Chabat Parachat BALAK

12 JUILLET 2008 – 9 TAMOUZ 5768

Jérusalem Paris - Bruxelles New York
Allumage des bougies19.0721.35 - 21.3720.10
Sortie de Chabbath20.2822.55 - 23.0121.16

La bénédiction du frelon

Par le Rav Eliahou Elkaïm

Des malédictions qui se transforment en bénédictions. Un proverbe qui s’intéresse aux abeilles et aux frelons. Une histoire drôle pour mieux comprendre les techniques des ennemis d’Israël ! La paracha de cette semaine nous ouvre de nouveaux horizons…

La paracha de cette semaine nous décrit les nombreuses tentatives de Balak, roi de Moab, pour convaincre Bileam d’utiliser ses pouvoirs surnaturels et que ses malédictions entraînent la destruction du peuple d’Israël.

Bileam lui-même éprouvait des sentiments de haine encore plus forts que ceux de Balak envers le peuple juif. C’est seulement l’intervention divine qui va l’empêcher de les maudire et le forcer finalement à adresser à ce peuple les plus belles bénédictions de tous les temps.

Le Midrach (Yalkouth Chimoni) précise même :

« Tout ce dont le peuple d’Israël jouit dans ce monde-ci est le résultat des bénédictions de Bileam. »

Bileam fut le seul prophète des Nations ayant eu accès à la Connaissance. Mais cette perception prophétique n’est pas due à un travail personnel d’élévation, ni à une recherche de rapprochement avec D.ieu, comme ce fut le cas pour les prophètes d’Israël (cf. Maïmonide, Yad hahazaka, Hilehoth Yéssodé Hathora 7, 1-2).

Rachi (Nombres 22 ; 5) rapporte les paroles de nos Maîtres qui s’étonnent que D.ieu ait accordé la prophétie à un homme si peu recommandable.

« Nous aussi, comme les Juifs ! »

Il faut d’abord comprendre pourquoi D.ieu a envoyé un prophète aux Nations : selon les paroles de nos Maîtres, c’est pour ne pas laisser la possibilité à ces mêmes Nations de justifier leur mauvaise conduite par l’absence d’un guide éclairé.

Le jour où D.ieu se dévoilera, ils pourraient dire: « Si nous avions eu, nous aussi, comme les Juifs, un prophète pour nous guider, nous aurions respecté la volonté divine»

Ce qui va se passer en fait, c’est que, bien au contraire, au lieu d’améliorer la conduite des Nations, Bileam va utiliser son influence pour les inciter à une plus grande perversion.

Alors que jusqu’à son époque il y avait un certain respect des bonnes mœurs, Bileam est celui qui va les pousser à la dégradation morale, et même à la prostitution.

Nos Maîtres dans leur analyse de la personnalité de Bileam, arrivent à la conclusion que cet homme incarne toute la bassesse humaine (Pirké Avoth 5 ; 19).

C’est que la connaissance à laquelle il a eu accès n’a pas été le fruit d’un travail personnel d’élévation morale.

L’accès à la prophétie, quand elle n’est pas accompagnée d’un travail personnel d’élévation morale, n’a aucune influence sur l’homme. Au contraire, elle peut être utilisée à des fins très dangereuses.

Cela nous permet de comprendre l’enthousiasme de Bileam à réaliser les sombres projets de Balak, sachant pertinemment que la volonté divine était différente.

Ce n’est que par la Miséricorde de D.ieu que ces malédictions vont se transformer en bénédictions…

Un texte du Midrach (Devarim Rabba 1-4) ajoute un nouvel élément :

« Rabbi A’ha ben ‘Hanina dit : la tohaha (les châtiments) si le peuple d’Israël ne respecte pas la Thora, annoncée par Moïse dans les parachioth Behoukotaï et Ki tavo, auraient dû l’être par Bileam, alors que les bénédictions de Bileam auraient dû être dites par Moïse.

Mais cet ordre des choses comportait un risque :

Si Bileam avait transmis le reproche (tohaha) au peuple juif, Israël aurait pu la rejeter en disant : « C’est parce qu’il nous hait qu’il nous dit cela ».

Et si Moïse leur avait adressé les bénédictions de Bileam, les Nations auraient pu dire :

« C’est parce qu’il les aime qu’il les bénit. »

C’est pour cette raison que D.ieu fixa cette répartition. Ainsi, les bénédictions et la tohaha seront l’apanage reconnu du peuple d’Israël.

Le Chem Michmouel (année 5675) cite Rachi (Nombres 22-12) qui, lui-même, cite le Midrach sur le verset qui suit.

« D.ieu dit à Bileam : « Tu n’iras point avec eux. Tu ne maudiras point ce peuple car il est béni. »

Pourquoi D.ieu doit-Il préciser : ‘car il est béni’ ? Il aurait suffit d’interdire à Bileam de les maudire…

C’est que Bileam proposa, puisqu’il ne pouvait les maudire, de pouvoir au moins les bénir. Et c’est à cette proposition que D.ieu lui répondit : « Ils n’ont pas besoin de tes bénédictions, puisqu’ils sont déjà bénis. »

Et le Midrach cite à ce sujet le proverbe : « On dit au frelon : ‘Je ne veux ni de ton miel ni de ton dard.’ »

Ce texte semble contredire le Midrach cité plus haut, duquel il ressort que le plan divin était justement que ce soit Bileam qui les bénisse.

Pourquoi alors lui refuser sa demande ?

Un être pervers

Une deuxième remarque s’impose :

La Thora (Deutéronome 23 ; 6) précise : « Mais l’Eternel ton D.ieu, n’a pas voulu écouter Bileam, et l’Eternel ton D.ieu, a transformé pour toi la malédiction en bénédiction, car il a de l’affection pour toi, l’Eternel ton D.ieu. »

Les mots de ce verset semblent signifier que c’est une malédiction que Bileam a adressée à Israël.

Pourtant, les textes de notre paracha sont explicites : même si ce fut contre son gré, ce sont bien des bénédictions que Bileam adressa à Israël.

Selon le Chem Michmouel, pour répondre à ces apparentes contradictions, il faut revenir sur le proverbe utilisé par le Midrach.

Ce dernier fait remarquer que ce n’est pas par hasard que le Midrach a pris l’exemple du frelon, alors qu’il aurait été plus attendu de parler des abeilles, dont le miel est bien plus répandu.

Le Talmud (Behoroth 7b) se penche sur le fait que le miel soit permis à la consommation, alors que cela paraît inconciliable avec le principe fondamental de « Kol hayotsé min hatamé tamé » (toute substance provenant d’un être interdit à la consommation est elle-même interdite).

Le miel, issu de l’abeille qui est interdite à la consommation aurait du être lui aussi interdit.

Pour répondre à cela, le Talmud précise : « L’abeille introduit le pollen dans on organisme et le régurgite sans y ajouter de substance qui vienne de son propre corps.»

C’est la raison pour laquelle le miel est Cacher.

Du même texte du Talmud, il ressort que le processus n’est pas le même pour le frelon. Ce dernier mélange au pollen une substance sécrétée par son organisme. (L’autorisation de manger de ce « miel » fait l’objet d’une discussion entre Tannaïm.)

D’après le Chem Michmouel, si le Midrach a choisi l’exemple du frelon, c’est pour exprimer une idée profonde : les bénédictions les plus belles, si elles viennent d’un être pervers comme l’était Bileam, deviennent des malédictions, car son dard y est mêlé.

C’est la raison profonde pour laquelle D.ieu refusa la proposition de Bileam.

Mais alors, comment se fait-il que Bileam ait malgré tout adressé ses « bénédictions » ? Et que celles-ci aient eu un effet aussi bénéfique, comme le dit le Midrach Yalkouth Chimoni ?

La parole divine

Le Chem Michmouel cite le Or Hahaïm et le Zohar sur le verset :

« L’Eternel mit Sa parole dans la bouche de Bileam » (Nombres 23 ; 5).

Ces derniers interprètent ce texte : c’est D.ieu Lui-même qui parla, et ce n’est qu’une illusion auditive qui permettait de penser que ce fut Bileam qui parlait.

Il y avait une séparation entre la bouche de Bileam et la parole divine afin que le dard de Bileam ne transforme pas l’essence de ces saintes paroles.

C’est la raison pour laquelle la proposition de Bileam fut repoussée sans équivoque.

Que ce soit lui qui les bénisse directement aurait eu l’effet inverse. Il a fallu que D.ieu intervienne de cette façon pour que l’impression prévalente soit que c’était Bileam qui les bénissait.

Les Nations verront que c’est effectivement l’ennemi le plus farouche d’Israël qui les bénit. Mais en réalité, ce n’est pas lui qui les bénit, mais la Parole divine.

Ainsi, les mots du verset : « L’Eternel ton D.ieu a transformé pour toi les malédictions en bénédictions » deviennent limpides.

Rabbi Eliahou Lopian, dans un autre texte, illustre avec humour cette idée par une petite histoire…

Un couple gérait une auberge qui était merveilleusement située. Le service y était excellent, la cuisine de qualité… et la clientèle fidèle. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où la discorde s’installa dans le couple.

Dans un premier temps, c’est en privé que se déroulaient les disputes et les altercations. Mais la situation dégénéra et les clients devinrent les témoins surpris de violentes querelles, où les injures ne manquaient pas.

Le prestige de l’auberge ne suffit plus à attirer la clientèle qui préféra renoncer à ce spectacle peu encourageant.

Réalisant l’ampleur de leur problème, nos deux conjoints décidèrent de faire appel à un rabbin.

Mais on s’aperçut bien vite que les tentatives de réconciliation menaient à l’échec, le fossé étant devenu infranchissable.

Mais comment sauver ce qui pouvait encore l’être : l’auberge ?

Un code secret

Le Rav donna son avis : « Je n’ai qu’un seul conseil à vous donner : fixez entre vous un code qui fera que les mots gentils signifient des injures et exercez-vous dans ce sens.»

Aussitôt dit, aussitôt fait, notre couple commença à se disputer en s’échangeant des mots tendres.

Dans un premier temps, les clients qui restent assistent à un changement notable.

Mais très vite, ils deviennent les spectateurs de scènes étranges : le nouveau spectacle est celui d’un homme et d’une femme qui se disent des gentillesses et autres expressions de tendresse, le tout accompagné de lancement d’objets de toutes sortes.

Les bénédictions de Bileam ressemblent aux mots tendres de notre couple. Elles ne sont que des malédictions camouflées, codées.

Et il aura fallu l’intervention divine pour transformer le mal et la méchanceté en véritables bénédictions.

C’est le sens véritable du verset : « Mais l’Eternel ton D.ieu, n’a pas voulu écouter Bileam, et l’Eternel ton D.ieu, a transformé pour toi la malédiction en bénédiction, car il a de l’affection pour toi, l’Eternel ton D.ieu. » (Deutéronome 23 ; 6).

CHABAT CHALOM