CHABAT KI TISSA

23 FEVRIER 2008 – 17 ADAR 5768

Jérusalem Paris Miami/Montreal
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Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser le Dvar Thora sur la paracha de la semaine.

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Notre Institution a emménagé dans un nouveau bâtiment situé face au Mont HERZL où nous serons toujours heureux de vous accueillir ; ce bâtiment porte dorénavant le nom de BEIT YEHOUDA VEHANA au nom de la famille qui a contribué au financement de cette acquisition ; notre reconnaissance est infinie tant pour cette famille que pour tous nos généreux donateurs et amis.

Nous avons démarré depuis Roch Hodech Hechvan la nouvelle session d'études et y avons accueilli 44 nouveaux élèves sélectionnés parmi des centaines de candidats. Nous avons donc plus de 180 élèves internes à la Yéchiva et 210 personnes au Beth Hamidrach avec les enseignants et étudiants externes. Nous grandissons grâce à votre aide : il y a neuf ans,nous étions9 !

Ce Dvar Thora est écrit pour la guérison (refoua chelema) du fils de

Rav Eliahou Elkaïm,

‘Haïm Yéhouda ben Mazaltov

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Avec notre plus cordial Chabat Chalom,

Rav Chalom Betta


Une arme redoutable

Par le Rav Eliahou Elkaïm

La Thora nous livre les secrets pour lutter, à armes égales, contre nos mauvais instincts, qui profitent des situations difficiles pour nous faire chuter.

La faute du veau d’or, qui eut lieu peu après la révélation au mont Sinaï, et qui aura de lourdes conséquences pour tout le peuple juif jusqu’à la fin des temps, est décrite dans la paracha de cette semaine.

Une lecture superficielle des textes pourrait nous amener à mal comprendre nos ancêtres et à mal les juger.

Comment ceux-là même qui, après avoir chanté devant la mer ouverte des louanges à D.ieu qui les avait sortis d’Egypte, ceux-là mêmes qui avaient déclaré le célèbre « Naassé venichma » (« nous ferons puis nous comprendrons », emblème de la soumission totale au Créateur), comment ont-ils pu, si peu de temps après, se rebeller et faire volte face si outrageusement ?

Les enseignements de nos Sages vont nous aider à mieux cerner l’épreuve de nos ancêtres et à comprendre leurs véritables intentions.

Nahmanide, qui suit à quelques nuances près l’opinion de Rabbi Avraham Ibn Ezra, affirme d’emblée qu’il est inconcevable que le peuple juif ait voulu substituer un objet physique, auquel ils auraient attribué leur libération, à D.ieu.

En effet, ils avaient certainement encore à l’esprit les mots du décalogue : « Je suis l’Eternel ton D.ieu, qui t’ai fait sortir d’Egypte, d’une maison d’esclave » (Exode 20 ; 2).

En fait, c’est à un tout autre niveau que se situaient leurs préoccupations quand ils dirent à Aaron : « Allons, fabrique-nous des dieux qui marcheront devant nous, car voici Moïse, l’homme qui nous a fait monter du pays d’Egypte, nous ne savons ce qu’il est devenu » (Exode 32 ; 1).

Le terme Elokim (dieux) ne doit pas être compris dans le sens d’une divinité proprement dite.

Les Juifs à ce moment précis de l’histoire, réclamaient plutôt un intermédiaire à travers lequel serait transmis le message divin.

La formulation employée par les Juifs quand ils mettent en regard et en parallèle Moïse et les dieux réclamés, ne laisse aucune ambiguïté à ce sujet.

En effet, le peuple juif n’a jamais considéré Moïse comme un dieu mais comme le simple porte-parole du message divin. Et c’est bien, dans leur esprit, et dans leurs paroles, Moïse qui doit être remplacé.

Des intentions pures

Pourquoi avoir choisi un bœuf comme image symbolique ?

Au moment de la révélation sinaïtique, le peuple juif a perçu les secrets de la divinité, et il a vu l’image d’un bœuf, l’un des quatre symboles qui figurent sur le char céleste (cf. Ezéchiel 1 ; 10).

A travers la même représentation matérielle, ils ont cru pouvoir recevoir le message divin (Na’hmanide Exode 32 ; 1).

Deux textes de nos maîtres dans le Midrach montrent sans équivoque que les intentions du peuple d’Israël, ne voyant pas Moïse revenir, n’avaient aucun rapport avec l’idolâtrie.

Le premier Midrach s’exprime ainsi : « Rabbi Lévy dit : ‘Pendant qu’Israël était en train de forger le veau d’or ici-bas, comme il est écrit : ‘Il le prit de leurs mains, et il le forgea dans un moule’ (Exode 32 ; 4), D.ieu était en train de forger, au ciel, les tables de la loi pour leur transmettre les commandements de vie, comme il est écrit :

Et il donna à Moïse, lorsqu’Il eut achevé de parler avec lui sur le mont Sinaï, les deux tables de témoignages’ (Exode 31 ; 18) » (Midrach Tanhouma chapitre 14).

D.ieu a donc continué de forger les tables de la loi pendant la fabrication du veau d’or !

Cela est absolument inconcevable si l’on considère la faute du veau d’or comme étant celle de la véritable idolâtrie.

Un deuxième Midrach montre que Moïse avait lui aussi perçu les intentions véritables du peuple : « Moïse implora l’Eternel son D.ieu » (Exode 32 ; 11).

Rabbi Néhémie dit : ‘Lorsque Israël commis cet acte, Moïse implora D.ieu et telles furent ses paroles : ‘Maître de ce monde, ils t’ont créé une aide et tu es en colère contre eux. Ce veau qu'ils ont forgé va t'aider : Tu fais briller le soleil et lui fera briller la lune’ (…) » (Midrach Chemot Rabba 43 ; 6)

En fait, c’est seulement le lendemain que la terrible faute va être commise par ceux qui vont se prosterner devant ce veau. Les mots de D.ieu s’adressant à Moïse sont sans ambiguïté.

« Ils se sont fait un veau en métal ; ils se sont courbés devant lui, ils ont fait des sacrifices pour lui, et ils lui ont dit : ‘Voilà tes dieux, Israël, qui t’ont fait monter du pays d’Egypte » (Exode 32 ; 8).

Seulement une infime partie du peuple, ainsi que le erev rav (personnes non-juives qui ont suivi le peuple d’Israël au moment de la sortie d’Egypte) va sombrer dans l’idolâtrie.

Mais malgré leurs bonnes intentions, il y eut une faute de la part de toute la communauté d’Israël : cette faute consista dans le fait de vouloir créer un intermédiaire sans en avoir reçu l’ordre formel de D.ieu.

Pas à pas

Cela a également entraîné qu’ils n’évaluent pas à sa juste mesure le danger que cela représentait pour ceux qui étaient moins solides dans leur foi et dans leur compréhension de D.ieu, et qui pouvaient, à cause du veau d’or, tomber dans la véritable idolâtrie.

Une petite minorité va en effet sombrer dans cette erreur (cf. Ibn Ezra ibid.) mais la faute sera malgré tout attribuée au peuple dans son ensemble, exceptée la tribu de Lévy qui n’a pas participé à cette initiative.

Pourtant, une règle transmise par nos maîtres semble contredire le déroulement de cet épisode du veau d’or.

Cette règle est exprimée dans le Talmud : « Telle est la méthode du mauvais penchant (yetzer hara) : aujourd’hui, il invite à faire un premier pas vers la faute. Une fois ce pas franchi, il demande le lendemain d’en franchir un deuxième. Etape après étape, il peut parvenir à faire adorer des idoles » (Chabbat 105b)

On ne peut concevoir que d’un moment à l’autre, un juste puisse succomber à toutes les tentations.

Dans le cas du veau d’or, comment comprendre qu’en un seul jour, toutes les barrières aient été franchies pour déboucher sur un véritable culte d’une sculpture de métal ?

La veille, le peuple d’Israël était encore sous l’impression extraordinaire de la révélation au Sinaï.

C’est d’ailleurs ce que fait remarquer D.ieu à Moïse : « Ils se sont promptement écartés de la voie que je leur avais prescrite » (Exode 32 ; 8).

Comment comprendre un changement si rapide ?

Il nous faut d’abord retracer le déroulement des événements. Et Rabbi Haïm Chmoulevitz (Sihoth Moussar volume 1 page 41) nous fait découvrir le secret de cette chute vertigineuse.

La sixième heure

« Le peuple vit que Moïse tardait à descendre de la montagne, et il s’attroupa autour d’Aaron, lui disant:

‘Allons ! Fabrique-nous des dieux qui marcheront devant nous, car voici Moïse, l’homme qui nous a fait monter du pays d’Egypte, nous ne savons ce qu’il est devenu’ » (Exode 32 ; 1)

Nos maîtres expliquent que le terme bachech, traduit par ‘tardait’, est composé de deux mots : ba et chech, littéralement : est arrivé la sixième (heure).

Juste avant de partir au sommet de la montagne, près des cieux pour recevoir les tables de la loi de D.ieu Lui-même, Moïse a dit au peuple qu’il reviendrait après quarante jours, dans les six premières heures de la journée.

Le calcul des quarante jours a été mal compris par le peuple juif.

Le quarantième jour, le Satan vint et déclencha un tumulte dans toute la création : l’obscurité, des nuages noirs et épais, et un brouillard dense enveloppèrent le peuple juif.

Le Satan s’adressa à eux : « Où est votre maître Moïse ? »

Ils répondirent : « Il est monté aux cieux »

Mais la sixième heure est déjà écoulée, répliqua le Satan, qui devant le silence des Juifs, leur montra l’image du lit mortuaire de Moïse.

C’est la raison pour laquelle le peuple s’exprima ainsi « Car voici Moïse, l’homme qui nous a fait monter du pays d’Egypte… » (Talmud Chabbat 89a)

C’est dans ce déroulement si particulier des événements, explique Rabbi ‘Haïm Chmoulevitz, que se trouve l’explication de cette chute vertigineuse.

Dans une situation normale, le yetzer hara ne peut agir que par étapes.

Mais ici, il a créé une situation totalement bouleversante pour le peuple juif.

Le Satan a montré aux Juifs qu’ils étaient désormais seuls, privés de celui qui avait été leur guide physiquement et moralement.

Le monde est plongé dans les ténèbres.

Ce peuple isolé de tous, comptant près de trois millions de personnes dont femmes et enfants, devra à présent affronter seul le désert aride et ses dangers.

C’est dans ce contexte, où la peur et l’effroi devant un avenir incertain s’installent dans le cœur de chacun, que le Satan a les mains libres pour faire chuter les Juifs du haut de la révélation sinaïtique aux abysses de la faute du veau d’or.

Une phrase du Talmud illustre cette idée : méigra rama lébira amikta : d’une haute terrasse aux tréfonds d’un puits.

L’arme la plus redoutable du Satan est de créer une situation où l’homme est totalement désemparé : privé de ses repères, il est à la merci de toutes les tentations.

Actualité brûlante

Nous retrouvons la même idée dans la Méguila de Ruth.

Orpa et Ruth (qui avaient épousé deux frères, morts tous les deux) suivirent leur belle-mère Noémie.

Noémie, ne voulant pas les emmener dans son pénible chemin d’exil, leur dit :

« Rebroussez chemin et que chacun rentre dans la maison de sa mère. Puisse le Seigneur vous rendre l’affection que vous avez témoigné aux défunts et à moi-même.

(…) Elle les embrassa, mais elles élevèrent la voix en sanglotant, et lui dirent :

« Non, avec toi nous voulons nous rendre auprès de ton peuple. (…) Puis Orpa embrassa sa belle-mère tandis que Ruth s’attachait à ses pas » (Ruth 1 ; 8-15).

Devant le renvoi de Noémie, Orpa se résigna mais Ruth ne céda pas.

Par la suite, Ruth va parvenir au summum de l’élévation morale, devenant l’ancêtre de David haméle’h, et donc du Messie.

Mais qu’est devenue Orpa ?

Le Midrach raconte : « La nuit qui suivit sa séparation de Noémie, Orpa est tombée dans la débauche la plus totale. Rabbi Tanhouma ajoute qu’elle s’est même unie avec un chien » (Ruth Rabba 2 ; 20).

Le Talmud ajoute que le mot Orpa fait allusion à son comportement déshonorant (Sota 42b).

Comment comprendre qu’après avoir sangloté et supplié Noémie pour qu’elle accepte qu’elle se joigne à elle dans le but de se lier au peuple juif, Orpa ait pu tomber si bas, et si vite ?

Après avoir quitté Noémie, n’ayant pas eu la force de caractère de lutter envers et contre tout pour être liée au peuple juif, Orpa s’est sentie désemparée, vidée de toute valeur.

Devant une telle situation, le yetzer hara a les mains libres pour agir à sa guise et faire tomber une personne au plus bas.

Rachi nous révèle encore un secret supplémentaire.

« Le peuple s’assit pour manger et pour boire, puis ils se levèrent pour se divertir » (Exode 32 ; 6).

Sur ce verset, Rachi commente : « Le terme letsa’heq signifie aussi la débauche. Il est utilisé dans ce sens dans la Genèse (39 ; 17) pour l’épisode de la femme de Putiphar.

Il signifie aussi le meurtre, comme dans Samuel II (14).

En effet, au moment de la faute du veau d’or, ‘Hour, qui tenta de les empêcher de fauter, fut assassiné » (Rachi ibid.).

Rabbi E.M. Bloch, l’auteur du Peniné Daat, explique que le divertissement dont nous parle la Thora dans ce verset, était effectivement l’origine des événements.

Une discussion théologique, même si elle peut amener à des erreurs, ne devient dangereuse seulement quand l’ambiance tourne à la dérision puis à la légèreté.

La porte est ouverte alors aux pires excès et toutes les barrières peuvent être franchies.

Cet enseignement de la Thora est d’une actualité brûlante.

On peut être confronté à des situations difficiles et conflictuelles, où l’on se trouve désemparé et dérouté, même dans le domaine familial ou professionnel.

Celui qui sait que le yetzer hara utilise particulièrement ce moment pour le perdre, évitera toute décision et toute action déterminante, avant de retrouver son équilibre et sa sérénité.

Dans le cas contraire, on peut déboucher sur une chute morale vertigineuse, inconcevable dans des conditions normales.

Méigra rama lébira amikta : d’une haute terrasse aux tréfonds d’un puits.

L’enseignement de nos maîtres nous permet de lutter, à armes égales, avec nos mauvais instincts…