CHABAT YITRO

26 JANVIER 2008 – 19 CHEVAT 5768

Jérusalem Paris New York
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Très chers amis,

J’ai le plaisir de vous adresser un Dvar Thora sur les Pirké Avoth dédié à la Mémoire de Madame PORTUGAIS Paulette Deya Bat Maîcha

Dans le but de diffuser encore et toujours le message éternel de la Thora, nous envoyons ce Dvar Thora à des milliers de personnes francophones dans le monde, via Internet.

Notre Institution a emménagé dans un nouveau bâtiment situé face au Mont HERZL où nous serons toujours heureux de vous accueillir ; ce bâtiment porte dorénavant le nom de BEIT YEHOUDA VEHANA au nom de la famille qui a contribué au financement de cette acquisition ; notre reconnaissance est infinie tant pour cette famille que pour tous nos généreux donateurs et amis.

Nous avons démarré depuis Roch Hodech Hechvan la nouvelle session d'études et y avons accueilli 44 nouveaux élèves sélectionnés parmi des centaines de candidats. Nous avons donc plus de 180 élèves internes à la Yéchiva et 210 personnes au Beth Hamidrach avec les enseignants et étudiants externes. Nous grandissons grâce à votre aide : il y a neuf ans,nous étions9 !

Ce Dvar Thora est diffusé pour la guérison (refoua chelema) du fils de

Rav Eliahou Elkaïm,

Haïm Yéhouda ben Mazaltov

Ici, à Jérusalem, ville éternelle, symbole de la pérennité du peuple juif, nous prions et agissons pour la Délivrance et la paix.

Chabat Chalom.

Rav Chalom Bettan


L’autre dimension

Par Rav Eliahou Elkaïm

En tentant de répondre à certaines questions que soulève la maxime de Rabbi Tarphon, on pénètre, malgré nous, dans une autre dimension: celle de la bonté de D.ieu.

«Il disait: ‘Il ne t’incombe pas de terminer le travail, mais tu n’es pas libre de t’en dispenser; si tu as appris beaucoup de Thora, on te donnera un grand salaire; il est fiable le Maître de ton travail pour te payer le salaire de ton ouvrage; et sache-le, le salaire des justes est donné dans les temps à venir. ».

(Chapitre 2, Michna 16)

Chacun dans son style particulier, les commentateurs de notre Michna trouvent, dans le premier volet, le complément de la précédente maxime.

Rabbi Tarphon vient donc compléter sa propre pensée: même si le devoir d’étude de la Thora, qui incombe à l’homme, est immense et qu’on ne peut en atteindre la fin, il ne faut surtout pas en conclure que les efforts auront été vains.

Rabbénou Yona ajoute que cela est d’autant plus vrai pour celui qui ne possède pas un quotient intellectuel particulièrement élevé et qui, de ce fait, risque de se dire:

«Avec mes facultés, je ne pourrai jamais maîtriser toute la Thora. A quoi donc serviront mes efforts et mon investissement dans ce domaine?»

Rabbénou Yona répond: «Penser ainsi est une erreur, car si tu étudies laborieusement, tu auras ainsi accompli la volonté de ton Créateur.»

Rabbi Tarphon enchaîne en disant: «Nous tu n’es pas libre de t’en dispenser. Car il existe un grand risque, celui que l’homme se dise:

«Puisque je ne suis pas astreint à achever l’ouvrage, pourquoi devrais-je consacrer chaque moment de libre à l’étude? Il me suffit d’étudier un peu chaque jour».

Cette façon de voir les chose est erronée dans la mesure où l’on doit se considérer comme l’esclave de son Créateur, qui exige de nous de se consacrer à cette étude le jour et la nuit.»

Le Gaon de Vilna, sur ce sujet, nous livre une allégorie(machal):

«Un roi possédait un puit d’une profondeur incommensurable. Il désirait le boucher et dans ce but, il demanda à l’un de ses intendants d’engager des ouvriers. C’est ce que fit l’intendant et le travail pu débuter.

Parmi les ouvriers, ceux qui étaient sots examinaient sans cesse la profondeur du puit en se disant qu’ils ne parviendraient jamais à le remplir.

Ceux qui étaient plus intelligents se disaient à l’inverse: ‘Que m’importe cette profondeur. Je suis payé à la journée, et je dois m’estimer heureux d’avoir trouvé du travail!’

C’est ce que le Créateur dit à l’homme: ‘Que t’importe l’ampleur de l’ouvrage. Accompli ton travail quotidien et tu recevras ton salaire.’»

Un salaire du quitte au double

La suite de la maxime va nous permettre de saisir parfaitement l’idée deRabbi Tarphon:

«Si tu as appris beaucoup de Thora, on te donnera un grand salaire».

A priori, cette affirmation semble répéter la précédente Michna où Rabbi Tarphon disait:

«(…) le salaire est élevé.» (2; 15)

L’auteur du «Midrach Chmouel» interprète cette répétition apparente dans le sens suivant:

«Si le salaire attribué comme rémunération de l’étude est si grand, l’homme risque de se suffire d’un temps très limité pour étudier, convaincu qu’il mérite, pour chaque mot de Thora étudié un salaire immense.

C’est pour cela que Rabbi Tarphon revient sur cette idée pour faire cette précision:

«Si tu as beaucoup étudié, et seulement à cette condition, tu mériteras un grand salaire. Mais si tu y consacres un temps restreint, et que tu as gâché le reste de ton temps en futilités, tu risques de tout perdre. Car le châtiment pour la faute de ‘bitoul Thora’ (gâcher son temps) est immense.» (Ibid.)

Cette assertion soulève de nombreuses interrogations: Que signifie concrètement un temps restreint? Quel concept recouvre le terme ‘futilités’? Et comment comprendre la notion de ‘gâcher son temps’? Ces questions vont nous permettre de trouver des réponses et des explications à l’idée de Rabbi Tarphon.

La volonté des hommes

La suite de cette maxime est:

«Il est fiable le Maître de ton travail pour te payer le salaire de ton ouvrage»

Citons le développement du Saba de Kelm, Rabbi Sim’ha Zissel zatsal:

«La première partie de la maxime de Rabbi Tarphonsemble à première vue superflue :

‘Il ne t’incombe pas de terminer le travail’

Car la fin de la phrase se suffit à elle-même:

‘(…) tu n’es pas libre de te dispenser de cette tâche’

En effet, il semble évident que l’homme n’a pas la possibilité de maîtriser toute la Thora. D’ailleurs, il est difficile de comprendre pourquoi le Créateur a attribué à l’homme une mission et un travail qu’il ne pourra achever.

Nous allons tenter de découvrir l’intention divine qui se cache derrière cette réalité.

Ce que D.ieu attend des hommes, c’est leur volonté et leurs efforts. S’ils mettent en œuvre tout ce qui est possible pour connaître la parole de D.ieu et l’accomplir, le Créateur les aidera a atteindre des horizons, qui dépassent ce qu’il peuvent découvrir par leurs seules capacités.

Plus encore… Ce que l’homme va acquérir par le biais d’une aide divine, et non de son propre fait, lui sera néanmoins compté, et lui fera même mériter un salaire, comme si cela avait été le résultat direct de son effort!

On comprend mieux maintenant l’intention de D.ieu qui, en inscrivant l’homme dans une mission qu’il ne peut pas remplir totalement, prouve que c’est sa volonté qu’Il attend, ses efforts qui seront récompensés.

Des efforts récompensés de deux façons:

  1. des résultats (dans l’étude notamment) qui dépassent les capacités tangibles

  2. un salaire qui dépasse le travail réellement accompli

Mais il faut prendre garde, car ce qui est vrai dans la rémunération l’est aussi dans l’aspect négatif: si un homme ne prouve pas son investissement et sa volonté, on lui demandera des comptes, non seulement les résultats qu’il aurait dû obtenir normalement, mais également ceux qu’il aurait atteint grâce à l’aide divine.

Là réside le sens des mots du maître:

‘Il ne t’incombe pas de terminer le travail, mais tu n’es pas libre de t’en dispenser’

Si l’on se demande alors pourquoi D.ieu nous a assigné à une tâche irréalisable, il nous faut savoir que c’est pour nous donner le moyen d’accéder, en investissant toutes nos possibilités, à des niveaux supérieurs, qui se trouvent au-delà de nos capacités réelles, et de pouvoir, luxe suprême, les considérer comme ayant été acquis par nos seuls efforts!

Cette conception nous permet désormais de répondre à nos questions.

Consacrer un temps restreint à l’étude signifie ne pas engager tous ses moments de liberté dans l’étude de la parole divine et l’accomplissement des commandements. S’adonner à des futilités, c’est perdre un temps précieux que D.ieu nous a confié pour réaliser pleinement notre mission sur terre.

Si D.ieu constate que l’homme n’utilise pas au mieux ses capacités et son temps, il sera alors en droit de demander des comptes sur tous les résultats qui auraient pu être obtenu si l’homme avait consciencieusement accompli son rôle.

Une évidence pleine de mystère…

Rabbi Tarphon poursuit:

‘Si tu as appris beaucoup (harbé) de Thora, on te donnera un grand (harbé) salaire’.

Si l’on comprend cette phrase au sens premier, elle semble évidenteet presque sans intérêt. Il est évident que plus on travaille et plus on reçoit en salaire.

Mais Rabbi Tarphon veut appuyer son idée première: il parle ici du salaire supplémentaire que D.ieu donne en cadeau, au vu des efforts des hommes; salaire qui n’est pas le fruit de leurs seuls efforts…

Ce salaire sera seulement attribué à celui qui a étudié «beaucoup de Thora».

La dernière assertion apporte un élément supplémentaire:

«Il est fiable le Maître de ton travail pour te payer le salaire de ton ouvrage(péoulateha) »

Il n’est pas nécessaire de dire que D.ieu est fiable: c’est une évidence!

Si Rabbi Tarphon a pris la peine de faire cette précision, c’est pour affiner encore le concept:

Si l’on achète une chose, on est d’accord d’en payer le prix réel, peu importe que le producteur ou le vendeur ait dû fournir un effort particulier pour nous le fournir.

D.ieu agit différemment. En plus du salaire qu’il offre pour l’acte lui-même, il rémunère également l’effort (c’est le sens de péoula).»

(‘Hohma ou moussar vol 2 p.87)

Rabbi Tarphon de conclure:

«Sache que le salaire des justes est donné dans les temps à venir »

D’après Maïmonide, les temps à venir, c’est le monde futur (olam Haba), le monde que nous découvrirons après notre mort.

Le Rachbats découvre ici une intention particulière: le salaire des justes (tsadikim) est attribué dans le monde futur, alors que celui des méchants (rechayim), pour les quelques bonnes actions qu’ils auront tout de même accomplis, leur sera remis dans ce monde-ci.

C’est un élément de réponse pour tenter de comprendre la question classique: pourquoi les justes souffrent dans ce monde alors que les méchants y goûtent bien souvent un plaisir tangible?

Chabbat Chalom