le texte lui est apparue près d’un puits. Eternel puits qui raccompagne toute l’histoire des patriarches. Abraham le premier creuse des puits. Itshak s’attachera à rouvrir ces puits fermés par les Egyptiens et Yaacov enfin qui d’un seul geste ôte la pierre qui obstruait le puits laissant les eaux jaillir.

L’eau étanche la soif mais pour un sujet en éveil il n’y a de soif que des Paroles du Créateur. Soif des mots de Torah, de cette eau que les patriarches font jaillir dans le monde. C’est au pied de ce puits que Rahel apparaît comme jaillissant du plus profond des eaux de la Torah. Tel est l’amour de Yaacov qui découvre en elle la même soif de la parole divine.

Dans la faiblesse des yeux de Léa il faut voir le signe d’une extrême pureté (parallèle des racines rakh et zakh). Yeux affaiblis par les pleurs et les prières de Léa pour échapper à un mariage avec Essav. Aînée des filles de Betouel elle était destinée à épouser l’aîné des garçons de Rivka. Mariage avec un mécréant auquel elle ne voulait se résoudre et qu’elle réussit à annuler à force de pleurs et de prières.

Pourtant selon le Midrach la ‘haine’ de Yaacov était générée par une certaine ressemblance entre Léa et Essav. Il n’y a dans toute la Torah d’hommes réellement haies que Essav et ses disciples. La réticence de Yaacov procédait de ces accointances qu’il devinait entre son épouse et ce frère qu’elle avait pourtant radicalement rejeté ! Qu’est ce à dire ?

La dualité du projet adamique

Essav est signifié dans le texte comme le type même du mal. L’extrême opposé de Yaacov. Mais en était-il toujours ainsi ? N’avait-il pas place dans la reconstitution du projet adamique entreprise par ses pères ?

Comment comprendre alors l’étrange obstination de Itshak à livrer les bénédictions à celui qui les utiliserait à si mauvais escient ! Ne reconnaissait-il pas chez ce fils les symptômes pourtant évidents de cette obédience au mal ?

Pour obtenir les bénédictions Yaacov semble utiliser une ruse perfide. Il se donne l’aspect de son frère et n’hésite pas à affirmer à son père ‘je suis Essav ton fils aîné’.

La littérature occidentale ne lui pardonnera pas ce geste. Elle n’aura de cesse de décrier la malhonnêteté du père d’Israël. Mais l’occident ne lit pas la Torah ! Trop attaché à l’esprit elle méconnaît les secrets des lettres carrées.

Les Maîtres d’Israël dans une analyse dont nous ne pouvons donner ici que les grands résultats signifient une dimension noble d’un Essav authentique qui devait initialement participer pleinement au projet adamique. A Yaacov homme d’étude retiré dans sa tente Essav devait apporter le soutien de l’homme des champs ouvert aux périples du monde.

La structure adamique est essentiellement double. Elle s’arrime dans l’étude et la recherche du bien. En retrait loin du tumulte et des mensonges du politique, elle inscrit le sujet dans l’espace de la subjectivité. Mais cette intensité ainsi gagnée ne doit occulter la nécessaire extension du sujet. Humanité en extension qui s’étend dans tous les recoins de l’existence. Sans l’homme des champs capable d’inscrire la Torah de son frère dans les moindres interstices de la vie, la Parole étudiée dans la maison d’étude resterait lettre morte. Il n’y a de sainteté véritable que celle qui méconnaît superbement l’hypocrite dichotomie ente le saint et le profane. Rien n’échappe au verbe divin, tout est occasion pour inscrire Sa parole dans le monde et la vie.

Structure géminale du sujet qui devait originellement être prise en charge conjointement par Yaacov et Essav. Ce dernier présentait donc certaines accointances avec la vie mondaine. Là résidait toute sa tâche : retourner par un véritable labeur cette prédisposition, puiser dans cette attache au monde la capacité de le transformer de l’intérieur en y inscrivant le verbe produit dans la tente de Yaacov. Itshak homme d’une extrême pureté qui ne retenait du monde que sa beauté interprétait les gestes d’Essav comme la marque de cette prédisposition qu’il avait sans nul doute dépassée. Confronté au monde et à ses tentations n’avait-il pas besoin de l’aide des bénédictions !

Essav pourtant succombe à la tentation s’adonne totalement aux plaisirs du monde, rompt avec son frère et avec tout le projet adamique. Sans sa participation ce dernier ne peut aboutir. Yaacov doit dès lors assumer un double rôle, ajouter à sa tache celle de son frère. S’installer dans l’étude mais s’attacher aussi à inscrire la Torah dans le monde. Il lui faut alors s’assurer la puissance des bénédictions qui lui reviennent en droit puisqu’il a acheté par l’assomption de sa mission le droit d’aînesse. C’est sans ruse ni turpitude qu’il annonce à son père ‘je suis Essav ton fils aîné’. Désormais il réalise l’Essav authentique.

Dimension universelle du couple

Léa était destinée à seconder Essav dans sa participation au projet. Epouser un Essav dévoyé ruinait sa vie. Par ses prières répétées et ses pleurs incessants elle avait poussé à son maximum sa haine du mal réalisant par là même sa mission. Elle était prête pour épouser l’Essav authentique, en la personne de Yaacov.

Yaacov préférait Rahel. Amour des semblables dira le Zohar. Tous deux avait même mission, pareille vocation. Léa dans toute sa grandeur représentait l’autre versant de sa tâche, celle qu’il devait assumer comme par procuration. Son amour lui semblait taché par cette différence essentielle.

Au soir de sa vie pourtant il entend enfin l’éminence de Léa et de sa tâche. C’est dans la lutte contre le mal que se révèle la hauteur du sujet. Il y a plus de sainteté dans l’inscription du verbe divin dans la matière la plus reculée que dans la seule méditation.

L’amour pour Léa devient le paradigme du foyer juif. Ultime leçon sur l’amour irréductible à l’intimité moite du couple.

L’amour dans la différence supplante l’amour dans la ressemblance. Dans la constitution de son foyer Yaacov inclut par la présence de Léa toute l’humanité en extension. Responsabilité universelle à la hauteur d’un projet divin.